Le Chef de l’Etat devrait actionner le processus de révision de la Constitution cette année. Pour réussir cette réforme politique dont le contenu suscite assez de controverses, Patrice Talon compte visiblement utiliser tous les moyens, y compris le débauchage de députés.
La révision de la Constitution du 11 décembre 1990 reste une équation bien difficile à résoudre. Les propositions faites par l’équipe de la Rupture semblent ne pas rencontrer l’assentiment de toute la classe politique. Enfin, la réduction du nombre de mandats présidentiels n’est pas encore appréciée de tous. Mais Patrice Talon n’entend pas connaître d’échec. Pour lui,la réforme constitutionnelle est inévitable. Il entend bien inscrire son nom dans les annales de l’histoire du Bénin. Et peu importe les solutions envisagées. Sur le terrain, Patrice Talon et ses lieutenants travaillent pour atteindre l’objectif fixé. Il faut en effet noter que le communiqué relayé hier jeudi 09 février 2017 par la presse et signé par quatre députés de la Renaissance du Bénin (Rb) n’est pas anodin. Boniface Yèhouétomè, Adolphe Djiman, Gildas Agonkan et Norbert Ahivohozin ont clairement affirmé leur position en attendant que le bureau politique précise publiquement le choix du parti. « En attendant la clarification du positionnement du parti, nous députés, signataires du présent communiqué, nous nous engageons à soutenir les actions de développement du président de la République, étant entendu qu’en l’état actuel des choses, rien ne saurait justifier une opposition stérile à sa vision en moins d’un an d’exercice du pouvoir », ont-ils écrit dans ledit communiqué. Et de poursuivre : « Il (Patrice Talon, Ndlr) incarne aussi le choix de nombreux militants du parti qui ont désavoué en sa faveur, notre choix politique à l’élection présidentielle de 2016 ». Une audace. Ils ont osé afficher leur position alors que la ligne politique du parti reste encore floue. Seulement,les quatre députés ont une force déterminante au sein de la formation politique. La Rb compte actuellement cinq députés au Parlement. Le député Janvier Yahouédéou et son parti Réveil patriotique avaient noué une alliance électorale avec la Rb pour les législatives de 2015. Nazaire Sado, lui aussi élu sur la liste Rb-Rp, a déjà rompu les amarres avec les Renaissants. Les quatre députés précités ont certes une liberté d’action. Maisbeaucoup analysent aussi leur initiative comme un coup politique de l’équipe de la Rupture dans la perspective de la bataille pour la révision de la Constitution. Patrice Talon qui a juré, au cours de la campagne électorale de 2016, réviser la Constitution, aurait bien négocié leur soutien. L’idée serait non seulement de forcer la main à Léhady Soglo qui ne partage pas toujours la même vision que le Chef de l’Etat, mais aussi deréunir une majorité qualifiée à l’Assemblée nationale pour faire passer le projet encore critiqué. Patrice Talon ne compterait pas seulement sur ces audacieux élus de la Rb. Il devrait également obtenir l’appui de plusieurs députés des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe). Cette alliance politique affiche une certaine frilosité depuis l’accession au pouvoir du chantre du nouveau départ. Alors qu’elles devraient naturellement incarner l’opposition dans l’arène politique nationale, les Fcbe hésitent à assumer leur responsabilité. Les déclarations ayant sanctionné leur Conseil national du 03 décembre dernier ne sont pas aussi virulentes à l’égard de la gouvernance de Talon comme l’espéraient certains observateurs. Dans le rang des députés cauris, il y en a même de très modérés. Certains se sont même mis au service du régime de la Rupture en organisant entre autres des séances de vulgarisation du budget général de l’Etat 2017.La Rupture lorgne sur plusieurs élus appartenant à l’ancienne majorité au pouvoir pour gagner sa bataille. Cependant, Patrice Talon ne devrait en réalité pas se tourmenter pour débaucher certains de ces députés. Car ils trainent des casseroles et sont vulnérables.
La collaboration du Prd…
Si Talon doit négocier l’accord des députés de la Rb et de certains membres des Fcbe pour former une majorité au Parlement, il a presque déjà un appui déterminant : le Parti du renouveau démocratique (Prd). Le Prd n’a pas soutenu la candidature de Patrice Talon lors de la présidentielle de 2016, mais il a rejoint l’équipe de la Rupture au lendemain du vote du 20 mars 2016. Et depuis, la formation politique n’a cessé de crier son appartenance à la coalition des partis proches du Chef de l’Etat. Me Adrien Houngbédji,le président du parti arc-en-ciel l’a encore martelé en janvier dernier à ses militants lors de la cérémonie de présentation des vœux. « Nous ne prononçons pas des discours pour le plaisir de les prononcer. Nous les disons parce que nous avons une vision…Nous avons la chance que celui (Patrice Talon, Ndlr) qui vient d’arriver, dit aussi qu’il veut faire la réforme du système partisan. Est-ce que nous allons lui tourner le dos ? Au contraire, nous allons l’aider à faire ses réformes. Nous allons faire entendre notre voix. Ce n’est pas en allant nous enfermer dans une opposition que nous allons réussir à faire ces réformes». Il n’y a point de doute. Le Prd est un maillon important de l’équipe du Chef de l’Etat. A Talon donc de l’entretenir pour conserver un puissant soutien politique qui reste tout de même imprévisible.
Mike MAHOUNA