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PAG : Lutte contre la pauvreté ou lutte contre les pauvres ?
Publié le mardi 31 janvier 2017  |  Matin libre
Patrice
© aCotonou.com par DR
Patrice Talon, President du Bénin




Pendant que le gouvernement casse de pauvres commerçants qui ont déjà du mal à joindre les deux bouts, le préfet du Littoral Modeste Toboula, s’insurge contre l’opération de relogement organisée par la mairie de Cotonou pour mettre quelques couleurs dans le gris existentiel des délogés.En fin de compte, en attendant de créer 500.000 emplois,le Programme d’actions du Gouvernement (PAG) via l’opération de libération de l’espace public mal planifiée et exécutée crée des milliers de sans emploi. Contre qui ou quoi veut-on lutter avec le PAG ?

Au lieu d’être une décision essentiellement environnementale et à la limite économique, l’opération de libération des espaces publics a été inspirée par une intention de vengeance pour rendre impopulaire un adversaire politique. Il convient de dire d’entrée que, dans le principe, personne n’est contre une politique environnementale qui vise à offrir aux béninois un meilleur cadre de vie pouvant avoir aussi des implications économiques, parce que boostant le tourisme et attirant des investisseurs. Le Bénin n’est pas le premier pays à adopter et mettre en œuvre de telles politiques. Seulement, dans les pays où l’on aenregistré des résultats durables, comme le Rwanda, l’opération d’assainissement du cadre de vie a été bien pensée ou planifiée comme tout un programme. Au Bénin, malheureusement, ce n’est pas le cas. Il s’agit visiblement d’une opération politique mal planifiée.

Une opération mal planifiée

D’abord, au regard des tâtonnements du gouvernement à l’entame de l’annonce de cette opération, il faut reconnaitre la qualité du flair de ceux qui ont craint le pire, d’entrée de jeu. Personne n’a la mémoire aussi courte pour oublierqu’il ne s’agissait pas initialement d’une opération en deux phases. A l’annonce de l’opération,en effet, de nombreuses critiques et contestations ont contraintle gouvernement àla scinder en deux phases. Ce fut le premier indice d’une opération très mal planifiée. On ne peut pas se permettre d’aborder une opération aussi sérieuse, une opération aux conséquences socio-économiques aussi sensibles avec autant de légèreté.Mais le pire restait à venir…

Par ailleurs, si l’opération avait été bien planifiée les casses devraient être suivies immédiatement et partout de nettoyage et d’assainissement, pour ne pas donner l’image d’une ville sortie d’un pilonnage dans les pays en proie à la guerre. Ce nettoyage devrait même intervenir au fur et à mesure des casses et être systématiques sur toute l’étendue du territoire national.

Une autre preuve de cette mauvaise planification est le manque d’une solution de relogement des sinistrés de la politique de libération des espaces publics. Si l’opération avait été planifiée, on aurait dû évaluer le nombre de sinistrés, identifier les sites de leur relogement, les aménager avant de commencer les casses. C’est ce que nous avons vu faire à Kigali. Pire, ce qui fonde à croire qu’il s’agit bien d’une décision essentiellement politique, pour détruire un adversaire politique, est que le préfet Toboula ose s’insurger contre les actions du Maire de Cotonou qui s’est habilement positionné sur le volet relogement. Le Préfet se dit gêné que la Mairie se mêle de l’opération. Nous y reviendrons.

Enfin, pour montrer leur bonne foi et convaincre de leur sens de l’organisation et de la planification, les « zozautorités » auraient pu commencer « le programme » ( nous mettons le mot programme entre guillemets parce qu’il n’en est pas un) par une opération de nettoyage des espaces publics non encore occupés qui sont des dépotoirsd’immondices et niches de toutes sortes de microbes qui rendent malades les habitants de nos villes. Si tant est que les Mairies sont défaillantes, le ministère du Cadre de vie et la préfecture de Cotonou en particulier, voulant se substituer à elles, pourraient nous séduire en commençant par nous prouver que l’Etat est capable de prendre soins des espaces déjà libres.

Une méthode populiste et anti social

Sérieusement, si ce n’est pas du populisme, un préfet a-t-il besoin d’être devant des bulldozers pour diriger une opération de casse ? Et si on essaye de nous dire que la décision n’est pas politique, Toboula est-il le seul préfet au Bénin ?

Nous avons tous vu le préfet Toboula devant les caméras de la télévision casser de son propre pied des étalages de pauvres dames vendeuses de tomates vers Jéricho, quartier bien connu pour sa proximité avec le marché Dantokpa de Cotonou. Nous avons vu le même préfet faire ramasser des vivres de pauvres commerçants et les faire charger dans les véhicules des forces de l’ordre... Ce n’est pas l’aspect totalement illégal de ces agissements qui nous intéresse ici, car des voix plus autorisées l’ont déjà démontré. Mais pendant que le zélé préfet, qui est bien le bras opérationnel du gouvernement du nouveau départ, dit faire son travail de déguerpissement, il ne permet pas au Maire de Cotonou de reloger les sinistrés. Cette pauvre dame vendeuse de tomates préférerait être relogée n’importe où, même là où le Préfet appelle « bas-fonds », pour pouvoir vendre sa tomate et joindre les deux bouts.Le préfet lutte contre qui ou quoi ? Contre Léhady Soglo, l’insalubrité ou les pauvres commerçants ?

Par ailleurs, le préfet prend un arrêté pour interdire aux conducteurs de motos taxi « Zémidjan »,n’ayant pas de domicile à Cotonou, de passer la nuit sur les espaces publics. En dehors des dérangés mentaux a-t-on déjà vu un homme normal préférer dormir dans la rue ? Même si personne ne peut encourager ce phénomène de « Zémidjan sans abris », ne serait -il pas mieux de sortir du superficiel pour poser la question de fond qui est de chercher à savoir ce qui pousse un homme à laisser son village pour aller à Cotonou faire le job de conducteur de moto taxi sans abris ? Les questions de développement humain devraient être posées de manière holistique pour trouver des solutions durables. Aussi au regard des grands défis de développement qui se posent au Bénin, faudrait-il encore savoir prioriser.

Enfin, voila un gouvernement qui prétend créer 500,000 emplois, mais en attendant il détruit ceux qui existent. Quelle incohérence! Plusieurs tenanciers de restaurants, buvettes et autres commerces ont déjà remercié plus de la moitié de leur personnel du fait de la diminution de leur chiffre d’affaires depuis le début de cette opération de casse. Qui, au gouvernement, s’intéresse à faire une étude sur cette implication dans le but de conseiller l’augmentation de la cible de 500.000 emplois à 550.000? Personne !


M.M
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