La gestion du Président Patrice Talon contraste avec celle de ses prédécesseurs. Le système de gouvernance mis en place par l’homme d’affaires devenu chef de l’Etat, réduit de jours en jours le pouvoir de ses Ministres. Les Ministres de la rupture ne sont plus omnipotents comme leurs prédécesseurs. Toute chose qui a amené un observateur de la vie politique nationale à se demander si Patrice Talon n’est pas en train de réhabiliter la fonction première du ministre. C’est à dire servir le peuple et non se servir ?
Au début de la formation de son gouvernement en avril 2016, Patrice Talon laissait une grande latitude à ses vingt et un ministres, qui l’apprécient comme très disponible. « Leurs compétences nous permettent de passer directement par eux, sans avoir à solliciter le président. On gagne du temps », a même confié un diplomate occidental qui a requis l’anonymat. Mais après quelques semaines de gouvernance, les donnés ont changé. Plusieurs agences gèrent directement les portefeuilles des ministères.
Dans le Programme d’actions du Gouvernement (PAG 2016-2021), des agences et autres structures sectorielles sont créées et placées directement sous la supervision de la présidence. C’est le cas du Bureau d’Analyse et d’Investigation (BAI) de la Présidence de la République qui assure la coordination de la supervision des opérations placées sous la conduite des agences. Au niveau des ministères sectoriels, plusieurs autres structures ont été créées dans ce sens.
Le Conseil du Numérique (CN) qui prépare et supervise la stratégie pour l’ensemble de l’économie numérique et l’Unité d’Exécution du Conseil du Numérique (UECN) qui coordonne la mise en œuvre multisectorielle des grandes initiatives et supervise les projets stratégiques ont été mis en place au niveau du ministère de l’économie numérique et de la communication.
Au ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, des Pôles de développement agricole (PDA) sont gérés par une Agence territoriale de développement agricole.
Concernant le ministère du cadre de vie et du développement, l’Agence du Cadre de Vie pour le Développement du Territoire est placée sous la Présidence de la République.
Cette agence est créée en remplacement de l’Agence des Grands Projets Urbains dont le champ de compétence était plus restrictif. Cette nouvelle Agence sera dédiée à la conception, au montage et à la réalisation de projets phares et structurants, pour l’amélioration durable du cadre de vie des populations.
Au ministère du tourisme et de la culture, il a été créé une Agence de promotion des patrimoines et du développement du tourisme afin de permettre la valorisation et l’exploitation économique de tout le potentiel du Bénin dans ses secteurs.
Au ministère des enseignements, le Conseil National de l’Education (CNE) a été créé pour garantir une meilleure synergie entre les trois ordres de l’éducation. Il a été aussi mis en place un Système d’Information pour la Gestion de l’Education (SIGE) et de la carte scolaire.
Il est prévu la création d’une Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir (CIIS) au niveau du ministère de l’enseignement supérieur. La CIIS en partenariat avec les entreprises, les industries et les structures d’enseignement supérieur et de la recherche est le projet phare de l’enseignement supérieur.
Au ministère de la santé, plusieurs programmes sont sous supervision de la Présidence de la République. C’est le cas du Conseil National de Lutte contre le VIH/Sida, les Infections Sexuellement Transmissibles (IST), la tuberculose et les épidémies.
Pour le ministère de l’énergie, de l’eau et des mines, le gouvernement a créé l’Agence Nationale d’approvisionnement en eau potable en milieu rural, placée sous la tutelle de la Présidence de la République. Sa mission est d’initier, de programmer, de faire réaliser et de suivre les travaux d’infrastructures d’approvisionnement en eau potable en milieu rural. Elle est désormais la structure unique chargée de la mise en œuvre de la politique, des stratégies de l’Etat et des projets d’infrastructures en matière d’approvisionnement en eau potable en milieu rural.
Il convient de rappeler qu’à la Presidence de la République, il y est créé également une cellule d’analyse des projets d’arrêtés ministériels et préfectoraux.
Selon des observateurs, sa finalité serait implicitement de dépouiller les titulaires des fonctions de préfet et de ministre, de tout pouvoir de décider sans autorisation de ladite cellule.
« Les préfets ont une tutelle, et les soumettre eux et leur Ministre de tutelle, à une seconde tutelle sur la validité des arrêtés préfectoraux serait contre productif. Un double degré de contrôle qui rend les ministres non pas décideurs de droit, mais désormais de "simples initiateurs" dont la décision régalienne devrait dépendre de la "volonté" d’une cellule administrative », a critiqué le juriste Nourou Dine Saka Saley. « On ne peut pas soumettre l’acte administratif de principe d’un Ministre (arrêté), à la décision d’une cellule administrative de rang institutionnel inférieur », a dénoncé l’ex-conseiller technique du ministre d’Etat chargé du plan et du développement, avant d’être révoqué de son poste.
Par ailleurs, sous ce régime de la Rupture et du Nouveau départ, les membres du gouvernement sont privés de plusieurs primes et autres avantages. En moins d’un an de gouvernance, beaucoup de citoyens se sont rendu compte qu’il était plus intéressant d’être ministre de Mathieu Kérékou, Nicéphore Soglo ou Boni Yayi que d’être nommé dans le gouvernement de Patrice Talon.
Paul Tonon