Administration de substances nuisibles à la santé suivie de mort. Telle est l’infraction qui a entrainé la mise en accusation devant la chambre d’accusation de dame Mora N’Gobi Gniré et pour laquelle elle a été reconnue coupable et condamnée à 10 ans de travaux forcés par la cour présidée par Hubert Arsène Dadjo, assisté de Richard T. Limoan et de Adamou Moussa. Mora N’Gobi Gniré, née vers 1956 à Kouandé est féticheuse, ménagère, mariée et mère de cinq enfants a introduit une poudre blanche dans le repas de son mari, ce qui a entraîné la mort de ce dernier et d’un de ses fils qui a mangé le repas. C’est pour ces faits qu’elle est poursuivie pour le crime d’administration de substances nuisibles à la santé suivie de mort. Une infraction prévue et punie par les articles 317 alinéa 8, 58 et 60 du Code Pénal.
Il est important de préciser que dame n’est pas la seule à être poursuivie pour les faits. Il y a également le sieur Gnimagui Sidé, qui lui, est inculpé pour complicité d’administration de substances nuisibles à la santé suivie de mort. La cour a rendu un arrêt d’extinction de l’action publique à l’égard de Gnimagui Sidé pour décès et une disjonction du cas de dame Mora N’Gobi Gniré. Cette décision se justifie parce que le décès de l’accusé est une cause de l’extinction de l’action publique ou de la poursuite.
Mora N’Gobi Gniré qui est placée sous mandat de dépôt depuis le 13 Juin 2006 va recouvrer sa liberté après les formalités à la prison civile de Parakou parce que ayant passé plus de dix ans déjà.
Résumé des faits
Les faits en cause se sont passés en 2006, précisément le 27 mai dans la commune de Kouandé. La nommée Mora N’Gobi Gniré dans le souci de reconquérir le cœur de son époux Seké Mora a sollicité les services de Gnimagui Sidé, un guérisseur traditionnel. Celui-ci servit une poudre blanche qu’elle mélangea au repas destiné à son époux. Séké Mora mourut après avoir mangé ce repas. Leur fils Séké Tamou qui, à l’insu de sa mère, a mangé une partie dudit repas, mourut également.
Mora N’Gobi Gniré interpellée et inculpée a reconnu les faits mis à sa charge à toutes les étapes de la procédure. Mais elle a soutenu ignorer que la substance que lui a remise Gnimagui Sidé et qu’elle a administrée à son époux était de nature à donner la mort.
Gnimagui Sidé quant à lui, a nié les faits mis à sa charge à toutes les étapes de la procédure. Il soutient ne pas connaître et même n’avoir jamais vu Mora N’Gobi Gniré à son domicile au point de lui remettre un quelconque produit, à quelque fin que ce soit. Il soutient qu’il a été indexé dans cette affaire tout simplement parce que la population est contre lui.
Si, Mora N’Gobi Gniré, n’a pu indiquer le chemin menant au domicile Gnimagui Sidé elle a décrit avec précision la configuration de la maison, les décorations de la chambre où elle a été reçue ainsi que la position que chacun avait occupée lors de sa visite.
Ces informations apportées par Mora N’Gobi Gniré sont autant de preuves qui démontrent que la dénégation systématique opposée par Gnimagui Sidé n’est qu’une vaine tentative de se dérober à sa responsabilité s’agissant de faits aussi accablants. Lesquels faits sont constitutifs après requalification du crime d’administration de substances nuisibles à la santé suivie de mort et ont entraîné leur mise en accusation de ces chefs.
Les débats
L’accusée Mora N’Gobi Gniré au cours de l’instruction du dossier à la barre s’est enfermée dans une dénégation totale contrairement à son aveu à l’enquête préliminaire et devant le juge d’instruction. La cour n’a pas été éclairée sur les circonstances de la survenue de ce drame, mis à part les déclarations de l’accusée à l’enquête préliminaire et devant le magistrat instructeur qui permettent d’avoir certains détails. Dame Mora N’Gobi Gniré a déposé à la barre qu’elle est traumatisée par la mort de son mari et de son fils. Les nombreuses interrogations de la cour n’ont pas permis de tirer quelque chose de l’accusée. Ce qui a amené le président de la cour de céans à déclarer que ledit dossier est particulier en son genre, parce que n’ayant pas de partie civile et de témoin.
Pour la défense de la société, le représentant du ministère public, Emmanuel Opita a procédé à l’entame de ses réquisitoires fait un bref résumé des faits avant d’y relever les trois éléments constitutifs du crime d’administration de substances nuisibles à la santé suivie de mort au regard des dispositions de l’article 317 alinéa 8 du Code Pénal. Il s’agit de l’élément légal, de l’élément matériel et l’élément moral ou l’intention coupable.
L’avocat général Emmanuel Opita a fait remarquer à la cour que le cas d’espèce présente bien les trois éléments cités plus haut. L’élément légal trouve sa base dans les dispositions de l’article 317 alinéa 8 du Code Pénal, quant à l’élément matériel, il est constitué à partir du moment où, dame Mora N’Gobi Gniré a introduit la poudre blanche dans le repas de son mari pour regagner le cœur de ce dernier mais qui a entraîné la mort du mari et de son fils et l’intention coupable est matérialisée par le fait que dame Mora N’Gobi Gniré avant d’introduire la poudre blanche dans le repas a pris la précaution de consommer sa portion.
Après la réunion des éléments constitutifs du crime, il ne reste qu’à la cour d’entrer en condamnation de l’accusée dira le ministère public qui a requis que la cour déclare dame Mora N’Gobi Gniré, coupable du crime d’administration de substances nuisibles à la santé suivie de mort et de la condamner à 8 ans de travaux forcés.
Pour Me Nestor Ninko, avocat de la défense, la problématique soumise à la cour dans le dossier en cause est de savoir si la mort d’un père et de son fils, qui reste une évidence dans l’affaire, est-elle naturelle ou provoquée. Car, sa cliente reconnaît avoir introduit une poudre blanche à elle remise par le guérisseur Gnimassou Sidé dans le repas de son mari. Une poudre dont elle ignore l’effet toxique. Me Nestor Ninko a relevé qu’il manque au dossier des éléments importants pouvant éclairer la cour sur la cause de la mort des deux victimes.
Il a évoqué le certificat médical qui permet, non seulement, de situer sur les circonstances de la mort mais aussi d’établir le lien de causalité entre la consommation du repas et la mort des victimes. En l’espèce, la cour ne dispose que des preuves testimoniales pour former sa conviction. C’est pourquoi, pour lui, l’imputabilité de la mort des deux victimes à l’accusée, relèverait d’un doute absolu et en cas doute, on s’abstient. C’est à la lumiére de ces observations, qu’il a plaidé l’acquittement de son client au bénéfice du doute.
Marx CODJO (Br Borgou-Alibori)