Mercredi 4 janvier 2017. Il est 6h 45 minutes. L’opération de déguerpissement des espaces publics entre dans sa phase d’exécution. Un embouteillage inhabituel se remarque au niveau du passage supérieur de Houéyiho. Soudain, une quarantaine d’hommes armés jusqu’aux dents prennent d’assaut le carrefour. Désormais, il est formellement interdit aux engins à 2 roues et à 4 roues d’emprunter l’axe passage supérieur de Houéyiho-Fidjrossè. Les bulldozers entrent en action ! Et pour plus de sécurité autour de l’opération, un contingent de policiers, de militaires est déployé, avec comme chef de file, le Préfet du Littoral, Modeste Toboula, assisté du Directeur du développement urbain et certains cadres de l’institut géographique national. D’entrée, baraques, salons de coiffures, cafétérias, cabines téléphoniques, étalages d’essence et des jardins de fleurs sont rasés, ceci sous le regard impuissant des populations, devenues tout à coup des spectateurs. Dans la foule, l’on pouvait entendre : « Bon travail à Talon ! Toboula en avant !...Evoluez seulement ! ».
Malgré les dégâts, certains lancent parfois des slogans de soutien au Président Talon. Dans cette ambiance, certains occupants ont attendu les dernières secondes pour s’exécuter. Trop tard ! Les bulldozers ont pris par là. Aux abords des voies, tous les restaurants, boutiques, baraques, ateliers, magasins disposant d’un auvent ont été cassés. Même, les terrasses ne sont pas épargnées. « J’apprécie les opérations par ici. Mais, il y a une exagération dans l’action. Certains occupants ne sont pas, sur le domaine de l’Etat, mais on vient les casser », confie dame Justine, riveraine. Catherine n’y trouve non plus aucun inconvénient, malgré les dégâts. Au contraire, elle encourage le régime à continuer sur cette lancée. « Si Talon peut pérenniser des opérations du genre, notre ville pourra présenter un visage plus attrayant », dit-elle.
Il est 11 heures. Nous sommes à Aïbatin. L’opération suit son cours, toujours sous le contrôle du préfet Modeste Toboula et son équipe. L’on dénombre plus de corps habillés que de civils. Juste après la station ‘‘Mrs’’ en allant à Fidjrossè, une maison disposant d’un titre foncier sur un domaine public a connu également l’assaut des pelles à chenilles. Mais avant, la démolition du bâtiment a suscité une vive polémique au sein des autorités sur place. « J’ai pratiquement les larmes aux yeux, parce que les gens ont investi récemment et sont obligés de déguerpir. Or, le temps est vraiment dur. Le Bénin appartient à nous tous, mais on fait avec… C’est vrai, le paysage est vraiment dégagé et c’est joli à voir. Néanmoins, j’ai les larmes aux yeux. Je ne suis pas concerné, j’ai pris mes dispositions pour éviter les dégâts… Vivement qu’après le déguerpissement, on ne voit plus les gens se réinstaller. Il faut également la propreté de la ville, parce que ce sont des domaines qui étaient occupés et que les occupants rendaient propres », laisse entendre Louïs, responsable d’une station d’essence.
La portée de l’opération !
De son côté, le Préfet du Littoral, Modeste Toboula a salué le sens de compréhension des citoyens qui se sont portés volontaires pour libérer les trottoirs. Pour lui, cette opération vise à leur donner un coup de main, surtout ceux qui n’ont pas les moyens pour libérer les emprises. « Les populations ont fait preuve de bonne foi. Elles ont compris la démarche du gouvernement. L’opération a été lancée. On l’a suffisamment annoncée. Le but de l’opération est d’accompagner ceux qui n’ont pas les moyens de partir d’eux-mêmes. Ce n’est pas de les faire déguerpir. Les populations ont démarré l’opération par elles-mêmes, et nous sommes à un taux d’exécution physique de 40%. Donc, l’Etat vient simplement apporter son aide à ceux qui n’ont pas suffisamment d’argent pour ramasser les gravats et pour louer une pelle pour détruire les infrastructures qu’elles ont érigées sur les espaces publics », dit-il. Néanmoins, il envoie un message aux occupants qui ambitionnent de s’installer à nouveau. « Je voudrais lancer un appel aux populations qui veulent se réinstaller, de commencer à oublier cette mauvaise idée. Parce que ce n’est pas seulement les infrastructures qui seront interdites, mais il y a aussi les hommes. Je voudrais lancer un appel aux vendeurs d’essence frelatée, qu’ils sont désormais interdits de réinstallation. S’ils persistent dans leurs forfaits, ils seront présentés au Procureur général. Et une procédure sera respectée. Lorsque la police administrative émet des règles qu’on ne respecte pas, c’est la police judiciaire qui prend le relais », ajoute-t-il. Selon le préfet, c’est avec convivialité avec les populations que l’opération a été menée. Sauf que la ‘’fête du déguerpissement’’ a été belle, mais sans l’ombre du maire de Cotonou.