En 1990 alors qu’un grand vent de mutation politique soufflait sur le monde entier, le Bénin a fait un pas singulier peut-on dire qui a séduit beaucoup de personnes sur le continent. Il s’agit de l’organisation des assises nationales connues sous le vocable de «Conférence nationale», ou «Conférence des Forces vives de la nation». C’était du 19 au 28 février 1990. Il y a donc précisément 27 ans.
Hier 19 février, il y a exactement 27 ans qu’ont démarré les travaux de la Conférence nationale des Forces vives de la nation. Ces assises ont été l’un des moments forts de la vie politique de notre pays et lui ont ouvert la voie du régime démocratique.
En pleine crise socioéconomique en 1989, le Bénin, petit pays du golfe de Guinée, a eu l’intelligence de réunir ses fils et filles, toutes obédiences, classe sociale et politique confondues à une grand-messe politique aux fins de trouver solutions aux problèmes du pays, notamment la crise sociale politique, économique et financière à laquelle le Bénin révolutionnaire était confronté. Cette rencontre inédite, le pays la doit à la clairvoyance du «Grand camarade de lutte», le général Mathieu Kérékou, au pouvoir à l’époque et certains de ses collaborateurs.
Originale, jamais l’expression « Conférence nationale » n’avait jusque-là été utilisée en tout cas, pour désigner pareille réunion.
A quoi aboutira cette invention béninoise ? Interrogation capitale dont les échos étaient allés au-delà des frontières. Pendant les travaux, nos compatriotes étaient dans l’anxiété, tout le continent retenait son souffle.
Vendredi 19 février, s’ouvre la grand’messe pour dix jours. Dans la grande salle de conférence du Plm Alédjo, 493 délégués dont 15 femmes y prennent part. Les débats, parfois houleux, sont relatifs à plusieurs questions importantes dont, entre autres, la souveraineté des assises. Sur le sujet, le président Mathieu Kérékou a simplement renvoyé l’auditoire à son discours d’ouverture pour confirmer que la mission assignée aux assises consistait à élaborer une nouvelle Constitution. « C’est à vous qu’il revient de mettre en place la commission qui sera chargée de faire ce travail d’élaboration d’une nouvelle Constitution, puisqu’il y a dans vos rangs des cadres et des juristes compétents pour accomplir cette tâche », a t- il confié.
Les travaux ont également enregistré des moments de dénonciations « des tares du régime marxiste-léniniste » par certains participants. Certains délégués, ont même souhaité « la liquidation de l’ancienne politique à travers les hommes, les structures et l’idéologie qui la portent». Pour d’autres, il faut « faire rendre gorge à tous ceux qui se sont enrichis illicitement sous le régime marxiste ».
S’il y a entre autres faits importants qui marquent les esprits de bon nombre de participants, c’est bien la présence inopinée à ces assises du chef de l’Etat, le président Mathieu Kérékou pour répondre à certaines préoccupations de l’assistance. « La Conférence nationale doit déboucher sur des résultats concrets à la mesure des légitimes attentes de notre peuple », prévoyait déjà le président, dans un long discours rassurant. Le ton ferme, le Général insiste que tant que la nouvelle Constitution ne sera pas mise en place et les élections organisées, la Loi fondamentale reste en vigueur et les institutions de l’Etat demeurent. Mathieu Kérékou a marqué davantage les esprits par la boutade « Si certaines sensibilités veulent faire l’apprentissage du pouvoir, en attendant les élections, je suis prêt à envisager un remaniement, mais ne demandez pas la démission en bloc de l’actuel gouvernement ». Des propos accueillis dans la salle par un timide applaudissement.
Au terme des dix jours des travaux, d’importantes recommandations ont été prises dont, entre autres, la fin du parti unique et le choix d’un régime démocratique. L’autre fait marquant aura été le choix porté sur Nicéphore Soglo, jeune cadre du pays, exerçant à la Banque mondiale, pour assurer la transition d’une durée d’un an pour aboutir à un régime démocratique. Nicephore Soglo dit « Hercule » a su diriger le pays avec comme Parlement de transition, le Haut conseil de la République (Hcr) qui avait à sa tête, un prélat : Monseigneur Isidore de Souza.
C’est le début de l’ère démocratique que vit aujourd’hui le Bénin. Une expérience tant enviée et même copiée ailleurs mais jamais réussie comme ce qui est sortie du laboratoire béninois. C’est bien cela le génie béninois.
Sabin LOUMEDJINON