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Pour un développement certain à la base : l’audace des maires est obligatoire
Publié le lundi 19 decembre 2016  |  Nord Sud
Luc
© aCotonou.com par CODIAS
Luc Atropko, maire de Bohicon lors de la Passation de charge à la tête de la mairie d`Abomey-Calavi entre l`ancien et le nouveau maire de la ville dortoire.
Abomey-Calavi le 03 septembre. Passation de service entre le maire Partice Houssouguede et le maire Georges Bada




Les régimes se succèdent. Mais les promesses ne se matérialisent pas. Une décennie en arrière, la décentralisation prenait timidement corps au Bénin avec l’installation des conseillers communaux et municipaux. L’espoir de tendre rapidement au développement grâce à ce mode de gouvernance était le requiem de tous. Pourtant, à l’heure du bilan, il est à noter que le Bénin en matière de décentralisation est encore très loin de comprendre les vrais enjeux. Du moins, l’audace, ‘’oser’’ n’est pas dans le champ lexical de nos élus locaux.

15%, c’est le refrain de tous les aspirants aux fauteuils de la Marina. Toujours pour le développement, des promesses « électorales » s’y ajoutent. En vœu pour preuve la promesse de ‘’Contrat Etat-Commune’’ faite par le candidat Patrice Talon, actuel président du Bénin. Hélas, c’est sans compter peut être sur les réalités du pouvoir. Car depuis son investiture le 6 avril, les signaux vers les communes ne rassurent personnes. Par exemple, la dotation dont bénéficie les communes du budget général de l’Etat, le tout premier de l’ère de la rupture a connu une baisse. Luc Sètondji Atrokpo, président de l’Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB), instance faitière des communes béninoise n’a pas arrêté depuis son passage devant la commission des finances du parlement de tirer la sonnette d’alarme. Toutefois, son plaidoyer à l’instant de celui de ces prédécesseurs est resté sans suite. Cependant, quel est le développement à la base, si les ressources conséquentes n’accompagnent ?

Or, Il n’y de doute à se faire en ce moment sur l’importance de la décentralisation dans le développement. Il faut « apprendre à tricher » afin d’avancer surtout d’impacter. A cet effet, «C’est dans l’audace que l’on trouvera des solutions aux crises auxquelles font face les maires», a laissé entendre Jean Luc Roux, Chercheur indépendant en monnaie complémentaire. Selon lui, garantir l’accès des populations aux services de bases est l’une des préoccupations des Autorités Locales. Mais face aux difficultés financières liées à ce domaine, il suggère aux élus locaux « la création d’une monnaie complémentaire ». A ce propos, il a fait une présentation sur les monnaies complémentaires à l’attention des maires membres du Comité Exécutif de CGLU Afrique, lors de sa 14e Session, le 10 mai 2016.



AVANTAGES ET PROCESSUS DE CREATIONS



Qu’est-ce que les monnaies complémentaires peuvent apporter comme plus aux collectivités locales ?



Je me suis aperçu que depuis quelques années avec l’austérité régnante les pouvoirs publics, les autorités, les villes ont perdu leur pourvoir financier. Ainsi, les budgets relatifs à l’éducation, à la scolarité, aux soins de santé, au transport, à la gestion des déchets, souffrent malheureusement de large déficit. Aujourd’hui, les villes ont appris dans certains pays, sur certains continents, qu’elles peuvent refaire de la trésorerie budgétaire en créant et en affectant une monnaie complémentaire à des secteurs qui ne nécessitent pas forcément d’être géré en monnaie conventionnelle. Je prends l’exemple de la ville de Bristol en Angleterre. C’est une ville d’environ un million d’habitants. Le maire en accord avec les citoyens, a décidé de créer une monnaie, le «Bristol Pound» qui est affecté principalement aux échanges entre les entreprises locales de la ville, aux échanges des populations avec toutes les denrées alimentaires, aux échanges que la population a avec les entreprises productrices d’énergies. Tous ces services-là sont aujourd’hui payés en Bristol Pound. Ainsi la mairie ne dépense plus de livre sterling pour ces secteurs et elle a pu augmenter son budget dans les lignes budgétaires qui ne peuvent pas être gérées en Bristol Pound. Par exemple le système informatique, les installations techniques dans les hôpitaux, ça nécessite des budgets importants et ce sont des types de dépenses que l’on ne peut pas faire en monnaie locale.



Ce modèle de monnaie complémentaire est-il aussi approprié aux grandes communes ?



Plus, la taille de la commune est grande, plus la monnaie à la chance de réussir. Ce qui est important c’est la détermination du maire et des élus d’une part , et la rencontre avec des citoyens motivés pour travailler main dans la main à créer une monnaie au service des citoyens. Une monnaie qui va faciliter les échanges dans le secteur alimentaire, de la santé, de l’éducation. C’est une question de volonté et de motivation. Ce n’est pas une question de taille de la commune. La taille permet à la monnaie d’avoir une plus grande stabilité.





Comment faire pour avoir l’autorisation de mettre sur le marché une monnaie complémentaire. L’Etat peut s’y opposer ?



Je dirai qu’il faut avoir le courage de la désobéissance civile. Je vais vous donner un exemple. Quand j’étais jeune militant belge, il n’était pas autoriser de créer son émetteur. J’étais étudiant et avec des camarades nous avons acheté un émetteur et nous avons commencé à mettre de la music et les informations pour les étudiants. Ce n’était pas autorisé. Six mois après on s’est fait confisquer le poste de radio et nous avons racheté un autre. Lorsque la gendarmerie voulait sévir à nouveau nous avons prévenu tous les auditeurs et en quelques minutes il y avait 3500 citoyens autour de notre poste de radio qui n’ont pas permis à la gendarmerie de fermer la station de radio et deux ans plus tard c’était légalisé en Belgique. Parfois le courage de la désobéissance civile, permet d’ouvrir des pans nouveaux d’activités dans une société sur des points que le législateur n’avait pas pensés. Il faut le courage d’hommes audacieux. Je sais qu’il y a des maires qui sont audacieux. Que ce soit en Allemagne, en Belgique, en France, en Afrique aussi. Je pense notamment à la ville de Mombasa au Kenya où une monnaie complémentaire a été créée. Il faut noter qu’on n’est pas tout à fait au niveau de l’illégalité mais nous sommes dans ce que la légalité ne prévoit pas. C’est ce que j’appelle la matière crise.





Quels sont donc les étapes indispensables pour lancer une monnaie complémentaire ?



La première chose c’est la formation. Il faut que les maires accompagnés des représentants de la société civile aient une formation spécifique à la création de ces monnaies complémentaires. Parce qu’elles sont très diverses contrairement à la monnaie conventionnelle qui est une mono culture, on la produit de la même façon partout dans le monde. Or les monnaies complémentaires sont des monnaies qui sont adaptées à chacune des situations. Elles ont une grande variété de visages différents. Il faut apprendre à connaitre le model à utiliser en fonction des besoins que je souhaite remplir. J’ai par exemple donnée avec l’économiste Bernard Lietaer, une formation de ce type à l’université de Zurich, il y a trois ans. Ce qui a permis à 30 personnes de repartir dans leur pays et de devenir ce que moi j’appelle des architectes des structures monétaires complémentaires. Cette formation peut se faire sur un délai de 3 ou 5 jours.



Comme deuxième étape : la motivation. La motivation c’est le moteur indispensable. Troisième étape : bien identifier les besoins qui sont à couvrir par cette monnaie. On ne peut pas tout faire. Alors il faut sélectionner ce qui est en crise dans ma ville. Ce qui ne fonctionne pas dans ma ville parce que j’ai un manque de moyen où tout simplement parce que j’ai des populations qui sont exclus de l’activité économique. Elles ne peuvent pas s’acheter des médicaments en pharmacie, elles ne peuvent pas avoir accès à l’école, etc. Si ces populations-là sont prioritaires dans la gestion de ma ville, je ferai une monnaie qui sera affectée à développer ces secteurs.



Ensuite il faut penser à la technicité. Est-ce que je vais faire une monnaie sous forme papier ? Est-ce que je vais faire une monnaie sous forme électronique ? Dans le monde, aujourd’hui la plupart des monnaies ne se font pas avec du papier mais sous forme électronique. Ça fonctionne bien dans le business to business entre entreprise. Quand les citoyens sont impliqués c’est bien d’avoir une monnaie papier. Puis, décider ci cette monnaie papier a une convertibilité ou non. Ce sont des décisions qui se discutent avec le comité de création de cette monnaie qui est toujours un comité mixte. Un comité : citoyen/pouvoir public.



Après ça il faut informer les citoyens du dispositif que l’on va mettre en place via les médias. Autre étape importante, c’est la charte locale de la ou des monnaies complémentaires. Cette charte va définir le cadre de la monnaie, les populations concernées par cette monnaie, la gouvernance de la monnaie (c’est un élément important pour déterminer qui prend les décisions). On verra que pour qu’une monnaie fonctionne bien, les décisions doivent toujours se prendre avec le groupe responsable de la création. Une fois la charte établis, le type de monnaie établi, on passe à une phase test. C’est-à-dire qu’on décide de tester la monnaie dans un quartier de sa ville et de voir comment ça se passe. Entre la décision de faire une monnaie et sa première application il faut attendre 2 ans. Deux ans c’est le temps de préparation pour amener une monnaie à maturité avant de la tester. La phase test est en général de 6 mois. On regarde si les citoyens ont bien compris la manière de l’utiliser. On fait un rapport de cette phase test, on tune le procéder et puis on y va avec la phase opérationnelle définitive. Et régulièrement, tous les 6 mois, tous les ans on rapporte l’évaluation du système pour l’adapter à chaque fois aux difficultés que l’on pourrait rencontrer.



Bristol pound, un exemple



En septembre 2012, au Royaume-Uni, la ville de Bristol, 430 000 habitants a lancé sa propre monnaie : le Bristol Pound. Selon les explications de Guy Poultney un conseiller municipal à Bristol, à l’origine, le Bristol pound est un projet indépendant. La mairie a décidé de se joindre à cette initiative et de la soutenir. Dans un contexte économique difficile, un tel projet est quelque chose que les gens peuvent s’approprier ici et maintenant et voir concrètement l’impact de leur argent a-t-il ajouté.



En plus, cela renforce les liens sociaux informe t-il. Comme autres avantages pour la ville il estime que : « les habitants sont incités à acheter local », ce qui permet de réduire l’empreinte écologique de Bristol. Cela encourage également « la diversification de l’économie locale pour aider à la création d’emplois, en plus de qualité ». Enfin, le Bristol pound contribue à la résilience économique locale et crée de la croissance économique grâce à la circulation plus rapide de la monnaie locale.



Que faire… ?



Plus besoin de réfléchir. Pour que la décentralisation devienne un levier de développement et que nos élus locaux cessent d’attendre l’aide de l’Etat ; Jean Luc Roux, Chercheur indépendant en monnaie complémentaire préconise de : « oser le changement ». Oser le changement parce que ce n’est pas dans le cadre actuel que des solutions à la crise sociale, économique et environnementale seront trouvées. « Les maires qui ont osé ce changement, je pense aux maires de Bristol, de Nantes, de Toulouse, se retrouvent aujourd’hui dans des situations compétitives meilleures à celles de leurs collègues dans d’autres villes qui sont restés timides » a-t-il martelé. On se rend compte qu’aujourd’hui à politique égale on n’a pas les solutions aux crises que l’on rencontre. C’est dans le changement, dans l’audace, d’essayer de nouveaux outils, d’innover, que l’on trouvera des solutions aux différentes crises auxquelles font face les maires.

Méchac AHODI

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