Les faits qui ont été examinés par la cour pour le compte de la 35ème affaire de la cour d’assises sont relatifs aux crimes d’incendie volontaire, de vol à mains armées et de coups et blessures volontaires. Des infractions qui sont prévus et punis par les articles 434, 381, 309, 311 et suivants du Code Pénal.
La cour de céans présidée par Hubert Arsène Dadjo assisté des assesseurs Edouard Ignace Gangny et de Célestin Jean-Mathieu Zanouvi et des jurés Mamoudou Dafia ; Emile N’Dah N’Yaba ; Poulo Adamou Sambo et Chabi Léopold Boukoh, après deux jours d’instruction à la barre, les réquisitions du ministère public représenté par l’avocat général Emmanuel Opita et les plaidoiries de la défense assurée par les avocats Louis Fidégnon, Emile Dossou-Tanon et Césaire Sanvi,a déclaré tous les accusés coupables des crimes d’incendie volontaire et de coups et blessures volontaires. Des infractions prévues et punies par les dispositions des articles 434 et 309 du Code Pénal et a condamné les accusés Issiaka Lawabilou ; Issifou Aliou ; Tairoubi Abou ; Souley Mama Yacoubou; Goumbiao Mohamed ; Odjo Foudou ; Mama Mamoudou ; Kassira Adamou ; Abdourahim Moumouni dit Walakansi ; Agbéyi Mama Mohamed ; Odjo Fousséni et Agba Soumanou à 05 ans de travaux forcés dont 03 ans assortis de sursis tandis que les accusés Alassane Kpimbi Harissou et Alassane Kpimbi Sabikou eux, écopent d’une condamnation de 02 ans de travaux forcés assortis de sursis.
Il est à signaler qu’il a été procédé par la cour, à la disjonction des cas des accusés décédés et non retrouvés du cas des 14 accusés présents à la barre pour une bonne administration de la justice.
Résumé des faits
Les faits de la cause, se sont passés à Sèmèrè, commune de Ouaké dans le département de la Donga, où il existe une association de développement dénommée Association de Développement Economique et Socio-Culturel de Sèmèrè (ADESS) qui a été longtemps dirigée par le nommé Zoumarou Wallis Mamoudou dont le parti politique regroupait la plupart des natifs de la localité.
En 1997, cette association s’est scindée en deux tendances : l’une supportée par le sieur Zoumarou Wallis Mamoudou et l’autre par feu Alassani Zakari. Cette mésentente a atteint son paroxysme, avec le décès courant Février 1999 d’Alassani Zakari, à quelques jours de la tenue du 9ème congrès de l’association.
Les partisans du défunt ont soupçonné l’autre camp de l’avoir tué étant donné que leurs adversaires sont membres d’un autre parti politique. C’est dans ce climat de tension que le 13 mars 1999, sous prétexte qu’il a épié une réunion, les partisans de feu Alassani Zakari auraient frappé Séïbou Ogodo Mama.
Informé de cette situation, le nommé Ogodo Idrissou, un partisan du sieur Zoumarou Wallis Mamoudou aurait interpellé son cousin Djoka Yaya (partisan de Alassani Zakari) sur le mauvais traitement que ses coéquipiers auraient infligé à leur neveu SéïbouOgodo Mama. Il en a résulté pour les deux cousins une dispute qui aurait dégénéré en un affrontement.
Au cours des échauffourées, les partisans de feu Alassani Zakari dont les nommés Moumouni Awali ; Issiaka Lawabilou ; Alassane Kpimbi Harissou ; IssifouAliou ; Tairoubi Abou ; Souley Mama Yacoubou, Alassane Arouna ; Goumbiao Mohamed ; Odjo Foudou ; Séïdou Boukari ; Mama Salifou dit Kotoba ; Mama Mamoudou ; Kassira Adamou ; Abdourahim Moumouni dit Walakansi ; Moussa Massouhoudou ; Alassane Kpembi Sakibou ; Yolou Koounga Alassane ; Bawa Amzat ; Agbéyi Mama Mohamed ; Odjo Fousséni ; Kohoundo Zakari et Agba Soumanou auraient été identifiés comme les personnes qui auraient saccagé, emporté certains biens, et incendié d’autres appartenants à Zoumarou Wallis Mamoudou et consorts et ils auraient blessé d’autres personnes à coups de gourdins, d’armes à feu, de lance-pierre et autres dont ils se seraient munis.
Arrêtés et inculpés d’incendie volontaire, de vol à mains armées et de coups et blessures volontaires Goumbiao Mohamed, Issifou Aliou et Souley Mama Yacoubou ont reconnu les faits à l’enquête préliminaire et les ont niés devant le magistrat instructeur.
Les inculpés Alassane Kpimbi Harissou, Taïrou Abou, Alassane Arouna et Issiaka Lawabilou les ont contestés à toutes les étapes de la procédure. Enfin, le reste concerne certains inculpés qui n’ont pas été interrogés lors de l’information. Des mandats d’arrêt sont décernés contre eux et notifiés au dernier connu de chacun d’entre eux.
Les débats
Au cours de l’instruction à la barre, les accusés Issiaka Lawabilou ; Alassane Kpimbi Harissou ; Issifou Aliou ; Tairoubi Abou ; Souley Mama Yacoubou; Goumbiao Mohamed ; Odjo Foudou ; Mama Mamoudou ; Kassira Adamou ; Abdourahim Moumouni dit Walakansi ; Alassane Kpembi Sakibou ; Agbéyi Mama Mohamed ; Odjo Fousséni et Agba Soumanou n’ont pas reconnus les faits mis à leur charge. Chacun d’eux, a donné sa version des faits de la cause.
Emmanuel Opita représentant le ministère public a, dans ses réquisitions, fait observer que la politique qui est l’art de la gestion de la cité ne saurait s’accommoder avec la barbarie et la violence gratuite. C’est pourquoi, il a estimé que des individus ne peuvent pas se permettre d’organiser des razzias pour terroriser tout sur leur passage. Après un bref rappel des faits de la cause, il a démontré la constitution des infractions d’incendie volontaire, de vols à mains armées et de coups et blessures volontaires au regard de la réunion des différents constitutifs desdites infractions relativement aux faits. Il a rappelé qu’il est constant au dossier qu’il y a eu des maisons incendiées, des biens saccagés, des personnes blessées, le port d’armes et surtout la reconnaissance de certains accusés présents sur les lieux au moment des faits par des témoins. Tout en reconnaissant que les accusés sont accessibles à la sanction pénale, l’avocat général Emmanuel Opita a requis que la cour de céans déclare les accusés coupables des infractions d’incendie volontaire, de vols à mains armées et de coups et blessures volontaires et de les condamner chacun à 10 ans de travaux forcés. Ce faisant, la cour aurait facilité la réconciliation souhaitée par les populations de Sèmèrè, parce qu’il ne saurait avoir réconciliation sans vérité et justice.
La défense constituée de Me Sanvi Césaire, Me Louis Fidégnon et Me Emile Dossou-Tanon a fait une plaidoirie en trois étapes. Pour Me Césaire Sanvi tout en plaidant les faits, a fait remarquer que la défense a une vision qui contraste avec celle du ministère public, Me Louis Fidégnon a, quant à lui, plaidé la procédure du dossier et il est revenu à Me Emile Dossou-Tanon de plaider les infractions et leur imputabilité aux accusés présents à la barre. La défense a déploré le fait que les partisans du camp de Wallis Zoumarou n’ont pas été déférés à la barre parce que pour elle, quand il y a affrontement, c’est entre deux parties. La disproportion des armes utilisées a été relevée.
Pour Me Louis Fidégnon, la procédure du dossier n’honore pas la justice béninoise, parce qu’il ne comprend pas comment se fait-il que les partisans de Zoumarou Wallis n‘ont pas été poursuivis. Il conclut qu’il s’agit d’une procédure incohérente et biaisée.
Pour Me Emile Dossou-Tanon, la cause est grave car, il s’agit d’une perte de temps parce que les vrais coupables ne sont pas venus à la barre, et a dénoncé le fait que l‘instruction ait été à charge. Il a relevé que par rapport aux faits, il ne peut être retenu l’infraction de vol à mains armées contre les accusés, car il n’est pas indiqué de baser l’instruction sur des suppositions, il n’a jamais eu de vol à mains armées, donc cette infraction ne peut pas être retenue contre les accusés pour défaut d’éléments d’appréciation. Pour la défense, il est clair que dans ce dossier, la position politique et financière et économique de Wallis Zoumarou Mamoudou a parlé, ce qui a biaisé la procédure à des niveaux donnés. Ce qui n’a d’ailleurs pas permis d’inculper certains de ses partisans. C’est au bénéfice de ses observations que la défense, a plaidé au principal, l’acquittement pur et simple et au subsidiaire la relaxe au bénéfice du doute à cause du doute épais dans le dossier, a relevé Me Emile Dossou-Tanon.
Marx CODJO (Br/Borgou-Alibori)