Une nouvelle mesure d’interdiction nigériane risque de sonner le glas de la filière des véhicules d’occasion au Bénin. Avec sans doute des conséquences désastreuses sur l’économie du pays.
Le commerce des véhicules d’occasion sur les parcs de Sèkandji et d’Ekpè était déjà mal en point, en raison de la dépréciation de la monnaie nigériane, le naira. Mais la filière risque de s’asphyxier au regard des nouvelles mesures prises par l’Etat fédéral du Nigeria. A partir du 1er janvier 2017, une ordonnance présidentielle décrète l’interdiction des véhicules neufs et usagés par voie terrestre. La mesure vise à lutter contre l’évasion fiscale et relancer les ports nigérians qui souffrent énormément des activités de réexportation via des Etats voisins du Nigeria. Il s’agit aussi d’un signal fort du président nigérian Muhammadu Buhari qui conformément à la nouvelle politique industrielle d’Abuja a manifesté la volonté de relancer l’industrie automobile locale. Si le Bénin n’est pas directement indexé par la mesure du gouvernement fédéral, il risque de payer très cher les effets néfastes sur le commerce des véhicules d’occasion qui lui procurent des recettes fiscales importantes et créent des milliers d’emplois.
Déjà, l’Etat béninois avait enregistré plus de 20 milliards de francs CFA de pertes de recettes sur les véhicules d’occasion au premier semestre de l’année 2016 du fait de la forte dépréciation du naira. La morosité est devenue flagrante sur les parcs et se traduit notamment par la chute brutale du prix des véhicules d’occasion. « Nous sommes confrontés depuis plusieurs mois à une mévente sans précédent parce que les Nigérians qui constituent nos principaux clients ne viennent plus. Avec cette nouvelle décision, nous risquons de quitter les parcs », confie Vincent Acakpo, commissionnaire en douane.
Depuis 2002, le Nigeria avait déjà interdit les véhicules d’occasion de plus de 10 ans d’âge sur son territoire. Cette décision a induit un regain d’activité de réexportation à partir du Bénin, et entretenue par une filière de contrebande des véhicules via les nombreuses frontières poreuses entre les deux Etats. Mais la mesure qui entre en vigueur dans quelques jours cible uniquement les frontières terrestres et traduisent une certaine volonté de traquer les contrebandiers aux fins de protéger le marché nigérian.
La nouvelle dynamique nigériane
L’étude commanditée, il y a quelques mois, par le ministère de l’Industrie et du Commerce sur l’évaluation de la compétitivité des produits sur le marché nigérian’’ avait tiré la sonnette d’alarme sur le vent de renouveau qui souffle sur le secteur automobile à Abuja. Selon les données communiquées, 22 agréments ont été accordés par le Conseil national de l’Automobile suite à un appel d’offres pour la production des pièces détachées et d’unités de montage d’automobiles neufs. Au nombre des sociétés agréées, on peut citer les constructeurs automobiles comme Nissan, Toyota, Hundai, Wolkvagen, Honda, Kia et Tata qui se préparent activement à installer leurs chaînes de montage de véhicules. Des spécimens de véhicules « made in Nigeria », sont déjà en vente dans le pays grâce à la société Hundai pour un prix estimé à moins de 6 millions de francs CFA. Selon le rapport, le groupe chinois Kewalram Chanram s’apprête à s’installer pour produire des véhicules de marque photons et Ikorodu dans les faubourgs de Lagos. Ce groupe pense investir 10 milliards de nairas pour produire 15 000 voitures par an. D’autres constructeurs opèrent déjà à l’instar du Français CFAO qui a conclu des accords pour des opérations d’assemblage de véhicules dans ses usines situées à Lagos dans la zone industrielle d’Amuwo Odofin. L’étude signale également l’existence d’une société Imosen appartenant à un Nigérian originaire de l’Etat d’Anabra. Cet investisseur local fabrique actuellement des voitures de toutes catégories où seuls les châssis et les moteurs sont importés du Japon.
Cette dynamique de l’industrie automobile nigériane fait planer le spectre de la disparition de la filière véhicules d’occasion d’autant que plus de 80% des véhicules qui transitent par le port de Cotonou atterrissent au Nigeria. Elle dicte surtout aux autorités béninoises la nécessité d’aller vers une transition fiscale afin de rendre le budget national moins dépendant des mesures de politique économique et fiscale en provenance du géant de l’Est.?
Gnona AFANGBEDJI