En tant que contemporain de cet évènement et bien imprégné des tenants et aboutissants de la Conférence nationale, je souhaite que le peuple béninois n’oublie jamais les périodes de répressions douloureuses et mortelles du président Mathieu Kérékou, où toutes les familles étaient endeuillées, soit par l’exil, soit par la prison ou par la mort de l’un de leurs fils. C’était dramatique. J’ai fait la prison pendant 5 ans. Pour un Oui ou un Non, on t’arrête. Donc, les questions fondamentales qui s’étaient posées avant la Conférence, ce sont la liberté et le pain. Et Mathieu Kérékou est spécialiste de ces grands rassemblements qui, à des moments donnés de l’histoire de son pouvoir, sont ce que les communistes appellent un marché de dupe.
Dans les années 73, de grands rassemblements ont accouché de l’appel à une nouvelle politique d’indépendance nationale. En 1979, il y a eu la conférence des cadres, où tous ceux que la Révolution estimait, pouvant faire la subversion ont été conviés.
La Conférence nationale des forces vives, le grand regroupement de toute l’intelligentsia depuis les indépendances. Il s’agissait de regrouper tout le monde pour que chacun y dise ce qu’il veut. Mais ce regroupement a péché par le fait que ceux qui ont combattu son régime et qui l’ont affaibli, n’étaient pas conviés. C’est le Parti communiste du Bénin.
La conférence nationale de février 1990 est organisée dans un contexte un peu particulier. Il faut dire qu’elle est intervenue après le 11 décembre 1989 qui est une date historique, car elle a été la pionnière de toutes les luttes. Une révolution menée par plus de 300.000 personnes mobilisées dans les rues dans les principales villes béninoises et surtout Cotonou autour des idéaux de la Convention du peuple. Les principales revendications étaient la liberté, et le minimum social (travailler et se nourrir). Ces revendications ont constitué le terreau sur lequel la Conférence nationale des forces vives de la Nation de février 1990 a construit sa légitimité. Le droit de marcher, le droit d’aller et de venir, la liberté de se constituer en syndicat, la liberté d’expression….Ces acquis démocratiques exigés par le peuple ont été consignés dans la Constitution de décembre 1990. Il faut préciser que Monseigneur Isidore de Souza a joué un rôle capital dans le succès des assises de la Conférence nationale. Mais depuis 1990 à nos jours, tous les gouvernements qui se sont succédé ont essayé de saper, de violer et de piétiner ces acquis démocratiques. Nous constatons aujourd’hui que nous sommes au bout de la piste. Il nous faut un changement radical de cap, il nous faut une rupture vraie.
Propos recueillis par Gérard GANSOU