L’usage des pesticides pour la culture du coton conventionnel constitue une menace réelle pour les autres activités champêtres au nord-Bénin. A Tchafarga, commune de Tanguiéta, les producteurs de miel ne savent plus à quel saint se vouer.
« Nous avons des problèmes avec les pesticides dans notre village. Les abeilles en font les frais et nous avons de sérieux soucis pour le miel que nous produisons ». Le cri d’alarme de Boni Mama, président du groupement Tibassiti Yain à Tchafarga, commune de Tanguiéta, est assez révélateur de la menace qui pèse sur l’écosystème des villages riverains de la réserve de la Pendjari. Gros producteur de miel de qualité, ce groupement est confronté aux aléas de la production du coton conventionnel qui fait répandre des quantités importantes de pesticides dans la zone. Pourtant, ce village fait partie de la Zone d’occupation contrôlée (Zoc). « En principe, il est interdit d’utiliser des pesticides dans cette zone où on ne produit que du coton biologique, mais sous le prétexte d’accroissement de la production cotonnière, l’Etat a même laissé les producteurs se lancer dans le coton conventionnel dans la Zoc », se désole un cadre du ministère du Cadre de vie. Selon Nourroudine Idrissou, animateur des groupements dans la commune de Tanguéita, les populations avaient longtemps résisté au coton conventionnel grâce à l’appui de la Coopération allemande et de l’Ong internationale Helvetas qui avaient fortement soutenu la culture du coton biologique dans la région. Mais à la fin des projets, les cotonculteurs de la zone n’avaient plus les moyens de poursuivre, le fumage de la culture à l’engrais biologique leur revenant beaucoup plus cher. « Aujourd’hui dans notre zone, c’est le coton conventionnel qui domine même s’il y a encore quelques champs de coton biologique », confirme-t-il.
De graves répercussions
« Dans la production apicole, les abeilles consomment donc du nectar y compris bien entendu du cotonnier. Si nous sommes dans une zone où cette activité est entreprise, et que dans les environnements immédiats nous avons du coton cultivé avec des produits chimiques, cela peut avoir des répercussions d’abord sur la population des abeilles, notamment un risque d’érosion génétique, et aussi des répercussions sur la qualité du produit final qu’est le miel », explique un expert de l’environnement. Selon lui, il est nécessaire d’engager une concertation de tous les acteurs, en l’occurrence ceux de la filière coton pour limiter l’usage de certains produits chimiques qui pourraient effectivement avoir des impacts sur la production et la productivité des abeilles. « La région est déclarée Zone d’occupation contrôlée, et cela veut déjà tout dire. C’est un environnement dans lequel les activités doivent être conduites dans le respect des principes de développement durable avec le moins d’utilisation de produits de synthèse qui sont à même de nuire à l’équilibre écologique mais également à tout ce qu’il y a comme espèce animale et végétale dans cet écosystème particulier », appuie-t-il. L’expert en environnement préconise un aménagement du territoire au niveau villageois, en définissant des zones à vocation. «Vous avez par exemple des zones à vocation pastorale, des zones à vocation agricole, des zones de production pour faire en sorte que les activités de production puissent être réalisées en complémentarité mais également dans un espace géographique sur lequel l’utilisation de produits chimiques pour une activité ne puisse pas nuire à une autre. Nous devons faire en sorte que dans la définition des priorités du gouvernement et des actions sur le terrain, l’on puisse tenir compte de ces contraintes », conclut-il.
Pour limiter les dégâts, les apiculteurs se contentent de positionner leurs ruches dans des zones stratégiques pour échapper au vent provenant des champs de coton conventionnel. D’aucuns leur préconisent l’intensification de reboisement afin de constituer des haies de protection contre les vents pollués des champs de coton conventionnel. Ils espèrent que les nouvelles autorités du pays, dans leur souci de préservation de l’équilibre de la réserve de biosphère de la Pendjari, veilleront au strict respect des normes de production agricole dans la zone d’occupation contrôlée.
Gnona AFANGBEDJI