De nombreuses études prouvent qu’il ne peut y avoir de réduction de la pauvreté et une croissance économique durable sans un investissement qualitatif dans le secteur de la santé. Pour parvenir à un financement efficace et efficient du système sanitaire au Bénin, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, les acteurs étatiques, les Partenaires Techniques et Financiers et la société civile se sont réunis autour d’un dialogue national pour réfléchir sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. C’était le vendredi 10 février 2017 à Azalaï Hôtel à Cotonou.
Seize ans après les engagements d’Abuja, le Bénin à l’instar de plusieurs pays de l’Afrique peine encore à honorer l’objectif de transfert de 15% de son budget au secteur de la santé. En dépit des nombreux efforts consentis par les gouvernements successifs permettant au pays de revendiquer 88,3% de couverture sanitaire, ce taux de transfert oscille entre 7 et 8%. Le plus pic est intervenu en 2009, soit de 9,55%. Il s’agit donc pour le Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme et sa représentation au Bénin, le Conseil National de Coordination et d’Orientation (CNCO) d’amener tous les acteurs du secteur public (ministères sectoriels) et autres secteurs à échanger et déterminer de meilleurs mécanismes pour une augmentation du financement national de la santé au Bénin. Une grande messe sanitaire donc qui a rassemblé les représentants du ministère de la santé ; du ministère des finances et du parlement ; les organisations de la société civile ; le secteur privé et les partenaires bilatéraux et multilatéraux.
En souhaitant la bienvenue aux participants, le ministre de la santé, Alassane Séidou, a souligné que la rencontre intervient à un moment où le Bénin et son gouvernement sont résolument engagés dans l’atteinte de l’objectif de développement durable 3 à savoir « Promouvoir la santé pour tous et à tous les âges ». L’atteinte de cet objectif selon lui, nécessite la mobilisation des ressources domestiques. C’est déjà dans cette optique que le ministère de la santé s’est doté entre autres, du document de stratégie nationale de financement et celui du mécanisme de financement innovant. Aussi souhaite-t-il que les travaux du dialogue national, après le forum de plaidoyer à l’endroit de la représentation nationale intervenu en octobre 2016, aboutissent à une feuille de route dont l’exécution permettra d’augmenter de manière substantielle le financement national de la santé au Bénin.
Reconnaissant les efforts du gouvernement du Bénin pour améliorer le système de santé, notamment en matière d’optimisation des ressources disponibles et l’identification de mécanisme de financements innovants, le directeur exécutif du Fonds Mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, Mark Dybul, a appelé à une meilleure implication de tous les secteurs. Ce qui, pour lui, devrait permettre de « réunir tous les moyens humains et financiers nécessaires et élaborer une stratégie solide et durable ».
Investir dans le capital humain
Dans son intervention le chef de file des Partenaires techniques et financiers en santé, Marie Heuts du Bureau diplomatique de l’Ambassade de Belgique, a félicité le Bénin pour l’organisation du dialogue national qui intervient à un moment opportun. « Alors qu’un vent de réformes souffle sur le Bénin, il vient confirmer l’engagement des autorités à faire de la santé des populations et de la protection sociale, une priorité nationale, telle que traduite dans le troisième pilier du Programme d’Action du Gouvernement (PAG), et en particulier sous le projet phare de l’Assurance pour le Renforcement du Capital Humain (ARCH) », a-t-elle déclaré. Pour elle, l’investissement dans le secteur de la santé est une condition, un indicateur et le résultat d’un développement durable qu’il soit économique ou social. Car, affirme-t-elle, « le capital humain constitue l’atout le plus précieux de toute société et une condition préalable au développement industriel, technologique et économique ». C’est pourquoi, s’alignant sur les résultats de la Revue à mi-parcours du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS) finalisé en avril 2016, Marie Heuts a invité le Bénin à relever les défis de sous-financement du secteur, de la lourdeur des procédures et de la répartition non-équitable des ressources par rapport aux différents niveaux du système de santé.
Elle sera rassurée par le ministre d’Etat en charge du Plan et du Développement, Abdoulaye Bio Tchané qui a expliqué que le Programme d’Action du Gouvernement lancé tout récemment a fait des conditions de vie des populations, y compris la santé, l’un des trois piliers sur lequel il repose. Cela est d’autant plus nécessaire, souligne-t-il, que des populations en bonne santé contribuent à renforcer la productivité. Pour lui, si le Bénin a enregistré d’importantes avancées au cours des deux dernières décennies, beaucoup de défis tels que la mortalité infantile et maternelle, l’inégalité de l’accès géographique aux soins de santé, l’absence d’assurance maladie, etc., continuent de plomber ces efforts. Toutefois, rassure-t-il, le gouvernement y apporte déjà une réponse, dont entre autres, l’Assurance pour le Renforcement du Capital Humain (ARCH) qui « au-delà l’assurance santé universelle vise à promouvoir la formation, le crédit et l’assurance crédit ». Alors, l’actuel défi est de trouver les moyens pour mettre en œuvre l’ARCH. Et c’est en cela que les assises du dialogue national devraient proposer des pistes possibles, critiques et pertinentes de réalisation des ambitions du gouvernement en matière de santé.
Communications et panels : de riches débats
Quatre communications ont été présentées aux participants lors de la rencontre. La première portant sur le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) a permis non seulement à chacun d’eux d’avoir une meilleure idée sur les prévisions du gouvernement pour les cinq prochaines années, mais surtout ses ambitions pour le secteur de la santé à travers la stratégie nationale de financement de la santé. Il en ressort que les défis qui se posent au secteur de la santé se trouvent à trois niveaux à savoir, la réorganisation du système de santé ; l’accès universel au système de santé et une meilleure qualité de soins. Pour y remédier, le PAG a prévue plusieurs actions dont la mise en place de l’Agence de gestion des soins de santé primaire ; l’Agence de la médecine hospitalière et l’Agence du contrôle de qualité des soins ; etc. La deuxième communication a porté sur l’ARCH. L’objectif visé selon le communicateur est de parvenir à une couverture sanitaire globale avec une assurance santé universelle efficace et efficiente. Le contenu de la Stratégie nationale de financement de la santé a été exposé aux participants dans la troisième communication tandis que la quatrième s’est penchée sur la situation fiscale actuelle et future et son rapport avec le financement efficace de la santé. De cette dernière présentation, il ressort que de nouvelles taxes seront créées pour servir de leviers au besoin de financement accru de la santé. Entre autres, il y a la taxe d’embarquement (transport aérien), la taxe sur les téléphones portables et la taxe d’assise pour les véhicules.
A la suite des communications, trois panels ont permis aux participants de discuter et d’analyser les différents goulots d’étranglement qui empêchent la mise en place d’un système sanitaire performant pour ensuite proposer les cadres de collaboration bénéfique entre le ministère de la santé, le ministère du plan et du développement, le secteur privé et la société civile en vue de la mobilisation et de la gestion optimale des ressources internes afin de financer efficacement le secteur de la santé au Bénin.
A l’issue des riches échanges et débats, plusieurs engagements ont été pris par le gouvernement et les partenaires techniques et financiers. Il s’agit entre autres de : augmenter les ressources intérieures pour la santé en vue d’atteindre progressivement l’objectif de 15% ; accélérer la mise en place effective de la couverture sanitaire universelle ; assouplir les procédures de consommation des ressources allouées à la santé ; améliorer la coordination de la plateforme de renforcement du système de santé en vue d’une meilleure allocation et d’une meilleure utilisation des ressources ; assurer la transparence du processus budgétaire ; accélérer le développement du partenariat public-privé, notamment en faveur du secteur de la santé ; accroître la lutte contre la corruption et améliorer la gouvernance, l’efficience, la transparence, la redevabilité et la soutenabilité ; aligner la planification physique et financière sur les priorités du gouvernement ; annoncer chaque année, dans la mesure du possible, leurs engagements financiers en appui au PNDS pour les trois à cinq prochaines années ; limiter l’utilisation de procédures parallèles, des outils de planification et de gestion ; appuyer le gouvernement pour une meilleure répartition des ressources entre les niveaux de la pyramide sanitaire conformément aux recommandations de l’OMS ; etc.
Dans l’optique de traduire ces engagements dans la réalité, une feuille de route sera, selon la déclaration finale lue à la fin des travaux, validée dans les prochains jours.
Décoration du directeur exécutif du Fonds Mondial
La gratitude de l’Etat béninois à Mark Dybul et à son institution
En marge des travaux du dialogue national sur le financement de la santé, le directeur exécutif du Fonds Mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a été décoré par l’Etat béninois en le recevant au grade de Commandeur de l’Ordre nationale du Bénin. Il s’agit, selon le ministre de la santé, Alassane Séidou, qui représentait le gouvernement à cette cérémonie, de la reconnaissance de l’Etat, d’une part, des qualités professionnelles, du dévouement et de la détermination de l’homme dans l’accomplissement de ses fonctions. D’autre part, c’est aussi le symbole de la gratitude du Bénin au Fonds Mondial pour son importante contribution à l’amélioration du bien-être des populations béninoises.
Mark Dybul est le Directeur exécutif du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme depuis janvier 2013.
Depuis plus de 25 ans, il travaille dans les domaines du VIH et de la santé publique, comme clinicien, scientifique, enseignant et administrateur.
Après avoir obtenu son diplôme à la faculté de médecine de Georgetown à Washington D.C., Mark Dybul a rejoint l’Institut national américain des allergies et des maladies infectieuses, où il a mené des études fondamentales et cliniques sur la virologie, l’immunologie et l’optimisation du traitement du VIH. Il a conduit notamment le premier essai contrôlé randomisé d’un traitement par association antirétroviraux en Afrique. Mark Dybul, est l’un des architectes du Plan d’Urgence du Président des Etats-Unis pour la lutte contre le sida, mieux connu sous son appellation PEPFAR. Après y avoir occupé les fonctions de directeur médical, sous-directeur, directeur adjoint et directeur par intérim, il a pris la tête de l’organisme en 2006 en devenant coordonnateur mondial de la lutte contre le sida pour les États-Unis ayant rang d’ambassadeur au niveau d’un sous-secrétaire d’État. Il a occupé ce poste jusqu’au début de 2009.
Mark Dybul est Professeur à la faculté de médecine de l’Université de Georgetown. Il a rédigé de nombreux articles scientifiques et politiques et s’est vu décerner plusieurs diplômes et distinctions honorifiques.