Comme dans tous les pays du monde, l’Etat donne priorité à l’Education au Bénin. Aussi, est-elle rendue progressivement gratuite. Mais force est de constater que les formations reçues dans les établissements scolaires nécessitent assez de moyens. Les parents qui veulent d’une formation de qualité pour leurs enfants se retrouvent alors dans l’incapacité d’assurer les frais de scolarité.
La scolarité devient de plus en plus une question de moyens. Mardi 6 décembre 2016. Il est 9 heures. Nous sommes au Collège d’enseignement général de Zogbo. Sur un tableau d’affichage posé contre le mur, sont inscrites les différentes modalités pour le compte de l’année scolaire 2016-2017. L’on pouvait aisément lire ceci : « frais de scolarité : 15 000 Fcfa pour les élèves garçons de la 6ème en Terminale, 15 000 Fcfa pour les élèves filles du second cycle, zéro franc pour les élèves filles du 1er cycle ». Aussi, lit-on 100.000 Fcfa pour les étrangers de l’espace Cedeao et 50.000 pour ceux de l’Uemoa. Dans un complexe scolaire privé situé à Abomey-Calavi, il faut appartenir à une famille nantie pour oser se faire former dans cette école. De la maternelle au Cm2, les frais de scolarité varient entre 66.000 et 73.000 Fcfa. Au cours secondaire, ils sont de 130.000 à 160.000 Fcfa. A en croire Inès, élève en 1ère AB, un supplément de 10.000 FCfa est payé sur les frais de scolarité. « il s’agit des frais liés aux cours de renforcement », explique-t-elle.
La réalité dans les lycées
Mercredi 7 décembre 2016. Nous sommes au Lycée technique Coulibaly. Nous y avons rencontré Luc C. Ahoya, Proviseur du Lycée, très préoccupé par un concours de recrutement des Agents de l’Etat organisé dans son établissement. Néanmoins, il nous livre les modalités de formation dans son centre. Pour lui, l’inscription à titre payant au lycée est différente de celle faite dans les collèges. De plus, les frais de scolarité sont plus élevés et varient selon les filières. Il s’agit pour l’essentiel des Sciences et techniques administratives et de gestion (Stag) et les Sciences et techniques industrielles (Sti). « Les années antérieures, le montant diffère d’un lycée à un autre. Mais cette année, le gouvernement, à travers un acte, a harmonisé le montant de la scolarité dans tous les lycées. A ce sujet, la formation en Sciences et techniques administratives et de gestion (Stag) au Lycée technique Coulibaly est passée de 55.250 Fcfa à 53 250 Fcfa pour les externes. Les internes doivent solder 257.000 Fcfa. La formation en Sciences et techniques industrielles de 77.000 à 120.000FCfa chez les externes. Les élèves internes payent quant à eux 320.000 Fcfa. En cas de dérogation, il est prévu une réduction de 15.000 Fcfa sur la scolarité prévue », explique-t-il. L’Etat a également fixé les frais de scolarité des apprenants étrangers. En Stag, il leur revient de payer 253.000 Fcfa pour l’externat et 457.000 Fcfa pour l’internat. En ce qui concerne les Sti, l’apprenant devra solder 320.000 Fcfa pour les externes et 520.000 Fcfa pour les internes.
En dehors de l’inscription à titre payant, l’Etat a pris en charge cette année 60 élèves à hauteur de 8 millions de Francs Cfa. « Au niveau I, l’Etat paie 180 000 Fcfa pour chaque élève, et au niveau II, 295 000 Fcfa. En outre, le boursier interne est pris en charge à hauteur de 276 000 Fcfa et celui externe à 46.000 Fcfa », ajoute-t-il.
Avant de livrer les frais de scolarité, Luc C. Ahoya a clarifié la différence entre les lycées et les collèges d’enseignement général. Selon lui, les apprenants dans les lycées sont recrutés sur concours, ce qui n’est pas le cas dans les collèges d’enseignement général. L’autre aspect non négligeable, c’est que la formation dans les lycées est plus technique que dans les Ceg. Aussi, lève-t-il un coin de voile sur le fonctionnement du lycée qui selon lui, tourne autour des inscrits à titre payant. « On n’oblige pas les parents d’élèves à inscrire leurs enfants dans un lycée. Contrairement aux Collèges d’enseignement général où l’Etat a ramené les frais de scolarité à 15 000 ou 16.000 Fcfa selon la région », relève-t-il.
Les parents exaspérés !
Si les parents veulent d’une formation de qualité pour leurs enfants, il n’en demeure pas moins qu’ils en payent le prix. Seulement que ces dernières années, les frais de scolarité dans l’enseignement primaire et secondaire prennent une ampleur inquiétante. Fulgence Dossou est père de trois élèves. Il ne sait plus à quel saint se vouer, puisque, jusque-là, il n’a pas encore pu solder la première tranche des frais de scolarité de ses enfants. « On a renvoyé maintes fois déjà mes enfants pour non-paiement des frais de scolarité. J’ai dû aller négocier avec les responsables de l’école afin qu’ils acceptent mes enfants pour quelque temps… », raconte-t-il avant de conclure que l’école n’est plus faite pour les pauvres. Plus loin, Valère Amoussou s’insurge contre cette montée vertigineuse des frais de scolarité dans les écoles ces dernières années. « Au regard des faits, on a l’impression que l’Etat a démissionné. En procédant ainsi, l’Etat empêche les enfants de pauvres de recevoir une éducation de qualité », fustige-t-il. Pour le Président de la Fédération nationale des Association des parents d’élèves du Bénin, Epiphane Azon, le problème sévit beaucoup plus dans les lycées techniques du Bénin. « Il y a 3 ans que nous avons été associés à l’harmonisation des frais de scolarité dans les lycées. Ce n’était pas aussi fort que cela, mais ça permettait à tous les lycées d’avoir le taux. Mais cette année, contre toute attente, nous avons constaté une montée en flèche des frais de scolarité. Jusqu’à présent, on ne sait pas ce qui est à la base de cette montée. La rencontre que nous avons eue n’a pas conclu ce montant », déclare-t-il. Quant aux établissements privés, cette question est d’autant préoccupante, puisque la plupart de ces établissements volent de leurs propres ailes. « Sans subvention de l’Etat, la plupart des collèges privés sont souvent confrontés aux dépenses liées au personnel et autres. Dans ce contexte, ils en profitent pour créer des faux frais afin d’assurer leur survie. C’est de la marchandisation », dit Epiphane Azon. Face à cet état de choses, il compte avec son équipe mener des démarches à l’endroit du président de la République.
L’école face aux soucis financiers
Luc C. Ahoya, Proviseur du Lycée technique Coulibaly, évoque les raisons qui sous-tendent l’augmentation des frais de scolarité. D’entrée, les matières d’œuvres exigent plus d’investissement. « Il s’agit pour un élève électricien d’avoir des fils conducteurs, des appareils de mesures, des résistances et autres », confie-t-il. Ces matières d’œuvre, explique-t-il, sont nécessaires à la formation des apprenants, bien qu’elles coûtent excessivement cher sur le marché. « Un Wattmètre coûte environ 300.000 à 500.000 Fcfa. Alors que c’est un matériel pédagogique indispensable… Dans la formation des élèves menuisiers, il y a également les matériels fongibles. Il s’agit des madriers qui fondent après usage…Et il faut en acheter d’autres, toujours dans la conception d’autres modèles de mobilier », justifie-t-il.
L’éternelle question de gratuité
Les organisations syndicales, quelques jours avant la rentrée scolaire 2016-2017, ont réussi à convaincre le gouvernement sur l’impact de de la gratuité de la scolarité des élèves filles de la 6ème en Tle sur le fonctionnement des établissements. Selon le Secrétaire général de la Csa-Bénin, Dieudonné Lokossou, la gratuité pour les filles n’a pas du tout facilité le bon fonctionnement des écoles. A l’en croire, ces établissements, en plus de la rareté des subventions à eux allouées chaque année par l’Etat, sont confrontés aux charges internes. « Beaucoup de collèges ont cumulé des dettes auprès des fournisseurs, et cela a vraiment pesé sur le fonctionnement des collèges », dit-il. Et pour éviter d’en rajouter à cette crise qui secoue les collèges, Maxime Okoundé, Porte-parole du Front d’action des syndicats de l’Education a soutenu la suppression de la gratuité de la scolarité des filles à partir du 2nd cycle. Il s’agit là d’autant de facteurs qui justifient la hausse des frais de scolarité dans les établissements scolaires. Toujours est-il que la Constitution prévoit en son article 8 que « …l’Etat assure progressivement la gratuité de l’enseignement public ».
Patrice SOKEGBE