Par décision prise en conseil des ministres du 11 janvier 2017, le régime du « NOUVEAU DEPART » a résilié le contrat de délégation de la gestion de l’aéroport international de Cotonou et des aéroports secondaires à l’ASECNA une structure régionale dont le Bénin est membre et dont la section béninoise (ASECNA-Bénin) est dirigée par un béninois. En face de la presse, le régime par l’intermédiaire du ministre Hervé HEHOMEY soutient que la volonté du président Patrice Talon est d’engager une réforme salutaire dans le secteur. Cette réforme consistera en une mise en concession au profit d’une structure privée, les aéroports du Bénin. En se fondant sur le précédent du scandale « SECURIPORT/ MORPHOSIS », il y a lieu d’ouvrir un débat sur les ambitions, les options et les intentions du régime sur le plan de la gouvernance économique.
Par principe, la gouvernance économique est l’ensemble des mécanismes théoriques et institutionnels qui permettent de gérer et de diriger le secteur économique d’un pays. Elle a pour fonction principale la garantie d’une gestion rationnelle et optimale du secteur économique. Sa finalité c’est la bonne gouvernance économique : création maximale de la richesse et une bonne redistribution de cette dernière pour l’amélioration des conditions de vie des populations. En peu de mots, la bonne gouvernance économique s’oppose à la mauvaise gouvernance et la corruption des agents de l’Etat.
Le fondement constitutionnel du principe est l’article 37 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui dispose : « Les biens publics sont sacrés et inviolables. Tout citoyen béninois doit les respecter scrupuleusement et les protéger. Tout acte de sabotage, de vandalisme, de corruption, de détournement, de dilapidation ou d'enrichissement illicite, est réprimé dans les conditions prévues par la loi ». C’est dans cette logique que le Bénin a adopté deux textes de loi qui consacrent le principe de l’imprescriptibilité des crimes économiques. Il s’agit de la Loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin, et la Loi 2012-15 du 18 mars 2013 portant Code de Procédure Pénale en République du Bénin. (La Loi anti-corruption article 21 : « Pour les infractions visées par la présente loi, le délai de prescription des délits est de vingt (20) ans. Ce délai de vingt (20) ans court de la date de la découverte de l’infraction. Lorsqu’en raison de sa qualité, de l’emploi ou des fonctions assumées, l’auteur ou le complice n’a pu être poursuivi, le temps passé au poste interrompt la prescription. Les crimes économiques sont imprescriptibles ». Article 8 al.3 et 4 du NCPP : « Les crimes économiques, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Toutefois, en cas de contravention ou de délit connexe à un crime, ou de contravention connexe à un délit, le délai de prescription le plus long s’applique »).
A l’œuvre de la gouvernance économique, le régime du « nouveau départ » à travers ses premières décisions inquiètent plus d’un. Les intentions, les options et les ambitions du régime ne laissent aucun béninois indifférent. Jusqu’au point où, pour nombre de Béninois, le Chef de l’Etat se confond à un patron d'entreprise qui peut décider de tout sans aucune contradiction. Après le décaissement de fonds publics au profit de ses sociétés exerçant dans la filière coton en violation des procédures en la matière, les audits sélectifs de la filière des véhicules d’occasion (option incompréhensible de ne pas auditer la gestion au temps de Bénin Control), l’attribution gré à gré de la sécurité, sans respecter les règles élémentaires qui gouvernement les marchés publics en République du Bénin, à une société créée pour la cause et par un proche parmi les proches du Chef de l’Etat, c’est le tour de la concession de la gestion des aéroports du Bénin. Le contrat de délégation est résilié avec ASECNA. Oui ! Mais, la nouvelle délégation de gestion sera désormais attribuée à qui et pourquoi ? Est-ce qu’il s’agira d’une procédure de gré à gré ou d’un appel d’offre national ou international ?
Par rapport aux suspicions légitimes des populations sur les options économiques du régime du « Nouveau départ », il faut rassurer les esprits parce que certains agissements d’aujourd’hui peuvent être qualifiés d’infractions économiques pénalement sanctionnées par les lois béninoises. Or, en cette matière, les crimes économiques sont imprescriptibles. Par conséquent, les éventuels auteurs et complices de ces infractions s’exposent à des sanctions pénales imprescriptibles. Le régime du « nouveau départ » y échappera-t-il ?
Géraldo GOMEZ