DECLARATION DE SOCIAL WATCH BENIN SUR LES PROPOSITIONS DE LOI SOUMISES PAR LE GOUVERNEMENT A L’ASSEMBLEE NATIONALE DU BENIN
Les inquiétudes de la société civile sur les acquis démocratique et la bonne gouvernance
« Nous rêvons d’une société où les citoyens participent effectivement à la gestion des affaires publiques »
Du 27 février au 1er mars 2017, les députés du Bénin se sont retrouvés en atelier parlementaire pour passer en revue plusieurs propositions de lois portant sur des questions de libertés démocratiques et de bonne gouvernance. Il s’agit notamment des douze (12) propositions de loi ci-après :
– Proposition de loi relative à l’activité d’affacturage en république du Bénin
– Proposition de loi modifiant et complétant la loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en république du Bénin ;
– Proposition de loi modifiant et complétant la loi n°2013-01 du 14 août 2013 portant code foncier et domanial en république du Bénin ;
– Proposition de loi portant code numérique en république du Bénin ;
– Proposition de loi fixant les conditions et la procédure d’embauche, de placement de la main d’œuvre et de résiliation de contrat de travail en république du Bénin :
– Proposition de loi relative au crédit-bail en république du Bénin ;
– Proposition de loi portant régime général d’emploi des collaborateurs extérieurs de l’Etat en république du Bénin ;
– Proposition de loi portant identification des personnes physiques en république du Bénin ;
– Proposition de loi relative au renseignement en république du Bénin ;
– Proposition de loi fixant le régime des zones économiques spéciales en république du Bénin ;
– Proposition de loi portant organisation du secret de la défense nationale ;
– Proposition de loi portant loi d’orientation relative à la promotion et au développement des micro petites et moyennes entreprises (MPME) au Bénin
Ce conclave des parlementaires, qui a eu lieu à Dassa-zoumè (environ 200km au Nord de Cotonou) intervient dans un contexte où plusieurs organisations activistes et de droits de l’homm e dénoncent de plus en plus ouvertement des dérives démocratiques et une tendance du pouvoir à la remise en cause de certains acquis démocratiques, notamment ceux touchant aux libertés syndicales et aux libertés d’expression et d’association.
Les dernières analyses de Transparency internationale et de Amnesty international concernant le Bénin en sont une illustration.
La mission de Social Watch Bénin est de contribuer au développement à travers le contrôle citoyen de l’action publique et la promotion d’un environnement favorable à la transparence et à la bonne gouvernance. Se fondant sur cette mission, les Organisations de la société civile réunies au sein du réseau Social Watch se demandent si ces propositions de lois, qui apparemment seront examinées en procédures d’urgence, ne cachent pas des dispositions de remises en causes de certains acquis démocratiques (obtenus de hautes luttes).
De même, des inquiétudes existent en ce qui concerne la gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques. C’est le cas des propositions de lois modifiant et complétant certains textes de lois existants, en particulier celles concernant la passation des marchés publics et le code foncier domanial.
Social Watch Bénin félicite le gouvernement pour sa volonté, noble et légitime, de se doter de mécanismes et de moyens suffisants pour la mise en œuvre de son action (Programme d’Actions du Gouvernement -PAG). L’initiation d’une proposition ou d’un projet de loi a le mérite de permettre un débat démocratique sur des faits de société dans le souci de parvenir à un minimum de repères juridiques permettant d’éviter les dérives et les abus (aussi bien de la part de l’Etat que de la part des citoyens). Il est évident que plusieurs matières de droit nécessitent encore une législation appropriées pour consolider les acquis démocratiques et améliorer la gouvernance et la gestion des affaires publiques. C’est le cas par exemple de l’identification des personnes physiques, de l’affacturage, des « micro petites et moyennes entreprises (MPME)
Au regard des intitulés, on peut en effet reconnaître la pertinence de certaines propositions. Toutefois, elles peuvent cacher des dispositions qui pourraient remettre en cause des acquis démocratiques ou augmenter les risques de mal gouvernance, de conflit d’intérêts et de corruption dans la gestion des affaires publiques ou simplement restreindre les libertés.
On peut aussi comprendre le souci de célérité et d’efficacité dans l’action pour la construction d’un « Bénin Révélé » au bout de cinq ans. Mais il convient de s’assurer que chaque pas posé est bien posé et qu’il s’agit bel et bien d’un pas en avant et non un pas en arrière.
Aussi ambitieux que serait l’immeuble qu’on désire s’offrir, il faut s’assurer d’une bonne fondation et des balises nécessaires pour éviter un écroulement futur. Cette sortie de Social Watch répond donc à une nécessité de veille et de vigilance citoyennes.
Mesdames et Messieurs,
Social Watch Bénin salue les efforts d’amélioration de la gestion et de renforcement de la transparence de la commande publique au Bénin, notamment avec :
– L’adoption de la loi n° 2016-24 portant cadre juridique du partenariat public-privé en République du Bénin ;
– La prise et l’adoption en Conseil des Ministres du 7 décembre 2016 de trois projets de décret pour l’application efficace de la loi n° 2016-24 portant cadre juridique du partenariat public-privé en République du Bénin.
La dernière initiative importante du gouvernement pour l’amélioration de la commande publique est la transmission aux Députés pour analyse, vote et adoption de la proposition de loi modifiant et complétant la loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en République du Bénin.
Il importe de s’intéresser aux motivations du gouvernement et d’analyser le contenu des modifications proposées afin de s’assurer que le besoin de célérité et d’efficacité de l’action publique va de pair avec la nécessité de renforcer les règles de transparence et de bonne gouvernance.
Mesdames et Messieurs,
Tout en félicitant le Gouvernement pour certaines améliorations salutaires à intégrer au prochain code révisé des marchés publics, Social Watch Bénin se réserve le droit d’attirer l’attention des honorables députés sur :
– La nécessité de veiller à la conformité des nouvelles dispositions avec les directives de l’UEMOA sur la transparence des marchés publics ;
A cet effet, il faut poursuivre le renforcement du Code des Marchés Publics, en :
– Adopter une loi spécifique aux marchés de la défense et sécurité publique ;
– Prenant en en considération la Directive n° 01/2009/CM/UEMOA qui impose aux Gouvernements des Etats membres, la publication de tout contrat avec les entreprises exploitant des concessions de service public.
– En préservant les avancées déjà obtenus dans la loi n°2009-02 du 07 août 2009 portant code des marchés publics et des délégations de service public en république du Bénin ;
En gros Social Watch Bénin recommande aux députés de veiller à ce que aucune dispositions liberticides ou remettant en cause les avancées déjà obtenues en matière de liberté et de gouvernance, ne figure dans les nouvelles lois à adopter.
Il est particulièrement important pour les parlementaires de rester vigilants par rapport aux propositions de lois concernant :
– L’identification des personnes physiques en République du Bénin ;
– Le renseignement en République du Bénin ;
– L’Organisation du secret de la défense nationale ;
– Le foncier en République du Bénin.
Concernant la proposition de loi portant identification des personnes physiques en République du Bénin, Social Watch Bénin insiste sur la nécessité de capitaliser les expériences et avancées obtenues dans le cas de CPS LEPI et de COS LEPI.
Concernant la proposition de loi relative au renseignement en République du Bénin, il est particulièrement important de veiller à ce que les dispositions ne viennent pas violer ou restreindre les libertés démocratiques, chèrement acquises.
Par rapport à la proposition de loi modifiant et complétant le code foncier et domanial dont l’adoption avait fait l’objet de processus participatif impliquant les organisations de la société civile, il importe de veiller à ce que les nouvelles dispositions n’ouvrent pas la porte à l’accaparement des terres agricoles par les multinationales au détriment des paysans et producteurs locaux.
Mesdames et Messieurs,
Voilà les raisons de notre sortie de ce jour.
Je vous remercie
Fait à Cotonou, le 04 mars 2017
SOCIAL WATCH BENIN