Ce n’est plus un secret que des doutes persistent sur les recensements des populations au Bénin pour défaut de l’enregistrement correct des naissances à la base. Partageant ce diagnostic et fort de l’enjeu que représente l’acte de naissance pour un être humain, la mairie de Dogbo a décidé, depuis la 2e mandature de la décentralisation, de se distinguer dans l’enregistrement des naissances à travers une approche innovante. Aujourd’hui, elle est devenue un exemple à suivre.
Solange H. est née le 1er septembre dernier à Agbédranfo, l’un des 65 villages de Dogbo. Benjamine d’une fratrie de neuf enfants, Solange H. a déjà un acte de naissance établi en son nom. Son géniteur, qui regrette de n’avoir pas pu poursuivre sa scolarisation au-delà du cours primaire à cause du défaut d’acte de naissance, confesse que celui de Solange a été apporté à la maison par le chef du village. « C’était quelques jours seulement après son accouchement. Vous voyez combien le temps a changé ! », s’est réjoui le menuisier.
Tout comme Solange H., presque toutes les naissances survenues sur les 475 km2 de superficie de Dogbo sont systématiquement répertoriées puis consacrées par la délivrance du volet n°1 d’acte de naissance. Du moins, c’est le cas depuis 2013, selon Maurice Gbotonhoun, chef du service état civil de la commune. « Dans quelques années, projette-il d’ailleurs, il n’y aura plus de candidats de Dogbo qui soient recalés, faute d’acte de naissance, à l’examen du Certificat d’études primaires (CEP) ».
Maurice Gbotonhoun dit tirer son assurance de la nouvelle structure de l’enregistrement des naissances et en général de la gestion moderne de l’état civil, objet des réformes en cours à la mairie et au niveau des arrondissements, depuis la 2e mandature de la décentralisation. A l’époque, le conseil communal et Vincent Acakpo, le maire de Dogbo, étaient confrontés aux tares de l’organisation existante. « Des plaintes de faux actes, des demandes d’établissement d’actes de naissance aux personnes n’ayant pas droit….De 2008 à 2010, plus de 2 000 enfants de Dogbo, candidats au CEP, étaient sans actes de naissance... Par ailleurs plus de 10 000 actes de naissances, non retirés, étaient stockés dans les services de l’état civil », lit-on dans le Livret de capitalisation sur l’état civil, œuvre de la mairie.
Le même document renseigne que les interventions du conseil communal pour corriger cet état de chose, ne se sont pas déployées sans l’accompagnement de deux partenaires : la coopération technique belge et la ville de Roeselare (celle-ci s’inscrit dans le cadre de la coopération de jumelage). Lesquelles interventions ont permis de préciser, à travers une série d’ateliers, les rôles de chacun des maillons de la chaine de traitement de l’état civil et d’inclure de nouveaux acteurs. C’est le cas du recrutement de relais communautaires, de stagiaires au niveau des arrondissements et au service de l’état civil puis de l’implication des chefs de quartier et de village. Comme rôles, les relais communautaires sont chargés de sensibiliser les couples, d’aider à la collecte des informations utiles au remplissage des fiches de naissance et d’amener les géniteurs à procéder, dans le délai légal, aux déclarations de naissance de leurs progénitures. Ils constituent une arme contre les accouchements à domicile à travers leur mission de suivi des femmes enceintes durant leur période de soins prénataux. A l’instar des élus locaux, les relais communautaires soulagent le service de l’état civil dans la distribution, aux parents, des volets n°1 de naissance. A cette opération, sont également associés des stagiaires, principalement commis à la collecte des actes de naissance des maternités vers le service de l’état civil où ils participent à l’intégration des informations desdits actes dans le logiciel du Système intégré de gestion de l’état civil (Sigec).
Le recours au Sigec, assure le chef du service état civil, est motivé par l’atteinte d’un objectif à deux volets. Pour le premier, il s’agit d’accélérer la fourniture de service au public tandis que le second volet vise la précaution contre l’altération ou le vol des souches, souvent objet de vives conjectures. Faisant allusion aux polémiques suscitées, un peu avant l’ouverture de la dernière campagne présidentielle, par la disparition de la souche d’acte de naissance d’un potentiel candidat, Maurice Gbotonhoun souligne que la mairie a également entrepris l’archivage numérique des vieilles souches d’état civil. Et c’est fort de la sécurité que garantie un tel procédé qu’il jure qu’à Dogbo, aucun citoyen ne pourra plus se plaindre de la perte de sa souche. Puisque, avance-t-il, toute souche établie au sein de la commune est désormais imprimable à partir d’un support numérique.
Déjà, la mairie en arrive même à suppléer aux parents défaillants dans la fourniture du volet n°1 de leurs apprenants. « Grâce aux alertes provenant des établissements, nous interrogeons la base de données de la mairie pour obtenir des informations concernant tout apprenant en difficulté et ensuite nous procédons à l’établissement du volet », explique Maurice Gbotonhoun. Des effets de la nouvelle organisation, on apprend aussi que les 10 000 actes de naissance stockés au service de l’état civil sont distribués à leur propriétaire et 9 000 autres ont été édités, en 2010, au profit des enfants âgés de 7 à 12 ans.
Mais loin de se satisfaire de ses succès, le maire estime que l’organisation en place devra être boosté en vue de ratisser large dans les localités reculées de la commune. Et pour y parvenir Vincent Acakpo et le collège des conseillers ont opté pour la mise en place d’une dotation, des chefs de quartier et de village, en moyen de communication. Ils ont également ordonné l’institution d’un prix en vue de sanctionner périodiquement les efforts d’enregistrement des naissances dans toutes les localités de Dogbo.
Apprendre des expériences de Dogbo
Le parcours de Dogbo dans le domaine de l’enregistrement des naissances tend à faire des émules. Des délégations d’autres communes du Bénin viennent séjourner à Dogbo pour en tirer leçon. Le ballet de ces missions communales s’est particulièrement densifié au cours du mois de décembre 2016. Une dizaine de communes dont Bonou, Glazoué, Parakou et Zogbodomey (celle-ci reçue, mardi 20 décembre dernier) a été enregistrée. La commune de Kétou est annoncée sur la liste d’attente. Au total pour le compte de l'année 2016, le service de l’état civil de Dogbo a recensé plus de 33 délégations venues s’imprégner de son expérience et de celle du guichet unique.
Les visites sont meublées de communications, de passage en revue des installations du service de l’état civil et des échanges portant sur le budget de reproduction du Système intégré de gestion de l’état civil (Sigec). D’autres communes comme Athiémé et Djougou se le sont déjà appropriés et vivent l’expérience de ce logiciel, utile pour assainir la gestion des recettes.
La réputation du Sigec va également au-delà des frontières du Bénin. Vincent Acakpo a été invité pour une communication à son sujet au cours des travaux, de l’édition 2015, du Sommet Africité qui s’est déroulée, en novembre dernier, à Sandton Convention centre de Johannesburg, en Afrique du Sud.
Les autres pièces d’état civil
Aujourd’hui, la commune se lance d’autres défis, dans le champ de la gestion de l’état civil, en attendant d’atteindre la dématérialisation intégrale de celle-ci. Il s’agit de l’enregistrement efficace des mariages et surtout des décès qui sont, eux aussi, sources de pièces justificatives officielles dont les citoyens ont besoin pour attester les faits, les dates et les lieux précis, ainsi que les circonstances y relatives auprès des services juridiques et administratifs du pays. Dans le lot de ces défis, celui portant sur l’enregistrement des décès risque de prendre du temps, n’étant pas, d’une façon générale, dans les habitudes des citoyens. « Du système efficace d’enregistrement des faits d’état civil au Bénin, l’enregistrement des décès demeure encore le maillon le plus faible des différentes sources de collecte d’informations sur la population », souligne le rapport d’une mission de renforcement de capacités des agents des administrations communales du Mono et du Couffo initiée par la direction départementale de la Planification et du Développement, au titre du Programme d’assistance-conseil, exercice 2015. Au cours de la mission, il a été particulièrement relevé que les mort-nés sont absents des registres au niveau des douze communes des deux départements. « Pour inverser cette tendance, il va falloir déclencher des campagnes de sensibilisation sur son bien-fondé. Car, enregistrer un mort-né peut paraître un acte futile dans notre contexte où la perte d’un être est un événement douloureux géré dans le cercle familial», conseille le chef des programmes de Radio-Lokossa, Pascal Dahouè.
Cependant, du côté de la mairie, rien ne semble émousser l’ardeur du maire Vincent Acakpo qui pourra surprendre, une fois encore, par son inspiration?