Suivant décision Dcc 17-039 du 23 février 2017, la Cour constitutionnelle a déclaré contraire à la Constitution la loi n°2016-24 portant partenariat public-privé votée par l’Assemblée nationale le 11 octobre 2016. Sans solliciter la sanctification de la Cour constitutionnelle comme l’exigent les dispositions de l’article 117 de la Constitution du 11 décembre 1990, le président de la République a promulgué ladite loi le 24 octobre 2016.
Par requête en date du 21 novembre 2016, Nestor Noudoho a déféré à la censure de la Haute Juridiction la promulgation faite par le Chef de l’Etat. Suite aux mesures d’instruction et après analyse des faits de la cause, la Cour a déclaré contraire à la Constitution ladite promulgation au motif que le président de la République a méconnu les articles 117, 121 et 124 de la Constitution et que la loi en cause ne peut recevoir en l’état application. En d’autres termes, la promulgation faite par le Chef de l’Etat est nulle et de nul effet et est censée n’avoir jamais été faite.
Cette décision rappelle les débuts de la période du Renouveau Démocratique où les anciens présidents de la République essuyaient de regrettables revers pour défaut de contrôle préalable obligatoire des lois votées avant leur promulgation. On croyait que ce rituel a valeur de réflexe républicain ancré dans les mœurs politiques, et surtout dans les habitudes du secrétariat général du gouvernement, quand la décision du 23 février 2017 nous révéla subitement une perte des valeurs et une descente aux enfers de plus de deux décennies.
La décision Dcc 17-039 rappelle la Dcc 16-143 du 15 septembre 2016 où en réponse à une requête en date du 26 juillet 2016 enregistrée à son secrétariat le 27 juillet 2016 sous le numéro 005-C/090/REC, par laquelle Monsieur le président de la République, sur le fondement des articles 117 et 121 de la Constitution, a sollicité de la haute juridiction, pour contrôle de constitutionnalité, la loi n°2016-12 portant travail d’intérêt général en République du Bénin votée par l’Assemblée nationale le 16 juin 2016.
En réponse aux mesures d’instruction de la cour, Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement (Sgg) indique que la loi n°2016-12 du 16 juin 2016 a été réceptionnée à la présidence de la République le jeudi 30 juin 2016.
Dans son raisonnement, la Cour a invoqué dans sa décision, les dispositions des articles 57, 121 alinéa 1 de la Constitution et 20 alinéas 2 et 6 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle qui disposent respectivement que "Le président de la République a l’initiative des lois concurremment avec les membres de l’Assemblée nationale. Il assure la promulgation des lois dans les quinze jours qui suivent la transmission qui lui en est faite par le président de l’Assemblée nationale. Ce délai est réduit à cinq jours en cas d’urgence déclarée par l’Assemblée nationale. Il peut, avant l’expiration de ces délais, demander à l’Assemblée nationale une seconde délibération de la loi ou de certains de ses articles.
Cette seconde délibération ne peut être refusée. Si l’Assemblée nationale est en fin de session, cette seconde délibération a lieu d’office lors de la session ordinaire suivante. Le vote pour cette seconde délibération est acquis à la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale. Si après ce dernier vote, le président de la République refuse de promulguer la loi, la Cour constitutionnelle, saisie par le président de l’Assemblée nationale, déclare la loi exécutoire si elle est conforme à la Constitution. La même procédure de mise à exécution est suivie lorsque à l’expiration du délai de promulgation de quinze jours prévu à l’alinéa 2 du présent article, il n’y a ni promulgation, ni demande de seconde lecture"
Sur le fondement de cette disposition, la Cour a jugé que la loi soumise à son contrôle a été votée par l’Assemblée nationale le 16 juin 2016, transmise au secrétariat du président de la République le 19 juin 2016, elle y a été enregistrée le 30 juin 2016. Or le président de la République a saisi la Cour le 27 juillet 2016. Entre le 30 juin 2016 et le 27 juillet 2016, il s’est écoulé plus de quinze (15) jours alors que le président de la République n’a sollicité une seconde délibération de la loi, ni procédé à sa promulgation dans le délai de 15 jours suivant la transmission qui lui en a été faite par l’Assemblée nationale conformément à l’article 57 susvisé de la Constitution.
Elle en déduit que " le président de la République a méconnu les dispositions dudit article. En conséquence, il ne peut plus promulguer la loi portant travail d’intérêt général en République du Bénin".
Une question de droit : est-ce que la loi portant partenariat public-privé peut-elle être encore promulguée par le chef de l’état ? Est-on encore dans le délai pour solliciter un contrôle de conformité de cette loi ? A mon humble avis, je crois que la loi portant partenariat public-privé subira le même destin que la loi portant travail d’intérêt général. Elle sera déclarée exécutoire par la cour constitutionnelle si elle est conforme à la Constitution.
Le plus grave est qu’on ignore le nombre de lois promulguées par le chef de l’Etat sans contrôle de conformité à la Constitution. La pratique de promulgation des lois sans contrôle de conformité est une véritable insécurité juridique.
Pire, certaines lois votées ont été retournées mais promulguées sans attendre l’intégration des observations de la Cour constitutionnelle. On cite par exemple la loi portant organisation judiciaire modifiée et la loi portant code de procédure civile, commerciale, sociale, administrative et des comptes.
La DCC 17-039 apparaît beaucoup plus comme la réaction à un mépris vis à vis des décisions de la Haute Juridiction qu’à une simple censure.
Isac A. YAÏ