L’opération de libération forcée des espaces publics censée démarrer ce lundi 2 janvier n’a pas eu lieu. Le ministère du Cadre de vie a fait le constat sur le terrain que la plupart des Béninois s’exécutent de bonne foi après l’expiration du délai. Les autorités ont décidé de laisser ces libérations volontaires s’achever avant de passer à la vitesse supérieure.
L’opération de déguerpissement du domaine public qui aurait dû commencer ce lundi 2 janvier dernier n’a pas démarré. Non pas parce que les autorités du ministère du Cadre de vie et du Développement durable n’ont pas envoyé des équipes sur le terrain pour dégager de force les espaces occupés, mais parce qu’ils en ont été dissuadés par la volonté réelle des occupants qui continuent de s’exécuter de bonne foi sur le terrain. Comme le dit l’adage populaire, le Béninois aime beaucoup attendre le dernier délai pour s’exécuter. Et c’est le cas actuellement avec l’opération de déguerpissement.
En effet, nombre de personnes ayant érigé leurs commerces dans le domaine public, ont mis le week-end de fête à profit pour libérer la plupart des espaces et éviter d’être déguerpis de force et payer de lourdes amendes. Le constat sur le terrain est visible et même saisissant. La plupart des occupants ont profité de la période des fêtes de fin d’année propice pour les affaires, avant de commencer à s’exécuter. Comme Emile Djossou, propriétaire d’une boutique à Ganhi le reconnaît, il y a un avantage de libérer soi même les domaines publics occupés illégalement. Cet avantage, c’est de pouvoir récupérer quelques matériaux ayant servi à la construction de la boutique ou de la baraque et surtout d’éviter de payer une amende pour le non respect d’une décision de l’Etat central. « Je suis en train de détruire ma baraque pour éviter de payer une amande, je n’ai pas encore l’argent pour me réinstaller ailleurs et mon entêtement va me faire sortir de l’argent encore? Je préfère respecter la loi», lâche-t-il.
Un constat reluisant
Tous ou presque s’exécutent à la surprise de certains de leurs compatriotes. Un enseignant qui a circulé dans la ville de Cotonou lundi 2 janvier se confiait ainsi à ses collègues. «Je n’ai jamais cru que les Béninois allaient respecter la décision aussi massivement, beaucoup ont libéré les espaces en cause spontanément, la ville est maintenant dégagée et on voit très loin», confie-t-il. «Si le ministère du Cadre de vie ramasse les gravats maintenant, les gens verront le bien-fondé de l’opération et même l’utilité immédiate pour les usagers de la route et des espaces publics.
Selon Esther Kuassi, propriétaire d’un grand bar restaurant à Ganhi non loin de la direction BOA, c’est l’amende à laquelle s’exposerait tout contrevenant de cette mesure qui a fait que les occupants s’exécutent volontiers au dernier moment. « Le Gouvernement en place aime respecter les délais et on dit que si tu ne t’exécutes pas, tu vas payer une amende. C’est pour cela que moi, je suis en train de casser mon restaurant », affirme-t-elle. Elle reconnaît que sa boutique est implantée sur le domaine de l’Etat où elle vend des nourritures à plusieurs dizaines de travailleurs par jour. « C’est quelqu’un qui était ici qui m’a loué l’espace, et la mairie est venue m’enregistrer, et je paie 120 000 F CFA à la mairie chaque année et 105 000 F CFA comme impôt aux agents de la direction des impôts chaque année, j’ai tous les reçus avec moi », précise-t-elle. Elle reconnaît le bien-fondé de l’opération qu’elle trouve juste mais plaide pour que l’Etat fasse le nécessaire pour leur trouver d’autres emplacements. « Le Gouvernement n’a qu’à nous aider à trouver un autre endroit nous sommes prêts à continuer à payer, c’est très dur pour nous. Tout le monde ne peut pas construire des boutiques donc que l’Etat nous aide vraiment. Esther Kuassi estime que même ses clients souffrent déjà du fait qu’elle a cessé de préparer les repas. Valentin Ayonou, un ses clients confirme ces nouvelles difficultés et accepte la situation avec philosophie. « Cela va nous demander d’aller désormais plus loin pour pouvoir trouver à manger, on va accepter le faire pour que l’opération soit une réussite. Certains commencent déjà à craindre que les propriétaires des boutiques ne montent rapidement les enchères et qu’on assiste à une flambée des prix de location. Cela pourrait être enregistré comme une des conséquences de l’opération, ce qui demande la vigilance des autorités à divers niveaux pour éviter que des individus ne profitent pas trop de la situation.
En attendant le grand ménage
Dans la programmation initiale, l’opération de déguerpissement devrait démarrer hier par le carrefour LNB-Ancien pont (de la poste à l’Eglise Notre Dame). Les équipes envoyées sur le terrain ont constaté que la plupart des occupants ‘’illégaux’’ ont entamé le déguerpissement volontaire. D’autres étaient encore actifs hier sur le terrain pour démonter de leur propre gré les baraques et les boutiques qui trônent encore sur les espaces. Une chose appréciable que le ministère salue et même encourage. « On m’a recruté pour ce job de destruction de ce restaurant dont la moitié occupe l’espace public, et on nous a dit de tout faire pour le finir aujourd’hui», explique Raoul Tingbé, un manœuvre engagé pour la circonstance.
Les équipes dudit ministère distribuaient même des tee-shirts aux manœuvres rencontrés sur le terrain pour les inciter à accélérer les travaux de destruction des baraques, des boutiques et autres hagars. «Les gens du ministère sont venus ici comme ils nous ont vus en train de détruire, ils nous ont donné des tee-shirts pour nous encourager à vite terminer le travail », ajoute-t-il. Les autorités du ministère du Cadre de vie et du Développement durable ne recherchent pas la confrontation dans l’exécution de cette décision de libération des domaines publics, mais elles tiennent à l’appliquer au cas où certains s’abstiendraient de le faire. Ce n’est donc pas une rallonge de délai qui est accordée tacitement aux retardataires, mais une stratégie pour toujours encourager le déguerpissement volontaire. Le ministère se réserve le droit de démarrer l’opération à tout moment et surtout de façon spontanée afin que l’effet de surprise prévale.
Lazare AKPAHOU