Comme tous les autres organes, les reins jouent un rôle important dans le corps humain. Lorsqu’ils cessent de fonctionner, il en résulte une accumulation de déchets dans l'organisme. Dans le cadre de la célébration de la journée mondiale du rein le 10 mars prochain, nous faisons une incursion dans l’univers des maladies rénales, à travers une série d’articles pour mieux les connaitre et mieux les prévenir. Dans la première partie de cet entretien avec le docteur Christian Hounsounou, néphrologue au Centre national hospitalier et universitaire (Cnhu) Hkm de Cotonou, nous aborderons la maladie rénale, ses causes et manifestations.
La Nation : Dr Hounsounou, quelle est la fonction des reins dans l'organisme humain?
Dr Christian Hounsounou : Les reins sont de petits organes en forme de haricots situés à l’arrière du péritoine. Malgré leur taille réduite (12x6x3 cm), ils jouent un rôle fondamental dans la physiologie du corps humain. Les reins assurent de façon globale, trois fonctions principales dont la plus connue est la fonction d’épuration (celle qui permet de filtrer le sang et de débarrasser l’organisme des déchets du métabolisme, des toxines, des excédents de sel et d’eau). Mais il existe également deux autres fonctions qui sont le maintien de l’équilibre acido-basique ; et la fonction endocrine qui permet la sécrétion d’hormones notamment l’érythropoïétine pour la production de globules rouges, la vitamine D pour l’absorption du calcium et la rénine qui intervient dans la régulation de la tension artérielle.
Qu’est-ce qu’une maladie rénale ?
Nous pouvons appeler maladie rénale, toutes les pathologies qui se traduisent par une modification morphologique ou fonctionnelle associée ou non à une insuffisance rénale. La présence d’une insuffisance rénale n’est donc pas indispensable pour parler de maladie rénale. Lorsque vous avez par exemple du sang ou des protéines dans les urines, on peut également parler de maladie rénale.
Quels sont les facteurs qui peuvent altérer le bon fonctionnement des reins?
Ces facteurs sont nombreux. En réalité, les urines sont ce que l’on appelle un ultrafiltrat du sang. C’est-à-dire que le sang reçu au niveau rénal est filtré en continu pour être débarrassé de toutes les substances toxiques que nous consommons quotidiennement. Chaque jour, environ 180 litres de sang sont filtrés par nos reins pour produire 1,5-2 litre d’urine. Le bon fonctionnement rénal peut ainsi être affecté par toutes les situations qui modifient ou perturbent le débit sanguin rénal. Il s’agit par exemple des situations d’hémorragies ou de déshydratation ou encore de certains médicaments comme les anti-inflammatoires (que les gens consomment pourtant beaucoup chez nous). Il y a également toutes les maladies qui retentissent sur les reins comme le diabète et l’hypertension ; les maladies infectieuses (bactériennes, virales ou parasitaires) ; et enfin la consommation de substances toxiques.
La consommation abusive ou non contrôlée des médicaments (automédication) ainsi que des tisanes serait également la cause d’une maladie rénale. Qu'en est-il en réalité?
Beaucoup de personnes abusent de traitements divers et variés et pratiquent l’automédication de façon récurrente. Il existe des tisanes pour traiter tout et n’importe quoi. Certains vendeurs d’illusions abusent de la crédulité des populations et diffusent des idées erronées qui concourent à un important retard de diagnostic. Malheureusement, ces pratiques sont très profondément ancrées dans nos cultures et dans nos modes de vie. Les interdire seulement ne suffit pas et n’a d’ailleurs jusqu’ici jamais porté ses fruits. Il faut plutôt choisir l’option de la sensibilisation et de la coopération scientifique. Dans la mesure où plus de 90% des médicaments ingérés sont éliminés par les reins, nous devrions nous entourer d’un minimum de sécurité pour protéger les populations. Ainsi, tout produit ou tisane à usage pharmacologique, doit avoir une forme galénique (comprimés, gélules, pommade, etc…), une posologie, un dosage et des contre-indications clairement identifiés.
Comment savoir que ses reins ne fonctionnent plus correctement ?
Dans un grand nombre de situations, la maladie rénale est souvent silencieuse. Très peu de signes sont évocateurs du dysfonctionnement rénal. On peut ainsi perdre jusqu’à 70% de son capital néphronique fonctionnel sans aucun symptôme ou presque. Cependant, certains signes peuvent vous alerter. On peut citer, la présence de sang dans les urines, la survenue d’œdèmes au visage ou aux pieds, les urines mousseuses, ou encore les mictions nocturnes trop fréquentes (uriner plus de 3 fois la nuit).
Est-ce à dire qu’il y a des personnes qui sont plus à risque que d’autres de développer des maladies rénales ?
Tout à fait. Les signes que nous avons évoqués précédemment ne sont que des signes d’appel et ne sont pas forcément synonymes de dysfonctionnement rénal. Par exemple dans le diabète, vous pouvez aussi uriner fréquemment sans que ça ne soit de cause rénale. Mais comme vous l’avez dit, certains sont plus à risque notamment les personnes diabétiques ou hypertendues.
La conduite à tenir lorsqu'on constate ces signes?
Ces signes doivent vous faire penser qu’il y a problème et vous décider à consulter un spécialiste ou même un médecin généraliste qui vous orientera en fonction des examens préliminaires qu’il aura réalisé.
Retenons qu’il est important de consulter votre médecin surtout dans les cas suivants : vous êtes hypertendu(e) ou avez des antécédents familiaux d’hypertension; vous êtes diabétique ou avez des antécédents familiaux de diabète ; vous avez-vous-même une maladie rénale connue (calculs, insuffisance rénale, polykystose…) ou vos parents (ascendants ou collatéraux) en souffrent; vous présentez des facteurs de risques cardio-vasculaires (obésité, sédentarité, tabac, alcool) ; ou encore si vous consommez en abondance de nombreux médicaments et autres produits toxiques.
Comment peut-on prévenir les maladies du rein?
D’une façon générale, il faut maintenir une hygiène de vie correcte, éviter l’automédication abusive et limiter au maximum la consommation de sel, de tabac et d’alcool. Il faut lutter contre l’obésité, la sédentarité et maintenir une activité physique régulière. Sauf avis contraire de votre médecin, buvez et hydratez-vous convenablement tout au long de la journée.
Les personnes à risque tels que les diabétiques et les hypertendus de même que les patients porteurs de pathologies urologiques (lithiases rénales, hypertrophie prostatique) ou développant des infections urinaires de manière trop fréquente, doivent quant à elles bénéficier d’un dépistage plus rigoureux et d’un suivi strict pour éviter la survenue et/ou l’aggravation d’une insuffisance rénale?
Reine AZIFAN