Au regard de l’importance du sujet, les chefs d’Etat et de gouvernement du continent africain se réuniront dans quelques jours à Addis-Abeba pour discuter du potentiel démographique du continent autour du thème « Exploiter le dividende démographique grâce à l’investissement dans la jeunesse ». Pour mieux comprendre le concept de dividende démographique et ses contours, Monsieur Loukman Tidjani, Expert des Politiques de Jeunesse et de Santé et membre d’AfriYAN (Réseau Africain des Adolescents et Jeunes pour les questions de Population & Développement) éclaire nos lecteurs sur le sujet.
Le prochain sommet de l’Union Africaine porte sur le dividende démographique qui est un concept pas très connu des populations. Comment peut-on définir le dividende démographique ?
L’on définit généralement le dividende démographique comme la croissance économique résultant de l’évolution de la pyramide des âges de la population d’un pays. Un dividende démographique survient alors lorsque la baisse du taux de natalité entraîne des changements dans la distribution par âge d’une population ; ce qui signifie que moins d’investissements sont nécessaires pour répondre aux besoins des groupes les plus jeunes et que les adultes sont relativement plus nombreux dans la population des personnes actives. Ce phénomène crée une opportunité de croissance économique et de développement humain plus rapide pour un pays, sachant que plus de ressources sont disponibles pour être investies dans le développement économique et bien-être familial.
Lorsqu’on parle du dividende démographique on met l’accent sur la baisse de la fécondité. Pourquoi insister sur la baisse du taux de fécondité alors qu’une population majoritairement jeune en Afrique constitue quand même une belle opportunité de main d’œuvre pour le Continent, qui en a besoin ?
Je comprends votre préoccupation et j’appuie qu’il est important d’investir dans la jeunesse, de s’assurer qu’elle aura une transition normale vers la vie adulte. Il s’agit pour le jeune de trouver un emploi stable, bien rémunéré, valorisant pour fonder une famille. C’est simplement une solution à court-terme qui ne facilite pas une résilience de l’économie. Si à court terme, on commence par l’emploi aux jeunes et qu’on ne prévoit pas déjà de limiter les naissances, vous aurez constamment un flux renouvelé de jeunes à qui il faudra trouver du travail et très souvent on a tendance à sous-estimé la vitesse avec la population s’accroît. Si vous avez une population qui grandit à 2,5%, cela veut dire que toutes les infrastructures, que ce soit dans l’éducation, la santé, que ce soit l’emploi même, vous devez les doubler dans la prochaine génération. Donc ça devient de plus en plus difficile. Donc il fau aller vers des solutions durables. Il faut donner les moyens aux jeunes qui sont déjà là en vue d’opérer une transition saine à l’âge adulte et en même temps en prévision, des problèmes à venir, il faut déjà voir dans quelle mesure les gens eux-mêmes voudraient limiter les naissances et leur donner l’occasion de limiter les naissances s’ils le veulent.
De façon concrète que faut-il faire ?
Grâce à ce concept tiré de l’économie, le Bénin et la quasi-totalité des pays africains, dont la pyramide démographique est identique, doivent donner à la jeunesse et à l’autonomisation des femmes toute l’attention qu’elle méritera au niveau de la santé (soins appropriées pour la mère et l’enfant, santé sexuelle et de la reproduction), éducation, formation, politique de l’emploi, accès au crédit, infrastructures et bonne gouvernance politique- pour transformer le potentiel humain en opportunité de développement économique et de progrès social à l’image des dragons du Sud/Est asiatique. L’éducation doit être perçue comme une arme de construction de notre société. Le défi dans ce domaine n’est pas seulement en termes de quantité mais surtout de qualité. Nous devons aller vers une éducation de qualité qui répond aux défis contemporains. Il nous faut réinventer l’éducation pour quelle soit au service de la jeunesse et du continent. Il aussi faut accroitre l’investissement dans les services et équipements de santé. Nos pays ne manquent pas forcement de ressources humaines sanitaire mais le système de gestion de ces ressources doit être renforcé afin que ces acteurs opèrent dans un environnement adéquat à l’exercice de leur fonction. Enfin, la réduction du chômage des jeunes. Les décideurs doivent œuvrer pour des politiques et initiatives qui offrent des opportunités d’emplois décents aux jeunes. A ce niveau, la promotion de l’entreprenariat des jeunes est importante en suscitant l’innovation chez les jeunes. Il faut orienter, accompagner les jeunes qui innovent. Il faudra lever les barrières à l’accès au financement bancaire pour les jeunes.
Parlant de jeunes, quelle peut être leur partition ?
Les jeunes comme le dit un acteur politique doivent participer à l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des agendas nationaux de développement. Pour y arriver, il faut un leadership avéré au sein de la jeunesse à travers des institutions de jeunes fortes capable de porter le message. Nous devons affirmer de manière soutenue notre présence dans toutes les sphères de la société. Nous devons nous assurer que les programmes de développement et les politiques sectorielles répondent à nos aspirations. Nous devons faire le suivi des engagements et des promesses des décideurs. L’une des plus lourdes responsabilités est comme mentionnée plus haut d’être au cœur de la mise en œuvre. Ce n’est toujours pas évident dans nos Etats mais en attendant, nous allons conseiller, orienter et plaider.
Revenant aux programmes de développement, pensez vous que le PAG est en phase avec la capture du Dividende démographique ?
Je pense que les objectifs du Programme d’Action du Gouvernement « Le Bénin Révélé » peuvent être atteints à travers le Dividende Démographique. La vision du PAG de voir le Bénin devenir une économie forte, d’ici 2021, peut être accélérée, si le pays adopte des politiques qui permettront d’exploiter le Dividende Démographique de façon maximale. Les axes du PAG sont en phase avec les cinq principaux piliers sectoriels essentiels pour l’exploitation du Dividende Démographique. Il est heureux de constater que le PAG met l’accent sur des investissements durables dans l’éducation, le développement des compétences, la santé, la création d’emplois et la bonne gouvernance. Il s’appui aussi sur des secteurs clés de transformation et favorable à la jeunesse que sont l’agriculture, l’économie numérique et la culture. C’est un acquis important. Nous devons tous nous engager pour sa mise en œuvre.
M.M