La filière karité était aussi au cœur des premières sessions du dialogue public-privé tenues la semaine dernière entre l’Etat et les acteurs du monde agricole. Cette filière doit encore faire face à d’importants défis pour révéler tout son potentiel à l’économie nationale.
Le karité n’est pas inscrit parmi les filières prioritaires du Programme d’actions du gouvernement. Mais il reste un produit agricole d’importance, vu le nombre de personnes qu’elle emploie et sa part, de plus en plus importante, dans la balance commerciale du Bénin. Lors des premières sessions du dialogue public-privé tenues la semaine dernière, les acteurs sont d’ailleurs revenus sur la nécessité pour l’Etat d’accompagner cette filière au regard de son potentiel et surtout de sa place dans l’économie rurale. Pour eux, relever les défis revient à faire face aux menaces qui tirent le karité béninois vers le bas. D’abord, les acteurs alertent sur la destruction des parcs à karité. Ce phénomène prend des proportions inquiétantes dans les régions à fort potentiel en ressources de karité, à savoir Borgou-Alibori, Atacora-Donga et Zou-Collines. Les réserves les plus importantes de karité que sont la forêt de Kérémou à Banikoara et celles des trois rivières à Kalalé sont en état de destruction avancée. Il en est de même des forêts de Bassila, de Djougou et l’axe Parakou-N’Dali-Bembèrèkè. On estime que seulement le tiers de ce potentiel en ressources karité reste encore disponible dans ces réserves.
La destruction des parcs à karité, soulignent les acteurs, induit une baisse sensible de la production des noix de karité et du beurre de karité. «Les exportations des amandes de karité vont s’en trouver affectées en raison de la faible disponibilité résultant de la destruction des parcs de karité. Le Bénin pourrait dès lors se retrouver dans une position encore plus marginale sur la liste des producteurs d’amandes et de beurre de karité dans la sous-région ouest-africaine », affirment-ils.
Les recettes annuelles que tire l’Etat de l’exportation des amandes de karité sont estimées aujourd’hui à 1,3 milliard Fcfa. Mais les acteurs redoutent surtout un effondrement de l’économie des communes productrices des noix de karité si rien n’est fait pour préserver les parcs à karité. On estime à plus de 500 000, le nombre de femmes rurales qui vivent directement du karité. Plus de vingt communes dont les populations ont pour activités, la transformation des amandes en beurre et la commercialisation des amandes de karité, sont touchées par la baisse des revenus des acteurs de la filière.
Manque d’eau potable
Si les parcs de collecte sont menacés de destruction, les unités de transformation des amandes de karité en beurre souffrent, quant à elles, d’un manque d’eau potable. Selon les acteurs, la quasi-totalité de ces unités est dépourvue de points d’eau. Or, les techniques améliorées de ramassage, de collecte et de traitement des noix et amandes de karité ainsi que celles de la transformation des amandes de karité en beurre sur lesquelles plus de 50 000 femmes sont formées, sont très exigeantes en disponibilité d’eau potable. Les acteurs demandent au Gouvernement de doter de points d’eau toutes les unités de production de karité qui ont déjà bénéficié d’un complexe karité de la part de l’Etat béninois et d’autres partenaires dans dix communes pilotes des départements du Borgou-Alibori et de l’Atacora-Donga. Ils suggèrent également l’implication des entreprises privées telles que Knar Bénin et Fludor Bénin S.A dans la mise en place des forages moyennant des exonérations fiscales de la part de l’Etat.
La question de l’accès aux crédits revient également dans les difficultés de la filière qualité. Plus spécifiquement, il est question de crédits non adaptés aux besoins des transformateurs et exportateurs de beurre de karité. L’absence de financement adéquat oblige alors aux institutions de microfinance des crédits pour solliciter des crédits à taux onéreux pour répondre à leurs charges d’exploitation. On estime qu’à peine 30% de femmes transformatrices rurales ont accès aux crédits pour financer leurs activités.
Le Bénin est actuellement le quatrième producteur ouest-africain d’amande de karité après le Mali, le Burkina Faso et le Nigéria, avec un volume de production d’environ 30 000 tonnes d’amandes sèches.
Le karité apporte une contribution importante à la création de la richesse dans le pays. En dehors des usages alimentaires, pharmaceutiques dont il fait l’objet, il alimente de nombreuses chaînes de valeur ajoutée. Environ 13 108 tonnes d’amandes de karité sont commercialisés localement et génèrent dans l’économie béninoise une valeur ajoutée totale d’environ 3,4 milliards de francs Cfa. L’apport en devises des exportations d’amandes de karité est estimé à 1,3 Milliards FCfa par an. Ces valeurs ne constituent qu’une partie des valeurs effectivement générées par la filière karité, étant donné qu’une part importante des produits (amandes et beurre) est consommée au plan national.
Gnona AFANGBEDJI