Godomey, aux couleurs de la salubrité, à l’instar de Cotonou. L’arrondissement le plus peuplé de la commune d’Abomey-Calavi dans le département de l’Atlantique subit lentement la rigueur de la loi sur la libération des espaces publics. En effet, après l’axe allant de l’échangeur de Godomey au carrefour Arconville en passant par l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), le mercredi 11 janvier 2017, c’est le tour de l’autre axe dans le sens contraire, de subir l’opération de déguerpissement des trottoirs publics dans la commune d’Abomey-Calavi. Sous l’ordre du Préfet Jean-Claude Codjia, les forces publiques accompagnées des agents de la préfecture de l’Atlantique ont débarqué, ce jeudi 19 janvier 2017, pour la suite de l’opération. Seuls les occupants « saints thomas » et les indélicats qui veulent subir avant de croire, se sont empressés sur le champ, de dégager leurs étalages avant l’arrivée du bulldozer à leur niveau. Du carrefour Arconville vers l’échangeur en passant par le pont de « houédonou » et le carrefour du marché de Godomey, on note certes, une volonté manifeste des populations, mais quelques rares installations que les occupants n’ont pas pu dégager, ont occupé les ouvriers de la préfecture. Tristesse dans certains visages. C’est plus qu’un spectacle pour certains qui ne s’en revenaient pas toujours. Dans l’ensemble, malheureusement, pas grande chose à mettre sous la dent pour les forces de l’ordre et le bulldozer. Les responsables de boutiques et autres étalages ont fait le ménage avant l’arrivée de cet engin lourd. Il ressort que les populations de Godomey ont compris l’utilité de l’opération et se sont mises dans les rangs, même si ça ronchonne par endroits. Dans le rang des passagers, c’est la joie totale surtout du côté des piétons souvent embaumés d’injures et même de coups de mains lorsque par inadvertance, ils renversent involontairement un étalage. « Je salue les actions de nettoyage », lance un conducteur de taxi moto. Du côté des habitants, l’euphorie est à son comble en raison de l’éclat de la ville. Ousmane Mouftaou, un locataire résidant dans une maison non loin de la mosquée de Godomey. Il confie qu’ils ont souffert des occupations anarchiques, de l’insalubrité et du manque d’esthétique. Dans cette phase de l’opération, baraques, boutiques et autres installations qui encombrent anarchiquement les trottoirs n’ont pas pu être cassées et embarquées dans des camions comme cela a été le cas ailleurs dans Cotonou. Il est aisé de constater que la circulation est de plus en plus fluide à Godomey, même si le problème de recasement et de lotissement reste un défi à relever par le régime.
Lire les impressions de quelques citoyens
Tatiana, coiffeuse et revendeuse
« C’est une opération qui me satisfait totalement »
« C’est une opération qui me satisfait totalement. Vous savez, avant cette libération forcée, on n’avait pas accès aux trottoirs en tant que piéton. On était obligé de passer sur la chaussée avec tout ce que cela comporte comme risques, avec ce qu’on a dans la ville comme circulation. Je félicite vraiment le président Patrice Talon pour cette décision salutaire qui va embellir nos villes. Nous allons prier Dieu pour qu’Il protège nos autorités afin que la décision aille jusqu’au bout. »
Jean Yao Degniho, coiffeur
«J’approuve le déguerpissement, mais le moment est mal choisi »
« Le déguerpissement est une bonne chose. Je l’approuve mais je pense tout de même que le moment est mal choisi. Quand le président Talon faisait sa campagne pour l’élection présidentielle, lui-même, partout où il est passé, a senti que le peuple avait faim. Mais il n’a plus pensé à la misère du peuple qui crie famine. On préfère s’occuper de l’esthétique pendant que le peuple a faim. Et puis le gouvernement, qui a la prérogative de faire connaître les lois de la république aux citoyens, ne le fait pas. Tenez, moi, j’ai été au Nigéria, j’ai vécu à Lagos, mais je n’ai pas vu ce genre de chose où on construit et s’installe anarchiquement. La raison, c’est tout simplement parce qu’on leur a appris à respecter la loi. Si, il y a 10, 20 ans, les béninois savaient qu’ils n’avaient pas droit à un millimètre du domaine de l’Etat, personne n’aurait occupé ce domaine. C’est parce qu’on ne connaissait rien de tout cela. Je demande aux autorités d’y aller mollo. Entre le ventre et l’esthétique, le choix est vite fait, c’est le ventre. »
Bio Marie, Vendeuse
« On aurait souhaité un délai d’un an»
« Si on reste aux abords des voies, c’est simplement pour pouvoir écouler nos produits. Maintenant, on vient nous dire brusquement de déguerpir. C’est vraiment difficile. On aurait souhaité qu’on nous accorde un délai d’un an afin qu’on puisse trouver d’autres voies de sortie. C’est vrai qu’ils font le travail, mais qu’ils pensent aussi à l’impact de la décision sur nous. Nous voulons seulement donner à manger à nos enfants. Je me suis vite conformée à la décision en partant de moi-même. Ce n’est pas le cas pour tout le monde »
Michal Danhè
« Ce qui se fait est pour notre bien à tous»
« Je salue cette action. Je pense que c’est une bonne chose parce qu’on a été prévenu. Vous savez qu’on ne défie pas l’Etat, et force doit rester à la loi. Ce qui se fait est pour notre bien à tous. Je peux dire que j’approuve totalement cette décision gouvernementale. Je profite de l’occasion pour demander à mes concitoyens qui ne l’ont pas encore fait de se hâter pour libérer les espaces d’eux-mêmes. Ça sera mieux pour eux. L’espace public appartient à l’Etat qui a décidé de le récupérer. On ne défie pas l’Etat. »
Clément Godanou, Consultant indépendant
« La ville est propre, il faut penser à l’après déguerpissement »
« C’est une opération qui permet de rendre nos villes propres puisque c’est aisément accepté dans les autres villes. Avec notre niveau de développement, je crois que les tapages qu’il y avait autour de cette opération étaient inutiles. La ville est propre et les trottoirs sont bien dégagés au grand bonheur de tous. Le développement étant une question de temps, nous allons avoir le bien-fondé de ce que nous souhaitons. Il faut aussi faire remarquer qu’aucun développement ne peut passer sans la destruction. Il faut détruire pour bien faire et le déguerpissement n’est pas une mauvaise chose en soi. La phase de libération des espaces publics est en cours et il faut maintenant penser à l’après déguerpissement. Je crois qu’à ce niveau, il faudra bien aménager les espaces qui ont été démolis »
Désiré Zinsou, administrateur et gestionnaire de projet
« J’apprécie cette décision qui a impliqué tous les acteurs »
« C’est une opération que j’apprécie personnellement. Le domaine public a été anarchiquement et illégalement occupé. Il est question maintenant que tout le monde puisse jouir de ces espaces et que toute la population en bénéficie. C’est une opération universitaire qui a connu l’implication de la mairie et des chefs d’arrondissement de la ville de Cotonou. Je l’apprécie à sa juste valeur ».
Patricia, revendeuse
« Je demande à l’Etat de nous dédommager »
« C’est une très bonne initiative qui participe au développement de la ville. Le pays est dans une saleté extrême, ajoutée aux boutiques qui occupent les espaces publics et nous en sommes conscients. Mais il serait bien de revoir la copie. Le prix d’une boutique située au bord de la voix est compris entre 150.000 et 200.000FCFA et il est difficile pour nous, pauvres dames, de payer les frais de location. Certains ont consenti beaucoup d’efforts pour construire leurs boutiques et en moins d’une journée, tout est réduit en poussière. C’est choquant. En ce qui me concerne, j’ai eu la chance d’être rachetée par une personne de bonne foi. Elle m’a offert l’opportunité de construire une boutique dans sa maison ce que j’ai fait, sans quoi, j’aurais subi le même sort que les autres. Ma première boutique n’occupait pas l’espace public puisque les membres de la mairie sont venus faire le constat »et me l’ont confirmé. Néanmoins, elle a été détruite alors que je payais les taxes à la mairie. Dans certains pays, on nous aurait dédommagés et c’est ce que devrait faire l’Etat central. Aucun cadre n’a été prévu pour nous abriter. Comment feront celles qui ne savent plus où gérer leurs activités ? Il y a certains endroits qui ne seront pas touchés par cette opération puisque ces espaces appartiennent à la Sogema. Je demande qu’un dédommagement soit fait ».
Michael Doméki, Télé-conseiller
« Il faut trouver un cadre pour relancer les activités des personnes touchées »
« J’apprécie cette initiative prise par le gouvernement. Depuis son entame, on remarque que la ville est bien dégagée et bien jolie. Ceci donne de l’attirance et de la beauté à la ville. Ce n’est pas dans les autres pays qu’il faut aller faire ce constat. On peut aussi le faire chez nous et c’est ce qui me permet d’apprécier, d’encourager cette réforme. Par contre, je me plains de ces pauvres dames qui cherchent au quotidien leur gagne-pain et qui ont assisté impuissamment à la destruction de leurs boutiques. Elles vont ainsi perdre la clientèle alors que nous sommes dans un pays où la quasi-totalité des activités se fait dans l’informel. Il serait bien de trouver un nouveau cadre pour ces dames afin qu’elles puissent retrouver leur clientèle, se satisfaire, relancer leurs activités et subvenir à leurs besoins quotidiens »
Austine Akwo, commerçant nigérian
« J’invite les propriétaires terriens à prêter main forte aux commerçants »
« Je salue l’effectivité de l’opération. Je me demande si elle serait possible si les décisions étaient prises par le maire et les chefs d’arrondissements. La ville est bien dégagée et cette opération a généré de l’emploi pour certains. Depuis l’avertissement, je me suis entendu avec un ami et j’ai fait une boutique dans sa maison. Je mène bien mes activités et je crois que c’est ce qui doit être fait. J’invite les propriétaires de maisons à céder un peu de leur espace aux commerçants afin qu’ils puissent mener leur activité ».
Emmanuel GBETO