« Au nom de Dieu, il est arrivé qu’on fasse de très vilaines choses. Au nom de Dieu, il est arrivé qu’on tue, qu’on massacre des innocents- des gens qui n’ont absolument rien à voir avec la foi, la juste cause que l’on prétend défendre. C’est pour cette raison qu’il m’est arrivé quelquefois de dire qu’il est extrêmement urgent de « moraliser Dieu », c’est-à-dire simplement de moraliser l’usage qu’on fait de Dieu. ». C’est l’appel lancé par le Professeur Paulin Hountondji dans une allocution qu’il a prononcée à l’ouverture du récent atelier consacré à l’éducation à la culture de la paix. Un appel fortement salué par le Professeur Albert Tévoèdjrè, qui s’est résolument engagé dans la lutte pour la culture de la paix et le dialogue interreligieux. Lire ci-après ladite allocution et la réaction de Tévoèdjrè.
« LA PAIX PAR UN AUTRE CHEMIN »
Allocution de Paulin Hountondji, Président du Conseil National de l’Education, (CNE), à l’occasion de l’atelier consacré à l’éducation à la culture de la paix
«Moraliser Dieu» !
Reconnaissance aux différents ministres en charge de l’Education d’avoir, de bon cœur, accepté que je parle en leurs noms pour ouvrir officiellement le présent atelier. Vous savez toute l’importance que le Chef de l’Etat accorde au Conseil National de l’Education repensé et réinventé qui sera mis en place à partir de septembre-octobre de cette année. En attendant la mise en place effective du futur CNE, nous autres sommes là. Et nous ferons de notre mieux pour vous donner envie de voir effectivement mettre en place ce CNE repensé et revalorisé. Je suis fier d’avoir eu comme professeur d’histoire quand j’étais en classe de Terminale en 1959-1960 au lycée Victor Ballot, M. Albert Tévoédjrè ici présent. Et j’ai eu le bonheur à la même époque d’avoir comme professeur de Géographie, le regretté Jean Pliya. Les deux étaient des amis. Et nous étions les uns et les autres fascinés par leur vaste culture et la capacité qu’ils avaient d’encourager les jeunes que nous étions et que nous essayons de rester, de les inciter à aller aussi loin possible et avoir véritablement une vision de leur propre vocation, de leur propre famille, de leur milieu, de leur pays et de tout le continent.
Le regretté Virgile Tévoédjrè, jeune frère de Albert Tévoédjrè était l’un des étudiants dahoméens qui revenaient en vacances régulièrement et nous donnait des cours de vacances. Il n’arrêtait pas de nous dire : « Vous êtes l’Afrique de demain ». Ce sont des phrases, ce sont des mots qu’on n’oublie pas.
M. le Président du CPPS ;
M. le Médiateur de la République ;
Excellence M. l’ambassadeur du Japon ;
Excellences, Mme et MM. les ministres ;
On m’a donc demandé de prononcer l’allocution officielle d’ouverture du présent atelier qui est un atelier national sur l’éducation à la culture de la paix. Et l’un de nos amis qui est de l’équipe du CPPS est allé jusqu’à dire que ce sont les états généraux de la paix au Bénin. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais il dépendra de vous qu’il en soit ainsi. Les menaces à la paix sont nombreuses et multiformes.
L’extrémisme religieux est une de ces menaces, une des sources les plus anciennes de l’insécurité. L’extrémisme religieux est un immense problème. Au nom de Dieu, il est arrivé qu’on fasse de très bonnes choses. Mais au nom de Dieu, il est arrivé qu’on fasse de très vilaines choses. Au nom de Dieu, il est arrivé qu’on tue, qu’on massacre des innocents- des gens qui n’ont absolument rien à voir avec la foi, la juste cause que l’on prétend défendre. C’est pour cette raison qu’il m’est arrivé quelquefois de dire qu’il est extrêmement urgent de « moraliser Dieu », c’est-à-dire simplement de moraliser l’usage qu’on fait de Dieu. Il y a des dieux qui gagneraient à être véritablement recyclés, repensés, recréés, réinventés, réajustés et mis en conformité avec la morale humaine, simplement humaine. Et c’est au nom de cette humanité redécouverte que nous devons apprendre les uns et les autres à remettre en perspective, si possible à relativiser nos crédos respectifs de manière à ce que nos options religieuses ne nous empêchent pas de nous regarder en face comme des êtres humains, ne nous empêchent pas de nous parler. Et que nos options religieuses ne débouchent pas sur l’enfermement mental, l’enfermement idéologique, l’enfermement intellectuel et une espèce de cécité, une tragique incapacité de dialoguer.
Au-delà des divinités qui nous commandent de faire le mal, des divinités dont nous pensons qu’elles nous ordonnent d’aller raser les mausolées de Bamako. Au-delà de ces divinités incultes qui nous ordonnent de casser les tours de New York ou de faire des choses aussi laides, nous devons réapprendre les uns et les autres à écouter les divinités les plus proches des hommes, de l’humain ; celles qui sont susceptibles de nous ordonner de faire le bien. J’interprète à ma façon, de façon très libre, le sens profond de cette « Initiative africaine d’éducation à la paix et au développement par le dialogue interreligieux et interculturel ». Le Professeur Albert Tévoédjrè a toujours eu beaucoup d’imagination. Il en aura encore longtemps. C’est notre vœu le plus profond. Je ne suis pas sûr qu’il sera tout à fait d’accord avec mon interprétation quand je dis que cette initiative africaine rejoint finalement cette préoccupation qui veut que nous « moralisions Dieu » et que nous ouvrions nos différentes cultures les unes aux autres au lieu de nous y enfermer. J’en suis néanmoins profondément convaincu.
Cotonou, le 19 janvier 2017
Paulin Hountondji
Merci, Cher Paulin !
Et en effet,
« Le Verbe s’est fait chair. Il a habité parmi nous. »
Que prospère donc le Dieu incarné en Jésus de Nazareth, auteur de l’Evangile qui promeut pour tous, le minimum social commun. « Le développement est le nouveau nom de la paix ».
Albert Tévoédjrè, Frère Melchior