En 10 mois de gestion des affaires publiques, on peut sans se tromper soutenir que la restriction systématique des libertés est la marque de fabrique de Patrice Talon. Le successeur de Yayi Boni inquiète de plus en plus.
La désillusion a gagné les citoyens béninois, notamment les électeurs de Patrice Talon. Ils s’interrogent de jour en jour sur les vraies intentions du Chef de l’Etat. Que veut-il de faire du Bénin?Que veut-il faire des citoyens béninois? Des questions légitimes puisque le Chef de l’Etat pose des actions graves qui font douter la concrétisation de l’une ses promesses électorales : consolider les libertés au Bénin. Talon détruit les libertés. C’est un euphémisme. En effet, quelques mois après sa prise de pouvoir, le 05 octobre 2016 précisément, le Chef de l’Etat présenté par certains comme un messie, a ordonné en Conseil des ministres l’interdiction d’activités à toutes les organisations estudiantines dans toutes les universités du Bénin. Jusqu’à la mise en application du nouveau décretportant conditions d’exercice d’activités et ou de reconnaissance des associations d’étudiant, aucune d’elle n’a plus désormais le droit de réagir aux décisions des administrations rectorales ; des administrations qui ont la propension à prendre des décisions très critiquées. Dans le même secteur éducatif, le ministre des enseignants maternel et primaire, Salimane Karimou a dans un communiqué en date du 27 janvier 2017 jugé « inconcevable que des enseignants n’appartenant pas à une même école puisse s’y réunir en dehors des activités ou des séances d’unités pédagogiques». L’objectif du ministre, c’est de briser le mouvement de débrayage lancé depuis quelques jours par des organisations syndicales dans les écoles publiques. Par ailleurs, à Cotonou, dans un communiqué en date du 30 décembre 2016, le préfet du Littoral avaitprohibé toute manifestation publique du 02 au 31 janvier 2017 excepté le 10 janvier 2017. Il avait souligné pour motif, un problème d’indisponibilité d’effectif des forces de l’ordre en raison du démarrage des opérations de libération des espaces publics dans lesquelles la police et la gendarmerie seront impliquées. Beaucoup ont plutôt lu dans cette décision liberticide, la volonté du Préfet Modeste Toboula de prévenir tout mouvement de contestation dans la ville de Cotonou. L’autre mesure polémique et trèsquerellée est celle interdisant particulièrement à toutes les confessions religieuses d’occuper l’espace public pour exprimer leur foi. Cette décision a provoqué un tollé général dans le rang de la communauté musulmane. L’Union islamique du Bénin (Uib) qui s’est fendue d’une déclaration, parle de violations de libertés. Et à y voir de près, ladite mesure restreint l’espace de la liberté de culte consacrée par la Constitution du 11 décembre 1990. Le gouvernement de Patrice Talon a manifestement comme projet d’affaiblir toute la législation qui fonde le climat de bonne entente entretenu vaille que vaille depuis 1990 au Bénin. A cette allure, il risque bien de faire en 5 ans pire que le gouvernement défunt resté pendant 10 ans au pouvoir.
Complicité…
Il n’y a plus de mois où le gouvernement ne prend de décision critiquée et dirigée contre les libertés. Tout prouve et montre que la restriction des libertés est devenue le choix de la gouvernance Talon. Ceci est d’autant curieux que l’équipe qui accompagne le Chef de l’Etat est composée de défenseurs des droits de l’homme. Ce sont des droits-de-l’hommistes qui ont dans un passé récent tiré à boulet rouge sur le gouvernement de Yayi Boni. Aujourd’hui, face aux dérives de Talon, aucun d’eux n’ose prendre position. Ils affichent un silence déconcertant. C’est un silence qui cache en réalité une complicité des violations des droits des faibles. Une vraie inquiétude. Car leur attitude conforte le "messie" Talon dans ses options dangereuses et pourrait bien le transformer en fossoyeur des libertés acquises à la suite de nombreux sacrifices. Au sein de la population, la grogne monte en tout cas. Et Patrice Talonpourra bien avoir à gérer les déceptions d’un peuple meurtri si le bâillonnement se poursuit.
Mike MAHOUNA