Les temps sont durs. Cette impression est partagée par l’immense majorité des Béninois qui ont du mal à comprendre pourquoi la galère, consécutive à l’accession à la magistrature suprême de Patrice Talon, perdure. 10 mois après cet événement, des milliers de ménages qui avaient déjà des difficultés pour satisfaire à leurs besoins, ont vu leurs conditions de vie se détériorer davantage. Fonctionnaires, opérateurs économiques, salariés du secteur privé ou encore les personnes exerçant les professions libérales ressentent durement dans leurs poches les effets de cette récession économique brutale et inattendue. Patrice Talon, au cours de la compétition électorale, a effectivement prôné la rupture comme condition sine qua non pour un nouveau départ. Cette rupture frappe de plein fouet les populations dans leur ensemble, qui sous l’effet de la résignation, subissent ce « ciel » qui leur est tombé sur la tête.
Le chef de l’Etat a promis que son mandat serait celui des réformes, des sacrifices et des privations. De la parole à l’acte, il n’y a qu’un pas. Comme un médecin qui a pour référence le bilan de santé du malade pour certifier son diagnostic et proposer le traitement y afférent, Patrice Talon a, dans un premier temps, tout remis à plat, pour mieux apprécier la situation. Ce fut la saison controversée des suspensions et des retraits d’actes administratifs à n’en plus finir. Cap fut ensuite mis non sans peine sur la conception du Programme d’action du gouvernement qui n’a été rendu public qu’en décembre dernier. Le « Bénin révélé » qui a fait rêver plus d’uns nécessite d’immenses sacrifices, si tant est que les promoteurs qui sont aussi les exécutants de cet ambitieux programme sont animés par le souci de le mettre en œuvre.
Le volontarisme du gouvernement ne faisant l’ombre d’aucun doute, il va sans dire que les Béninois devront trimer pour gagner leur vie. En réponse aux plaintes des populations, les décideurs n’ont pas trouvé mieux que la création de nouvelles taxes et le renforcement de celles existantes pour renflouer les caisses de l’Etat. Les régies financières sont également surveillées comme du lait sur le feu et les auteurs présumés des failles observées dans le dispositif de mobilisation des recettes sont systématiquement sanctionnées. Cette armada de mesures qui bousculent les anciennes habitudes sont en grande partie à l’origine de la galère ambiante. A cela, la menace de disparition qui plane sur la filière de la vente des véhicules d’occasion, qui emploie des dizaines de milliers de Béninois. Le comble, c’est que la dette intérieure à l’actif du régime précédent n’est pas encore apurée.
Les populations font grise mine parce qu’elles ont du mal à comprendre que l’argent se fasse aussi rare. On peut supposer que le gouvernement, à qui on prête des ambitions saines, agit de bonne foi. Il vaut mieux, en dépit des ventres affamés, des loyers à la hausse, des factures qui s’entassent, des frais de scolarité difficiles à solder, des soins de santé de plus en plus chers, subir et espérer que tous ces sacrifices participent réellement à relever le niveau économique du pays. Que ceux qui sont pressés de gagner de l’argent frais prennent leur mal en patience et acceptent de « souffrir » au nom de l’intérêt général. Il faut bâtir sur du solide et non chercher à satisfaire les attentes faciles. La postérité en saura gré à la génération actuelle d’avoir créé les conditions idoines pour le décollage économique du pays. Tout cela évidemment, ce sont de bonnes intentions dont on crédite le gouvernement. Si d’aventure, l’intérêt général se trouve bafoué au profit d’intérêts économiques particuliers, les Béninois comprendront avec beaucoup de peine et de regret qu’ils ont effectué la traversée du désert pour rien.
Moïse DOSSOUMOU