Votre rubrique qui vous emmène à la découverte des femmes qui s’imposent dans des milieux considérés, autrefois, masculins reprend. Cette fois-ci avec une périodicité bien définie à savoir les premiers et derniers jeudis de chaque mois. Dans le présent numéro, nous vous embarquons dans l’univers des femmes syndicalistes béninoises. Depuis quelques années désormais, le syndicalisme n’est plus seulement l’affaire des hommes. Elles aussi, militent, défendent, dénoncent et mènent des luttes syndicales avec un esprit masculin. Les syndicats ne sont plus un bastion masculin. Comment sont-elles traitées dans ce monde qui, pour beaucoup, n’est pas le leur ? Que comprendre de leur vie de militante et de ménage ? Une série d’entretiens réalisés avec quelques-unes d’entre elles nous apporte des éléments de réponse…
Les « meneuses de grèves » ou « meneuses de luttes syndicales », il y en a également au Bénin pour défendre les intérêts moraux et professionnels des travailleurs. Si l’on les remarque à peine au cours des mouvements syndicaux en raison de leur faible taux au niveau des postes de décision, elles sont pratiquement dans la quasi-totalité des organisations syndicales des travailleurs de tous les secteurs. Cependant, deux ou trois femmes syndicalistes tonitruantes et bouillantes font parler d’elles. Elles ont gravi les échelons, franchir les paliers pour se faire une place au sein des Confédérations et Centrales syndicales. Mathurine Sossoukpè est membre du Conseil consultatif de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) et porte-parole du Collectif des enseignants Ace. A l’image de son patron, Paul Essè Iko, elle conduit des mouvements de protestation et dénonce avec véhémence plusieurs dérives gouvernementales dans le secteur éducatif. Véritable meneuse de grève, elle a récemment incité ses collègues enseignants Ace à boycotter les activités académiques pour contraindre le gouvernement à reconnaitre leurs diplômes professionnels (Capes, Bapes) à partir de l’année d’obtention. A la question de savoir comment cette femme syndicaliste se sent dans ce monde exclusivement réservé aux hommes autrefois, elle répond : « Je me sens très à l’aise en défendant les intérêts des travailleurs. L’homme seul n’est pas censé tout faire. La femme aussi à un rôle à jouer et je ne pense pas qu’il y a une certaine différence en la matière. En tout cas, à mon niveau, je m’y plais bien.» Pour elle, la femme n’aimant pas l’injustice, elle se doit de défendre, de militer pour la justice sociale. Et ceci, comme pour confirmer le proverbe : "Là où les femmes sont respectées et respectables, là résident les dieux de notre bien-être’’.
Spécialiste en imagerie médicale, Dr Basilia Odjouba est la secrétaire générale adjointe de la Confédération des organisations syndicales indépendantes (Cosi-Bénin) et secrétaire générale du Syndicat des travailleurs du Cnhu de Cotonou (Syntra-Cnhu). Pour elle, on ne choisit pas toujours la vie syndicale mais on y est parfois contraint quand des intérêts des travailleurs, des collègues se trouvent menacés. La particularité chez cette dernière, est qu’elle est moins présente sur le terrain et qu’elle fait moins du bruit. «Le bruit n’est toujours pas la meilleure solution pour revendiquer et le syndicalisme n’est toujours pas synonyme de bruit. La femme syndicaliste est comme tout syndicaliste. Nous menons les mêmes luttes dans une cohésion syndicale », fit-elle savoir. Elle soutient également qu’il n’y a aucune différence entre l’homme et la femme et qu’il est d’ailleurs grand temps que la gent féminine prenne le devant des choses.
Membre de la Csa-Bénin, Diogo Alice est également une grande figure du syndicalisme au Bénin. Discrète et relativement calme, cette dernière privilégie également la négociation dans la courtoisie. Le “syndicat au féminin“ fait donc son chemin au Bénin.
Entre la vie syndicale et de ménage….
Les pratiques syndicales indiquent cependant que «les syndicats n’ont pas la fibre féminine», sachant que l’univers syndical reste un monde organisé et façonné selon un regard masculin. Le comble est qu’elles, ces femmes syndicalistes, parviennent à se frayer leur chemin pour s’imposer. Mais l’habitude des pratiques syndicales n’influence-t-elle pas la vie de ménage ? « Non, je sais faire la part des choses. On ne doit jamais mélanger sa vie de ménage avec sa vie syndicale. Ce serait une grave erreur car il s’agit de deux choses différentes. En tout cas, de mon côté, je satisfais comme il le faut aux exigences du foyer »,nous a expliqué Mathurine Sossoupkè de la Cstb. Même son de cloche du côté de Dr Basilia Odjoubè qui estime qu’en dehors des réunions syndicales qui la maintiennent un peu éloignée de son ménage, son engagement dans les actions syndicales n’influence guère sa vie de ménage. Cependant, elles reconnaissent que la tendresse n’est toujours pas au rendez-vous avec les enfants à la maison. Contrairement à ce que pourraient penser beaucoup, les femmes syndicalistes respectent leurs époux, soutient Dr Odjoubè. Si pour la plupart des femmes syndicalistes rencontrées, les maris sont compréhensifs, d’autres n’ont pas cette chance. L’ambiance n’est plus forcément la même au ménage lorsque les réunions syndicales prennent le pas sur la vie de ménage.
Femmes syndicaliste et postes de décision…
D’après une étude récemment réalisée par l’Organisation internationale du travail (Oit), le nombre des femmes dans les postes de responsabilité est inversement proportionnel à l’importance des postes. Autrement dit, plus les postes de responsabilité sont importants, moins ils sont accessibles aux femmes. Le résultat reste donc en deçà des attentes. Pour Mathurine Sossoukpè, cela est dû au fait que très peu de femmes s’engagent dans des organisations syndicales pour y militer pendant longtemps. Par contre, certains syndicalistes affirment qu’elles ont l’impression de faire un saut d’obstacles où les règles du jeu sont opaques et où les dés sont pipés dès le départ. Une jeune femme syndicaliste qui a requis l’anonymat laisse entendre qu’il faut avoir les compétences de dix hommes pour être acceptée et élue. « La femme syndicaliste est jugée sur sa compétence alors que tu es plus compétente que ceux qui détiennent les positions de décision syndicale », poursuit-elle. L’autre raison évoquée est liée aux contraintes du foyer qui font qu’elles manquent de disponibilité pour assumer lesdites fonctions. Comme dans plusieurs domaines, la femme béninoise se surpasse au quotidien pour exercer, au mépris des critiques et préjugés, dans des milieux “masculins“. Salut Camarades ! Salut femme syndicaliste !
Aziz BADAROU