Ce sera donc Joseph Gnonlonfoun ! Pour remplacer le vieux renard, le roi a pioché dans le nid de ses complices. Le nouveau médiateur succède à son mentor dans l’un des fauteuils les plus controversés de l’ère Yayi. L’affaire semble avoir été vite conclue sous les vivats de la cour royale et la bénédiction du sortant pour le couronnement de l’entrant. Le Grand maître a horreur du vide même si ce vide est parfois plus utile que le délayage et le superflu. On sent déjà ce parfum de blanc bonnet et de bonnet blanc. Silence, le roi joue sa console de médiation.
La médiation de la République vient de prendre un nouveau coup. Yayi en a décidé ainsi avec la nomination scandaleuse de l’ancien président de la Commission électorale nationale autonome (Cena) à la tête de l’institution. Le costume de médiateur ne sied pas au complice du K.O à polémique. Au minable théâtre de la refondation, Yayi passe à une dangereuse comédie. L’option Gnonlonfoun est non seulement le vecteur de transposition de la polémique mais aussi et surtout un indice d’aveu du roi. Après Arifari Bako appelé au banquet, le chef de la Cena du K.O obtient sa récompense. Gnonlonfoun est éligible à la foire des vainqueurs pour service rendu à sa Majesté. Le cadeau offert par le roi fait néanmoins tomber les masques.
Les qualités intellectuelles et l’expérience du tout nouveau Médiateur du pays en refondation ne sont pas mises en cause, mais le passé récent de l’ancien garde des sceaux le disqualifie d’emblée pour ce poste de médiateur. Son séjour à la Cena a négativement modelé son image et l’a jeté dans la houle de la polémique. Au fond du trou de la défiance, il aura à se battre pour arracher une hypothétique confiance des acteurs sociaux et politiques. Sauf miracle, la médiation Gnonlonfoun est vouée à l’échec. Le carnet de bord du précieux poulain de Yayi est incompatible avec le job.
La politisation du poste de Médiateur de la République annihile les effets de ce qui devrait être un instrument de la paix et de la stabilité. Traînant sa carapace politicienne, Tévoédjrè ne pouvait que faire fiasco dans sa mission de faciliter le dialogue social, d’assurer la protection du citoyen vis-à-vis de l’administration et d’aider à la prévention et à la résolution des conflits sociaux. On n’a rien à espérer de son successeur, lui aussi, sorti de l’écurie politique. Gnonlonfoun, affidé impénitent du yayisme étouffe moralement sous cet handicap. En privilégiant le profil politique dans la désignation du Médiateur de la République, Yayi languit dans l’amalgame.
L’obsession de contrôler toutes les institutions de la République provoque l’aveuglément sur le trône. La mainmise sur la médiation de la République est la manifestation la plus grossière de cette volonté néfaste qui agite ces soi-disant réformateurs coincés dans l’utopie. C’est à visage découvert que sa Majesté mine désormais la paix et bouche l’horizon. Puisque le pilier institutionnel du dialogue national est pris en otage par le pouvoir cauri, il est à craindre que la voie de l’impasse ainsi tracée connaisse une animation particulièrement inquiétante.
Désormais sur un nouveau piédestal grâce à l’ascenseur de la gratitude politique, Joseph Gnonlonfoun va tenter de reprendre des couleurs. Le retour aux affaires sur un palier prestigieux peut dilater l’euphorie de l’ancien chef de la Cena. Mais l’enthousiasme mécanique est condamné à céder à la fièvre de l’illusion. Le complice du K.O s’est déjà taillé la posture pour mieux sortir bredouille de sa nouvelle chasse. Il se fera naturellement brûler par les patates chaudes du royaume. Gnonlonfoun se lance en potentiel naufragé de l’ère Yayi. A moins de surgir avec la magie d’une improbable métamorphose. Mais comment la mue va-t-elle s’opérer ? Comment un bourreau peut-il se comporter pour paraître bienfaiteur aux yeux des victimes ? Vêtu de peau d’agneau, le loup ne peut s’empêcher de glapir et de s’abandonner par reflexe à ses basses œuvres surtout qu’il est au service du féroce lion de la grande forêt de la refondation.
La nomination de Gnonlonfoun lève un nouveau coin de voile sur la vocation inavouée de Boni Yayi 1er. La paix est le cadet des soucis du roi plutôt enclin à la satisfaction de désirs primitifs de conservation du pouvoir. Le machin aux mains de l’échantillon cauri est inapte à promouvoir le dialogue social et à trouver la thérapie à la crise politique. On est encore loin de la remise en route escomptée. Décidément, la folle course vers l’impasse se fait à une vitesse infernale.
Finalement, dans le cercle des apprentis sorciers du K.O, seul Robert Dossou, l’ex patron de la Cour Constitutionnelle, aura été débarqué puis abandonné sur les immondices. L’ancien chef de la Lépi et son allié et complice de la Céna ont en revanche les faveurs du roi pour poursuivre l’aventure chargée d’incertitude.