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Me Issiaka Moustapha sur Soleil FM : «En ce qui concerne Ajavon, le dossier est absolument vide»
Publié le jeudi 9 fevrier 2017  |  Matin libre
Sébastien
© aCotonou.com par Didier Kpassassi
Sébastien Ajavon,Président du Conseil National du Patronat béninois lors Séminaire de vulgarisation des acquis de la loi des finances rectificatives gestions 2016 au profit des entreprises.
Benin-Marina Cotonou 29 Juillet 2016. Séminaire de vulgarisation des acquis de la loi des finances rectificatives gestions 2016 au profit des entreprises




En réaction à un article paru dans un quotidien de la place et qui a annoncé un appel interjeté par le Procureur général contre le verdict du 4 novembre 2016 qui a relaxé au bénéfice du doute M. Sébastien Germain Ajavon dans l'affaire des 18 kilos de cocaïne, l’un de ses avocats Me Issiaka Moustapha a fait des mises au point et en a dénoncé les nombreuses irrégularités au micro de Eugène Allossoukpo sur Soleil FM. Nous vous en proposons la transcription dans nos colonnes.

Question : Un quotidien de la place a confirmé dans sa publication du 7 février que le Parquet aurait saisi le Procureur Général pour interjeter appel contre le verdict du 4 novembre 2016 qui a relaxé au bénéfice du doute M. Sébastien Germain Ajavon dans l'affaire des 18 kilos de cocaïne. Votre première réaction...

Me Moustapha : Je vous remercie de l’opportunité que vous m’offrez de me prononcer sur ce dossier.Le parquet n’a pas saisi le Procureur Général. Le P G fait partie du parquet. Il y a le parquet d’instance et le parquet de la Cour d’appel. Je confirme à votre micro qu’effectivement, le 26 décembre 2016, le Procureur Général près la Cour d’Appel de Cotonou, a relevé appel du jugement rendu par la Chambre des Flagrants délits du tribunal de Première Instance de Cotonou le 04 novembre 2016. Et je dois indiquer que cet appel, à notre avis, n’a pas été fait dans les formes prévues par la loi. Vous devez savoir que cet appel du Procureur Général est un appel spécial. Sinon en temps normal, ce sont les prévenus, le Procureur de la République, la partie civile ou le civilement responsable qui ont le droit d’appel et qui font cet appel dans un délai de 15 jours. Et la loi prévoit que cet appel, ils le font par déclaration au niveau du greffe du Tribunal qui a rendu la décision.

Le droit d’appel du Procureur Général est un appel spécial comme je l’indiquais. Et c’est d’ailleurs à cet effet que, au lieu de 15 jours, la loi a donné deux mois au Procureur Général. C’est un appel qu’en principe on devrait faire dans l’intérêt de la loi. Parce que l’appel est spécial, la forme aussi est spéciale. Au lieu de le faire au niveau du greffe du tribunal qui a rendu la décision comme pour les prévenus, le Procureur de la République, la partie civile ou le civilement responsable, la loi lui exige de faire cet appel là au niveau du greffe de la Cour d’Appel. Mais nous avons constaté que cet appel, au lieu d’être fait au niveau du greffe de la Cour d’appel, a été fait au niveau du greffe du Tribunal de première instance. Ce qui n’est pas régulier ! De plus, la loi impose au Procureur général de notifier « immédiatement »cet appel aux prévenus, parce que c’est le seul moyen pour eux de savoir qu’il y a eu appel et d’organiser leur défense. Il se trouve qu’à ce jour cette notification n’a pas eu lieu et c’est par des diligences personnelles que nous avons su qu’il y a eu cet appel.

Qu'y a-t-il de neuf dans l'évolution de ce dossier et quelles sont vos appréciations ?

Sur le fond, il n’y a rien de neuf. Tout le monde sait que c’est un dossier vide et il n’y a pas d’élément nouveau. Ce dossier est ce qu’il est. Il n’y a pas de charge. Je ne vais pas rentrer dans les détails. Mais lorsqu’il y a appel dans le cadre de cet appel spécial, après notification,le dossier doit remonter au niveau de la Cour d’appel pour que la Cour puisse d’abord statuer. L’article 530 du Code de procédures pénales dit : « la cour statue d’abord su la recevabilité de l’appel ». Et c’est lorsque l’appel est recevable (vérification faite du délai et des formes requises par la loi). C’est ensuite que la Cour peut statuer au fond pour voir si le premier juge avait bien dit le droit ou pas.

A quoi doit-on s'attendre et qu’allez-vous faire pour la défense de votre client ?

A notre avis cet appel est fait un peu en catimini comme sous le manteau. On n’en parle pas du tout. On ne le notifie pas. Donc à ce jour, rien ne prouve officiellement, au niveau des personnes mises en cause, que la décision dont ils ont bénéficié fait l’objet d’appel. La notification n’a pas eu lieu. Donc le dossier n’a pas bougé. Cet appel, c’est tout comme s’il avait été fait dans un esprit de chicane. On le garde sous le manteau et à chaque fois que de besoin, on le brandit comme une épée de Damoclès pour dire qu’il y a appel. Mais, je vous l’assure, contrairement à ce que j’ai pu entendre çà et là, ce dossier n’est pas encore au niveau de la Cour d’appel.

Me Issiaka Moustapha, je vous pose la question qu’une dame m’a posé hier soir à Porto Novo : est-ce qu’il possible que Sébastien Germain Ajavon aille en prison dans ce dossier, à l’étape actuelle, si notification vous était faite ?

Il est important ici de rappeler que le président Sébastien Germain Ajavon a été relaxé. Au bénéfice du doute ou non, c’est une relaxe. Ce qui veut dire qu’on n’a donc pas trouvé de charges contre lui. Tant que cette décision de relaxe n’est pas infirmée par une Cour d’appel qui condamne à une peine d’emprisonnement ferme avec mandat, on ne peut pas parler de prison. Nous sommes très loin d’une telle hypothèse. N’oubliez pas qu’il n’y a absolument rien dans ce dossier d’une part et que d’autre part, l’appel n’a pas été fait dans les formes prévues par la loi. Il y a lieu de se demander dans quelle intention un appel est fait de cette manière-là. Je ne suis pas dans les interprétations. En tant qu’avocat, je constate tout simplement que cet appel ne devrait pas être fait au niveau où il l’a été ; je constate que la loi impose à celui qui a fait l’appel de le notifier « immédiatement » (terme précis utilisé par la loi à l’article 518 du Code de procédures pénales). Cet appel est fait depuis le 26 décembre 2016 et il n’a jamais été notifié

Mais là vous dénoncez en réalité un vice de procédure ?

Ce qui est gênant en la matière, c’est qu’il ne me revient pas de dénoncer ce vice de procédure sur les antennes. Même si l’appel est irrégulier, il faut que la Cour d’appel soit saisie. C’est à la Cour de dire si l’appel est recevable ou non. Et tant que la Cour n’a pas évoqué le dossier, on va toujours brandir cet appel pour dire à l’intéressé : « votre dossier n’est pas terminé, il a fait l’objet d’appel ! Donc vous devez vous attendre à comparaître devant la Cour d’appel … » Ceci peut perturber la sérénité de la personne ! Ca perturbe la sérénité de la personne. Une fois que l’appel est fait, c’est la juridiction de l’appel qui peut dire si l’appel est recevable ou pas. Et pour que la juridiction le dise, il faut que le dossier aille devant la Cour d’appel. On ne peut pas faire appel et ne pas faire évoluer le dossier ! Et ne pas le notifier. Ça, c’est une violation des droits de la défense. Parce que la notification permet à la personne de savoir qu’il y a eu appel contre la décision dont il a bénéficié et de préparer sa défense devant la Cour d’Appel. Ce qui n’est pas le cas.

Et si la procédure d’appel était normale, ça devait durer combien de temps probablement ?

Sur les principes, lorsque l’appel est fait par le prévenu, la loi prévoit que le juge et le greffier ont 8 jours pour transmettre le dossier au Procureur de la république. Ce dernier a également 8 jours pour le transmettre au Procureur général qui l’enrôle devant la Chambre des affaires correctionnelles de la Cour d’Appel. Mais pour ce qui concerne le cas où c’est le Procureur Général qui fait appel, la loi n’a pas dit dans quel délai. Mais il est un principe constant, reconnu par la Constitution, que toute personne a le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Donc si on décide de relever appel, de quereller une décision, il faut offrir la possibilité à la personne ou à la juridiction qui est chargée d’en connaître, de le faire dans des délais raisonnables. Ce qui ne semble pas être le cas ici.

Me Issiaka Moustapha, à quoi devons-nous nous attendre maintenant ?

L’évidence est qu’un appel existe. Peu importe l’endroit où il se trouve. Et si l’appel existe, il faut forcément que le dossier parvienne à la Cour d’Appel pour qu’on puisse statuer d’abord sur la recevabilité et ensuite sur le bien-fondé de l’appel. C’est ce qu’il reste à faire. C’est ce qu’il faut espérer et c’est ce qui doit être fait dans un délai, vraiment raisonnable. Si l’appel existe, ou alors la personne qui a fait appel se désiste de son appel. Mais s’il doit le faire il faut que cela arrive d’abord devant la Cour d’appel. Dans tous les cas, il faut que le dossier arrive devant la Cour d’appel. Soit alors pour statuer au fond. Mais il est évident ici, à voir les conditions dans lesquelles cet appel est fait, cet appel est irrecevable. Dans tous les cas, la vérité par rapport à M.Ajavon est connue. Mais la vérité par rapport à ce qui s’est passé, à travers cette procédure, sans préjuger des stratégies éventuelles des uns et des autres, nous y tenons. Et il y a d’autres moyens pour atteindre cet objectif.

Si la procédure devrait suivre son cours, Sébastien Germain Ajavon devra-t-il se présenter devant les tribunaux ?

Oui. Il se présente. Le dossier doit être examiné. On est en matière pénale où les avocats ne représentent pas les prévenus en principe, mais les assistent. Mais cela dit, la loi a prévu un arrangement légal. Lorsque la personne peut décider d’écrire pour autoriser la Cour à la juger en son absence, ça peut se faire. La loi le permet. Mais en principe celui qui est prévenu dans une procédure, il doit comparaître en première instance et comparaître en appel. Ce n’est qu’en cassation qui n’est pas un troisième degré de juridiction (la Cour suprême vérifie si la loi a été bien appliquée), là les parties ne comparaissent pas.

Il y a une défense en cas d’activation du dossier pour défendre Sébastien Germain Ajavon ?

Cela va de soi. Nous sommes une trentaine. Spontanément certains confrères se sont constitués dans ce dossier. Ils tiennent à ce dossier ; Parce que nous comprenons tous ce qui se passe dans ce dossier ; Nous le maîtrisons bien. Nous savons tous qu’en ce qui concerne M. Ajavon, le dossier est absolument vide. Les confrères sont mobilisés pour prendre ce dossier lorsqu’il arrivera, et faire le travail comme il se doit. Avant tout, il faut attendre que la recevabilité du dossier soit appréciée, l’article 530 du Code de procédure pénale.

Que dire pour conclure ce débat ?

Je voudrais dire que l’existence de cet appel qui n’est pas révélé, pas notifié, mais qui existe quand même, qui n’est pas fait correctement comme cela se doit, tel que la loi l’a prévu, perturbe sérieusement M. Ajavon. Ca le perturbe dans ses activités parce que maintenir dans un état permanent de catimini et brandir constamment ledit appel, viole les droits de la défense. Si l’appel existe, il faudra le faire remonter au niveau de la Cour d’appel pour que cette dernière statue afin que ceux qui sont mis en cause, car il n’y a pas que M.Ajavon ; il y a 4 autres personnes qui ont été inculpées avec lui ; il faut qu’ils sachent qu’ils ont fini avec.

En tout cas, la défense est en alerte maximale ?

Oui !

Propos transcrits par Marc Gbaguidi(Coll)
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