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Anselme Amoussou, nouveau secrétaire général de la CSA-Bénin: «Priorité : réaliser l’autonomie financière de la confédération»
Publié le vendredi 23 decembre 2016  |  La Nation
Anselme
© aCotonou.com par DR
Anselme Amoussou,Secrétaire Général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (Csa-Bénin)






Après dix ans à la tête de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin), Dieudonné Lokossou a cédé son fauteuil à Anselme Amoussou. Un changement qui intervient en ce moment où les tensions sociales sont de plus en plus vives de la part des travailleurs. Le nouveau secrétaire général nous parle ici de ces défis.

La Nation :Vous venez d’être nouvellement élu à la tête de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin. Comment en êtes-vous arrivé là ?

Anselme Amoussou : En syndicalisme comme dans d’autres domaines, il n’y a jamais de génération spontanée. Si je parle, aujourd’hui au nom de la CSA-Bénin c’est parce que j’ai pris le temps de faire mes armes. Mon parcours syndical a commencé par le militantisme au sein d’un syndicat de base de l’enseignement qu’on appelle le Syner-Bénin, c’est-à-dire le Syndicat national des enseignants pour le renouveau éducatif au Bénin qui est un syndicat qui couvre le primaire et le secondaire. J’ai occupé le poste de secrétaire général adjoint dans ce syndicat avant d’en prendre les rênes pendant environ une dizaine d’années. Avec ce syndicat, j’ai milité au sein du Front d’action des syndicats des trois ordres de l’éducation où j’ai été le porte-parole en 2008 avec un certain nombre d’acquis très importants notamment les 25%, le logement, le reversement des contractuels locaux. J’ai fait cette expérience de porte-parole du Front et j’ai ensuite été au sein de la Fédération de l’éducation au sein de la CSA-Bénin : d’abord adjoint du secrétaire général Alphonse da Silva, puis secrétaire administratif du secrétaire général Siméon Pépin, avant de devenir moi-même secrétaire général de cette même fédération que j’ai quittée pour devenir deuxième secrétaire général adjoint de la CSA-Bénin en décembre 2011. ...Ce parcours a été le mien et a été couronné par mon intégration au sein d’un certain nombre de réseaux de chercheurs en Afrique notamment un réseau qui fait beaucoup de recherches sur des thématiques majeures qui concernent les travailleurs en Afrique... Ce parcours s’est enrichi avec un certain nombre de formations.

Ce parcours riche en expériences vous a permis d’être à la tête de cette confédération de renom. Quelles sont vos premières impressions ?

D’abord, j’ai une impression de satisfaction, de joie et de reconnaissance envers ces dizaines de militants de syndicats affiliés qui m’ont fait confiance spontanément. C’est une lourde responsabilité et j’ai été très ému de cette marque de confiance. Reconnaissance également surtout en direction du secrétaire général sortant, Dieudonné Lokossou, que j’ai servi pendant des années en tant qu’adjoint et qui a été un leader très collaborateur et collaboratif. Il m’a appris comment gérer une confédération et comment assurer une telle responsabilité. J’ai été à ses côtés au cœur du fonctionnement d’une confédération. J’ai aussi appris de ses succès et de ses échecs. C’est donc une énorme reconnaissance envers lui. Ensuite je mesure bien entendu, quand l’euphorie passe, la délicatesse de cette fonction et j’appréhende les lendemains qui vont venir et au cours desquels nous seront bien obligés de nous mettre à l’œuvre pour mériter de la confiance des travailleurs.

Une fois à la tête de cette confédération, quel dynamisme entendez-vous insuffler à cet outil de combat des travailleurs ?

Aujourd’hui, la CSA-Bénin est la deuxième confédération au regard des dernières élections professionnelles. Et nous entendons conforter cette position et devenir la première. La première en terme d’idées et d’image parce que nous avons besoin de redorer le blason du syndicalisme qui a été écorné ces derniers temps par un certain nombre de pratiques et de tares comme la prolifération des organisations syndicales. Dans les différents secteurs, nous sommes à plus de cent organisations syndicales. Ce sont des choses qui ne favorisent pas la bonne image du syndicat. Nous avons un certain nombre de faiblesses également dans le syndicalisme au Bénin. Je voudrais parler de la dépendance financière vis-à-vis de l’Etat et des bailleurs de fonds, le manque d’expertise sur des questions de thématiques majeures en ce qui concerne la ligne budgétaire, le manque de ressources humaines qualifiées par rapport aux négociations et au dialogue social. Et de ce point de vue, la priorité sera de m’attaquer à la question de la formation et de l’éducation ouvrière, faire en sorte que nous ayons des militants qui connaissent leurs droits et leurs devoirs et qui sachent négocier et dialoguer et qui sortent de ce cercle vicieux où on pense que le bon syndicaliste est celui qui crie, entretient la guéguerre en permanence avec l’employeur et qui au bout du rouleau n’obtient rien. Je mettrai également l’accent sur ce que nous devons faire en direction des femmes et des jeunes qui sont des couches que l’on retrouve très peu dans le syndicalisme, aujourd’hui, alors qu’ils sont de plus en plus nombreux dans le monde de travail surtout au regard du caractère informel de nos économies. Donc, il faut faire en sorte d’intéresser les travailleurs de l’économie informelle dont les femmes en général et les jeunes travailleurs à venir au syndicat et ça passe par l’amélioration de la qualité de service que nous leur apportons en tant que force sociale. Il faudra également s’attaquer à proposer aux travailleurs une offre de service et de bénéfice qui nous sorte des fonctions classiques du syndicat. Alors, pourquoi ne pas installer un centre d’écoute et d’assistance pour les retraités ? Ces derniers, lorsqu’ils vont à la retraite, il faut qu’on puisse les aider à sortir rapidement leur pension plutôt que d’attendre six mois ou un an. Pourquoi ne pas installer une petite crèche pour les femmes travailleuses qui veulent militer dans le syndicat et qui sont des nourrices par exemple, des mères de famille qui peuvent déposer leurs enfants à moindre coût à la bourse du travail pour vaquer tranquillement à leurs occupations? Autant de fonctions sociales que nous pouvons faire en direction de nos militants pour que nous puissions créer un esprit de famille de la CSA-Bénin. Ce qui permettra d’améliorer la capacité de mobilisation des militants. Enfin, il faudra que nous puissions améliorer notre participation dans le dialogue sociale en termes de propositions crédibles alternatives au gouvernement. Ce qui pourra faciliter l’implication en aval des prises de décisions afin d’impacter favorablement les décisions qui sont prises au nom des travailleurs.

En ce moment où les tensions sociales deviennent de plus en plus vives, quels sont alors les grands défis à relever pour soulager les souffrances des travailleurs ?

Nous sommes dans une alternance politique qui commence avec un nouveau régime qui parle beaucoup de réformes, des réformes économiques surtout et des réformes politiques qui sont annoncées et qui paraissent dures avec une gouvernance un peu froide de mon point de vue. Ainsi, le premier grand défi est de faire en sorte que le gouvernement infléchisse dans cette propension à dénier le social dans son action. Et pour le faire, il faut que forcément nous pussions être là où on décide des réformes. Et donc nous devons comme priorité discuter avec les autres forces sociales pour que notre cri de cœur puisse être entendu par le gouvernement...
La deuxième priorité sera de réaliser l’autonomie financière de la confédération. Nous devons sortir de ce carcan où le gouvernement fait du chantage par rapport à la subvention qu’il met au service des confédérations. Cela doit passer par une diversification des partenariats à l’interne comme à l’extérieur. Cela passe également par une nouvelle politique de collecte des cotisations. On ne peut pas traiter les finances syndicales comme les finances d’une mutuelle ou d’un micro crédit. Nous devons mettre en œuvre des stratégies qui permettront d’obliger les travailleurs à venir payer spontanément leurs cotisations ou bien obliger le gouvernement, à l’instar d’autres pays, à officialiser le « check off » pour que tous les travailleurs puissent contribuer à l’effort des confédérations et organisations syndicales pour améliorer leurs conditions de vie. Ça va être les deux premières priorités associées à la formation qui est la pierre angulaire de nos actions au niveau de cette confédération. Ainsi, dans les jours à venir, la CSA-Bénin va multiplier les séminaires de formation, l’éducation ouvrière de ses militants qui va leur permettre d’être des syndicalistes différents de ce que nous avons connus jusque-là. Enfin, il faudra améliorer le fonctionnement de la confédération. Je voudrais dire qu’il revient de faire en sorte que les fédérations fonctionnent correctement pour que la confédération grandisse. A la date d’aujourd’hui, nos fédérations ne fonctionnent pas et l’efficacité de l’action syndicale s’en ressent. Nous donnerons les moyens aux fédérations pour qu’elles fonctionnent bien. Il s’agit de les rapprocher des militants afin que leurs préoccupations puissent être pris rapidement en compte pour nous permettre de les régler.

Par rapport au fonctionnement des fédérations et organisations syndicales affiliées à la confédération, quel appel avez-vous à leur lancer ?

Nous avons souvent réclamé que les jeunes viennent aux affaires dans le monde du syndicat. Il est souvent reproché aux syndicalistes qu’ils sont des retraités. Aujourd’hui, la CSA-Bénin vient de donner la preuve qu’il y a une organisation syndicale où la démocratie n’est pas un vain mot. C’est pourquoi nous appelons tous les syndicats affiliés à nous accompagner dans cette œuvre en tant que militant. Les jours à venir, la marque de la jeunesse, en tant qu’approche des problèmes, en termes de stratégies pour aller vers les gouvernements et vers les travailleurs sera améliorée.

Désiré GBODOUGBE
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