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Il faut faire la révolution !
Publié le lundi 23 janvier 2017  |  Autre presse
Célébration
© 24 heures au Bénin par DR
Célébration de la fête des Vodoun à Zogbo (Cotonou) et à Ouidah




Alors qu’en 1996, le Président Nicéphore Soglo remettait en jeu son brillant (on peut bien le dire aujourd’hui, à postériori) mandat de cinq ans, une horde de personnes dans les rues de Porto-Novo avaient activement milité et fait campagne pour son départ du pouvoir. J’en faisais partie. Je n’avais que 16 ans mais ai parcouru une nuit entière la capitale béninoise de part en part. Nous étions nombreux, mon oncle Zéphirin conduisait la délégation de mon quartier. Nous brandissions des lampions, tapions sur des gongs (pour empêcher peuple de dormir), et de nos voix essentiellement d’hommes nous poussions notre chanson de combat : « Bo mi to yé si, Kérékou, bo mi to yé si ! afou dou tou lè ko zé to lo saa, bo mi to yé si looo » (Sauve-nous/épargne-nous d’eux, Kérékou, sauve-nous/épargne-nous d’eux, les corrompus ont vendu le pays, sauve-nous/épargne-nous d’eux s’il te plait !) Cette chanson populaire, une des nombreuses lumineuses et âprement politiques de la révolution socialiste Kérékouiste (1972-1989/90). Nous avions dû la convoquer pour ratisser large. Et Soglo tomba. C’était magique ! C’était initiatique pour moi ! Campagne 96 ! Dans les rues sombres de Porto-Novo… Nous ne nous sommes pas contentés de défiler sans autorisation préalable d’une quelconque autorité municipale, nous avions fait des choses et des choses. Et j’étais bien au courant de tout. On m’apprenait comment faire. Par l’exemple. Et nous avons gagné proprement dans les urnes (Bref, nos adversaires peuvent toujours remonter l’histoire. Mais c’est comme ça.)
Le jour de sa prestation de serment au Palais des gouverneurs de Porto-novo, notre leader charismatique Mathieu KEREKOU finit son discours par : « Vive la révolution !» Et la foule présente s’exclama (comme pour dire que Kérékou se trompe d’époque). L’ayant capté tout de suite, Mathieu KEREKOU revint au pupitre et lança avec une pointe d’humour : « Non ! N’ayez pas peur des mots ! ». Ce jour-là, il dit des choses encore plus brillantes. Celui qui faisait à KEREKOU ses discours doit être un vrai, un qui sait dire… Bref,
J’ai suivi, moi cet événement majeur scotché au poste téléviseur familial. Beaucoup d’émotion. Beaucoup ! Et de tête, je peux reprendre des passages entiers de son discours, en particulier un moment où le nouveau KEREKOU qui a troqué l’idéologie marxiste par celle évangéliste lança :
« Il a été dit que le Satan et ses démons sont vaincus, que la chair est crucifié et que le monde est condamné… »
Mais pourquoi tout ceci me revient soudainement en fait ? Récemment, un ancien camarade m’a informé qu’un de ses amis a écrit un livre intitulé « Non, je refuse » (Voir couverture en photo de couverture de cette publication), je me suis dit en m’en tenant au titre et la quatrième de couverture (qui épouse parfaitement mes sentiments de l’heure) qu’un refoulement va peut-être se faire ; que certaines logiques porteuses vont resurgir très vite. Il le faut ! Parce que nous jeunes du Bénin avons le devoir historique de ne pas nous laisser faire, jamais laisser les gens décider pour nous, jamais accepter le sempiternel rôle de celui qui tient le plat dans lequel ils se gavent, ceux à qui nous confions notre destinée. Si la gabegie ramenée par notre illustre leader Kérékou au cours de son dernier quinquennat et amplifiée par le pouvoir de Yayi Boni, l’Agent par excellence des institutions bancaires de Breton Woods ne nous réveille pas de notre sommeil, alors nous aurions lu Marx, la bible de Kérékou et l’histoire de notre pays comme des écervelés, des demeurés. Or, on ne peut justement pas avoir fait le parcours notre pour finir sur ce flanc de l’histoire en marche. Alors, gardons bien les yeux ouverts !
Le monde actuel ne fait plus dans la dentelle. Le capitalisme a atteint des proportions qui effraient le capital lui-même. La mondialisation a échoué. Elle tente de resurgir avec de nouveaux manteaux qui s’appellent « Commun », « nouvel ordre » déjà en butte avec «America first » et des « xits ». Tous laissent notre continent dans sa partie sub-saharienne à la périphérie qui n’a d’échos que le nombre de ses bras valides dont les ossements tapissent le fond de la méditerranée… Les frontières sont closes depuis fort longtemps. Les Béninois qui généralement vont en France pour être docteurs, manger du fromage à l’abri d’autres regards surtout béninois, ont dû diminuer leur flux en dehors de quelques entêtés. L’Europe, c’était vraiment avant !
Entre parenthèses, Il y a une fierté qui mérite de se savoir, un très court récit de vie : Mon ami Laurent Ishaq, une intelligence en érection d’où jaillissent sagesse, mansuétude et l’art à fleur de peau est un ancien du prytanée militaire de Bemberekè au Bénin. Il était si brillant qu’il a eu le privilège d’aller poursuivre en France des études… d’Econométrie dans des années où presque personne ne connaissait une telle science [J’exagère un tout petit peu]. On lui a appris plein de choses dont la MONNAIE. Il me confia un jour que malgré tous ses efforts, il n’arrivait pas à admettre les logiques qui la sous-tendent. Parallèlement, il a lu tous les livres « interdits » : des thèses de Cheikh Anta Diop à Frantz Fanon en passant par Pierre Bourdieu, Noam Chomsky et …Salman Rushdie. Il a aussi écouté Public enemy et tout le reste que vous pouvez aisément deviner. Puis Il est retourné au pays pour faire la révolution (au moment où celle de Kérékou s’achevait !). Cela lui réussit d’ailleurs : Il a monté dans son quartier de Cotonou et dans ses environs son crew constitué de toute la jeunesse censée et progressiste qui croit en la musique. Il leur a dit : « Nous allons faire du rap ». Et le rap, fait par les Béninois fut. Quelques-uns, plus tard, sont sortis de son éjaculat (c’est un mot que j’emprunte à sa toute dernière chanson, le rap est né) pour se faire une petite carrière. Comment faire grande carrière avec à peine 6 millions d’habitants dont dix mille (en gonflant le chiffre) connaissent vaguement le Rap. C’était avant YouTube et compagnies, voyez-vous ? Un jour il me fit : « Moi, dans ce pays, ceux pour qui j’ai du respect et un très grand respect, ce sont les instituteurs qui traversent des rivières après une longue route à vélo pour aller enseigner aux jeunes des hameaux reculés… ». Quand il me le disait, dans sa sérénité, son calme et ses yeux fixés sur un point précis du vide, j’ai senti monter en moi quelque chose : Personne ne m’avait paru aussi vrai avant! Ishaq est un révolutionnaire entier, un guerroyeur en puissance. Et des comme Ishaq foisonnent au Bénin, notre si beau et si petit pays que le destin nous a laissé et que la révolution marxiste-léniniste de Kérékou nous fit aimer comme la prunelle de nos yeux, nous autres, enfants de « l’Ecole Nouvelle ». Nous qui n’avions pas pris la route de l’exile, qui sommes restés avec nos pères et nos mères, solides jusqu’à la chute du mur de Berlin, fidèles à la logique jusqu’à chasser KEREKOU au moyen de pierres quand nous en avions eu marre; nous qui aujourd’hui parlons aux gens en les regardant dans les yeux,… Merci Kérékou ! Kérékou a fait autant sinon mieux que Sankara au Burkina-Faso à la différence qu’il n’était pas homme à médias. Le temps de l’histoire le restituera…
La démocratie partout au monde est une bagarre de tous les jours où les élections sont prévues en lieu et place des guerres civiles. Pour le Bénin, il nous faut éviter toute complaisance avec qui que ce soit, qui détient une parcelle de pouvoir politique dans notre pays. Il nous faut solidariser musculairement pour éviter tout avilissement de l’homme par l’homme. Il faut se bagarrer tous les jours contre cette forme d’hiérarchie sociale qui effraie dans notre pays où partout, dans chaque relation à deux, comme dirait l’autre : « C’est un homme qui en écrase un autre ». Seule la notion de justice et l’exemplarité d’une société civile vigilante à tout bord pourra nous assurer moins de regret à l’issue de la gouvernance en cours. C’est encore possible. Heureusement !
Il faut se braquer durement et être sévère envers soi et contre toute logique de maître. Il n’y a de maître que dans les dispositions hiérarchiques acceptées et tolérées par le dominé, l’esclave (quel vilain mot !). Nous avons tout à exiger de nos gouvernants. TOUT! Aussi, devrions-nous continuer de de forger l’idée de nation. Quelques soient les couacs ; Ils sont minimes à côté des enjeux. Le Bénin, c’est du nord au sud, de l’est à l’ouest. Ceux qui m’ont élevé, moi, sont des Lokpa de Ouaké, Badjoudé, Sèmèrè, les Dendi de Kandi ; les Fons installés derrière les rails d’Allaga à Parakou. Je ne dois à ceux de la région de mon père qu’une question de filiation. C’est important, certes, mais c’est peu de chose pour moi. Il ne s’agit pas de se focaliser sur moi bien entendu. Il s’agit de montrer qu’il y a bien mieux à gagner dans la diversité en tout genre qui caractérise le pays.
Pour finir, quand je pense à tous mes potes, mes camarades, utopistes, génération 1980 et suivant, je me dis, « ça y est, donnons-leur (nous) du fil à retordre ». Maintenant ! Parce que nous sommes des fils de KEREKOU.
N’ayons pas peur des mots. Il faut faire la révolution sinon ce serait (se) trahir…
Arcade ASSOGBA
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