Médecin toxicologue, évaluateur des risques sanitaires environnementaux, Mohamed Paul Tossa est le seul spécialiste du domaine au Bénin. Une expertise dont ne bénéficie toutefois pas son pays natal en dépit de sa volonté d’y exercer. Rencontre avec celui qui officie au Service des études médicales d’Electricité de France (exEdf), premier producteur et fournisseur d'électricité en France et dans le monde. …
C’est presqu’une tradition pour lui de rendre visite à ses anciens collègues de la clinique ‘’Le Bon samaritain’’ sise au quartier Kouhounou de Cotonou. A chacune de ses descentes au pays, Mohamed Paul Tossa ne manque pas de fouler le parterre de la clinique où il a servi un temps avant d’aller dans l’Hexagone faire une spécialité. Ici, c’est une fierté pour tous de voir celui qui fait office de médecin toxicologue, évaluateur des risques sanitaires environnementaux au Service des études médicales d’Electricité de France (exEdf), grande entreprise cotée en bourse employant plus de 67 000 agents. « L’homme n’a pas changé », avance une infirmière qui vient à l’instant de lui serrer chaleureusement la main. La même candeur et cette sympathie à l’égard de tous. Pur produit du Bénin, se réclame ce quadragénaire qui a fait sa thèse d'exercice de médecine générale à la Faculté des Sciences de la santé (FSS) de Cotonou, en 2001.
« J’ai travaillé dans cette clinique pendant des années. C’est comme ma maison. Tout mon cursus a été fait au Bénin à la FSS », confie-t-il, avec un sourire enchanteur. Costume impec, regard alerte, front dégarni et barbe à ras, Mohamed Paul Tossa avoue tirer une certaine fierté de son parcours. « Sur le plan professionnel j’ai atteint des niveaux dont je peux être fier », se réjouit-il sans manquer de relever les sacrifices consentis.
« A mon arrivée en France en 2002, il y avait pas mal de médecins béninois et africains mais je n’étais pas obsédé par l’argent. Pendant que ces derniers gagnaient beaucoup d’argent et réalisaient dans leur pays d’origine, moi j’ai pris le temps d’étudier car à mon avis seule la finalité compte. Aujourd’hui je crois avoir eu raison puisqu’ils n’ont pas pu faire des équivalences pour valoriser les diplômes qu’ils avaient à leur arrivée », soutient-il.
Avec pour seul soutien ses parents restés au pays, le jeune médecin est confronté aux dures réalités de l’exil. Sa détermination et sa persévérance seront tant soit peu ébranlées par un divorce qui ne l’a toutefois pas désorienté. Le mental haut il s’accroche et soutient sept ans plus tard sa thèse d’université (PhD) en Epidémiologie et Santé publique, option Santé environnement à l’Université Henri Poincaré Nancy 1 après avoir quatre ans plus tôt fait un Master 2 de recherche en Epidémiologie et Santé publique ; option environnement santé à l’Université Descartes Paris V, sans oublier un Certificat de recherche clinique et épidémiologique.
Un profil singulier
Le rêve prenait ainsi corps et l’homme semble désormais prêt pour s’imposer sur le marché de l’emploi. En mai 2011, seul Noir sur quinze candidats à se présenter pour le poste de médecin toxicologue, évaluateur des risques sanitaires environnementaux au Service des études médicales (Sem) d’Edf, il obtient les faveurs des jurys. « J’ai été retenu sur la base de mes travaux de recherche et de mon parcours », éclaire-t-il. Au sein de cette grande entreprise française, il offre son expertise en toxicologie et est chargé d’activité de veille, de recherche et de publication, d’encadrement d’étudiants et d’animation de groupe de travail. Cumulativement à ces fonctions, il est depuis janvier 2013 médecin toxicologue à temps partiel au centre antipoison et de toxicovigilance de Paris (Hôpital Fernand Vidal). Il s’occupe de l’évaluation du risque sanitaire pour les intoxications aigus et/ou chroniques aux divers xénobiotiques (risques chimique, physique, biologique et microbiologique). Ces risques peuvent concerner les médicaments, les stupéfiants, les aliments, l’environnement….
Membre du groupe d’experts « Valeurs toxicologiques de référence » de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), il présente aujourd’hui un profil qu’il entend bien mettre au profit de son pays d’origine, le Bénin où ces domaines d’intervention sont malheureusement inexplorés. Pourtant les risques sont énormes et les populations chaque jour subissent les contrecoups. « Nous avons au pays de bons praticiens mais en termes de recherche s’agissant de l’évaluation des risques sanitaires environnementaux nous sommes bien limités », indique-t-il pour en appeler à la conscience des pouvoirs publics.
Face aux questions de risques sanitaires environnementaux quelque peu occultées, l’ancien chercheur en épidémiologie à l’Institut national de la Santé et de la Recherche médicale (Inserm) n’a qu’un défi : répondre à l’appel de la patrie en donnant à son pays natal tous les atouts dont il a besoin pour prendre en compte efficacement ces préoccupations aussi sensibles que celles de l’évaluation et de la prévention des risques professionnels et environnementaux. « Je vois tout ce que je peux apporter pour le développement sanitaire de ce pays », lance-t-il dans un soupir qui en dit long sur l’ampleur de la tâche.
Un engagement qui n’est point étranger à sa décision de créer le Mouvement pour la patrie et la transparence (Mpt) à la veille de la présidentielle de mars 2016. Creuset politique au sein duquel de jeunes Béninois échangent sur des sujets socio-économiques et politiques et à travers lequel il compte participer au développement de la cité.
Déjà sa volonté de servir son pays semble se concrétiser avec l’obtention d’un visa d’enseignant à la Faculté de médecine de l’Université de Parakou. Même si sa marge d’intervention y semble réduite avec seulement quelques heures de cours, ce père de deux enfants garde l’espoir de contribuer positivement au progrès de son pays d’ici peu. Avec ce crédo qui lui tient assez à cœur : «Il faut libérer le potentiel jeune ».
Kokouvi EKLOU A/R Atacora-Donga