Les opérateurs de téléphonie mobile ne respectent pas le cahier de charges qui les lie au gouvernement. C’est le constat fait par l’autorité de tutelle. Dans une interview que la ministre de l’économie numérique a accordée à Le Matinal, Rafiatou Monrou a fait part de ses mécontentements et des dispositions que son département prendra pour rectifier le tir.
Océan Fm/Le Matinal : Que reprochez-vous aux opérateurs Gsm ?
Rafiatou Monrou : aujourd’hui, nous avons un problème réel de qualité de service. Vous savez, en télécommunications, nous avons des indicateurs qui montrent la qualité des services que nous sollicitons. Alors, aujourd’hui, lorsque vous prenez le taux d’échec des appels sur les différents réseaux, il y en a dans plusieurs localités qui sont au-delà des limites prévues. C’est-à-dire les taux d’échec sont supérieurs à 2%. Ce qui est excessif aujourd’hui et inacceptable. Il y a également l’indicateur qui nous permet de mesurer la stabilité de la couverture. Lorsque vous parlez et que vous vous déplacez, il ne faut pas que la communication coupe. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas, et nous sommes interpellés. Il y a beaucoup de zones blanches aujourd’hui alors que, lorsqu’un opérateur arrive dans un pays, il doit couvrir la totalité du territoire par défaut. Lorsque pour une raison ou pour une autre, il n’arrive pas à le faire, l’Arcep fait les vérifications, constate et met les pénalités adéquates. Ensuite, l’Agence de service universelle récupère les pénalités et va couvrir les zones blanches. Aujourd’hui, pendant trop longtemps, on a laissé les populations sans téléphone dans certaines zones. Voilà à peu près ce qu’on leur reproche. Ce n’est pas en février 2017 qu’on a commencé par leur reprocher ça. Dès ma prise de service, je les ais réunis et je leur ai dit que la qualité n’est pas convenable. Nous sommes des spécialistes et entre nous, on s’est parlé parce que, lorsqu’il y a échec, il y a plusieurs raisons. Mais, la raison fondamentale, ce sont les ressources réseaux qu’on doit mettre suffisamment à la disposition pour que le nombre simultané d’appels qu’on effectue soit en adéquation avec le pack d’abonnés.Qui sont dans votre ligne de mire ? Vous visez quel réseau ou bien tous les réseaux sont dans l’irrégularité ?
Presque tous les réseaux sont dans la situation. Il y a effectivement des réseaux sur lesquels, c’est plus prononcé que d’autres. Mais, je ne vais pas faire de la stigmatisation.
Ça veut dire que le gouvernement donne raison aux populations qui ont toujours lancé des cris de détresse ?
Oui, absolument ! On sait, mais si on n’avait pas commencé par sévir, c’est parce que lorsqu’on a pris service, on a posé les problèmes. On a parlé sérieusement. Mais ils ont dit qu’ils n’arrivaient plus à investir, parce que la pression fiscale au Benin était élevée. Nous avons rendu compte au Chef de l’état. Il nous a demandé ce qu’il faut. Nous avons discuté avec les opérateurs économiques. Ils ont tous dit que ce n’est pas possible qu’ils payent 23% de leurs chiffres d’affaires comme taxe au Bénin. C’est trop élevé. « Il faut absolument qu’on puisse nous baisser les taxes sur différents segments pour nous permettre d’investir », avaient-ils dit. Donc, le Chef de l’Etat a dit qu’il n’y a aucun problème. Il a mis la barre très haut en matière de qualité de communication. Il a dit que rien ne peut nous arrêter. « Si ce sont les taxes qu’il faut diminuer, il faut le faire », nous a-t-il instruits. Nous avons reçu son autorisation et c’est lui-même qui a conduit les travaux au sein du Conseil du numérique. Nous avons ensemble débattu de la question. On a estimé qu’il faille les écouter avant de leur infliger les pénalités. Ce qui s’est enfin concrétisé dans la loi de finances 2017. Donc, à partir du 1er janvier 2017, ils ont commencé par payer 10% plus 3% pour le service universel et 2% pour le frais de développement du numérique. Donc, on est passé de 23 à 10% plus les 05 autres taxes restantes, Au bas mot, ils ont eu quand même une réduction de près de 10% de différence. Il faut quand même que ça se répercute dans les tarifs.
Dans un court délai, qu’est-ce que le gouvernement entend faire ?
A partir de cette semaine déjà, on a dépassé tous les délais. Il faut qu’on ait une amélioration de la qualité de service. A cet effet, on a mis sur pied un comité. Les opérateurs sont d’accord avec nous. Tous les jours, toutes les semaines, nous recevons les résultats de tests depuis plusieurs mois. Le problème c’est qu’il y a contradiction. Il y a les opérateurs qui disent souvent qu’ils ont de bonnes valeurs dans ces localités, alors que l’Arcep nous envoie d’autres valeurs. Nous avons retenu un comité tripartite (operateurs, Arcep, ministère) pour faire les tests de manière qu’il n’y ait plus de contestations entre les valeurs trouvées. Les opérateurs savent ce qui les attend si la valeur n’est pas bonne. Car, nous devons donner de la bonne qualité de communication à nos populations. On est là pour ça.
Vous demandez une réduction des coûts de tarifs au Bénin. Dans un délai d’une semaine. Est-ce qu’on peut paramétrer à nouveau tout le système pour atteindre les objectifs du gouvernement ?
Le délai d’une semaine, c’est par rapport à toutes les qualités que nous avons aujourd’hui sur les différents segments pour améliorer la qualité. Par rapport aux tarifs, ça va se répercuter à 02 niveaux. Déjà, dans les offres, les offres illimitées et sur les tarifs de la voix classique. Ça sera progressif et continu. Ce n’est pas qu’ils vont descendre aujourd’hui les tarifs. Je donne un exemple. Ce n’est pas qu’ils vont passer de 60% à 50% et puis ils s’arrêtent là. Non ! On baisse et on continue de baisser au fil du temps. On investit pour avoir plus de ressources réseaux. C’est une combinaison qui doit permettre à nos populations d’avoir des services de bonne qualité et à coût abordable.
Quand on prend les appels par voix, aujourd’hui on sait très bien que la rentabilité pour les Gsm, c’est sur le plan de l’internet. A ce niveau, les populations parlent toujours d’escroquerie. Est-ce que le combat que vous menez actuellement concerne également le système internet ?
Pour ce qui concerne l’internet aujourd’hui, les coûts pratiqués sont trop élevés. Et j’ai signifié aux différents opérateurs qu’il est nécessaire de baisser ces coûts. Maintenant, en termes d’ambitions pour notre pays, ce que nous voulons, c’est la généralisation du haut débit, la vulgarisation de l’internet dans le pays. Nous avons notre partition à jouer, car nous avons 02 câbles sous-marins dans le pays. Donc, nous avons une redondance assurée pour que plus jamais le Bénin ne soit isolé du reste du monde quand il y a coupure d’un câble sous marin. Ça, c’est réglé. Maintenant, il est totalement nécessaire qu’on puisse sortir les capacités internationales pour arranger les points de présence là où se trouvent les populations pour leur permettre d’utiliser le haut débit. Ils nous manquent des infrastructures. Le gouvernement s’est engagé par plusieurs projets à réaliser suffisamment d’infrastructures pour qu’on puisse déporter les capacités et emporter l’internet partout. L’ambition, c’est que chaque maison soit connectée tout simplement au Bénin.
En cas de non-respect, jusqu’où le gouvernement ira vis-à-vis de ces réseaux Gsm parce qu’on note une résistance ?
Non, il n’y aura pas de résistance parce que le Chef de l’Etat lui-même a été clair. Dans aucun pays, on ne passe de 23% à 10% ou à 15% quelque soit là où on se trouve. Donc, l’Etat béninois, par l’entremise du président de la République, a joué sa partition et a montré sa bonne foi. Il n’y a plus de résistance à faire. Ça, ce n’est pas négociable. Il faut que les prix baissent et la qualité s’améliore tout simplement.
A quand l’atteinte de cet objectif ?
Dès cette semaine, les offres seront plus alléchantes, plus innovantes. Le pouvoir d’achat est faible pour qu’on puisse avoir des liaisons, furent elles illimitées, à 30.000f le mois. Ce n’est pas possible ! Donc il faut qu’on baisse. L’internet que le commun des mortels utilise, il faut qu’on ouvre les vannes pour que les populations soient satisfaites.
Au niveau de certains réseaux Gsm, ce n’est pas la même chose. Par exemple Libercom propose des forfaits en termes de durée, mais les autres réseaux proposent des forfaits en termes de volume. Et là, le citoyen ne sait vraiment pas comment tout ceci est décompté. Est-ce que vous orientez vos actions dans ce sens là ?
Bien sur ! On va accompagner ça, communiquer dans ce sens pour que la population comprenne à quoi rime une proposition par volume ou en termes de durée.
En termes clairs, va-t-on constater une baisse des coûts ?
Ça, c’est clair !
Madame le ministre ! Ceux d’en face sont des félins. D’autres les appellent « escrocs ». Quel est le mécanisme mis en place pour les surveiller ?
Ce ne sont pas des escrocs. Ce sont des partenaires. Il y a plusieurs acteurs dans notre secteur, et ils le comprennent. Ce n’est pas seulement leur faute. Maintenant ils ont compris que les négociations ne sont pas possibles. Nous sommes arrivés à cette étape, parce qu’à un certain moment, dans le secteur, il y a eu des choses qui n’ont pas bien fonctionné. Dans le secteur des technologies, il faut susciter la compétition. A un certain moment au Bénin, ça ne les intéresse pas de compétir, d’innover, d’investir. Donc ce n’est pas de leur faute. Ce ne sont pas des escrocs, mais ce sont des partenaires qui nous ont compris et qui vont agir dans les prochains jours. On va y veiller.
Dites-nous les sanctions à infliger ?
Aujourd’hui, rien n’est impossible. Le gouvernement a joué sa partition. Il faut absolument que les opérateurs jouent la leur parce que lorsqu’on n’a pas de ressources réseaux, on ne vend pas les cartes Sim. A l’année dernière, on a interdit à certains réseaux de vendre des cartes Sim. Si on n’a pas de ressources pour traiter les appels, on ne peut pas continuer à recruter des abonnés. Donc, la fermeture des réseaux aussi n’est pas exclue. Rien n’est à exclure. C’est la bonne qualité ou rien. Ce n’est pas négociable. Il y a des pénalités qui sont prévues par la loi et c’est automatique. Et puis, les offres, avant leur officialisation, elles doivent être visées par l’Arcep. Quand ils font les packages, ils doivent consulter l’Arcep qui donne son feu vert d’abord. Je vous remercie.
Merci Madame.
Propos recueillis par Rachida Houssou
Transcription : Mohamed Amoussa (Stag)