J’ai suivi avec calme et sérénité les commentaires les plus divers sur la proposition de loi sur le recueil de renseignements en République du Bénin. Il s’agit d’un secteur où l’arbitraire est la chose la mieux partagée d’un régime à l’autre y compris l’actuel. Pourtant, il n’y a pas d’accoutumance à préserver le non droit dans une République qui a choisi la démocratie depuis la Conférence nationale de février 1990, comme forme de gouvernement. Lorsqu’on évoque le terme de "Petit Palais ", les opposants au régime révolutionnaire de 1972 à 1990 frémissent de souvenirs douloureux. Le peuple vivait dans la hantise de la surveillance à tout moment par les agents de renseignement du régime. Je comprends donc les réactions de certains de mes concitoyens qui se replongent dans un passé récent dont les mauvais souvenirs sont encore vivaces. Mais, même après le régime révolutionnaire et jusqu’à ce jour, les renseignements sont une réalité constante de la vie nationale. Les écoutes téléphoniques sont une réalité dont beaucoup se plaignent sans avoir les moyens d’en avoir la preuve. C’est donc un domaine délicat universellement reconnu et présent dans tous les Pays du monde. Le secret et l’opacité qui l’entourent sont sources d’inquiétudes pour Tout le monde y compris moi-même. C’est donc le désir légitime de mes concitoyens à comprendre, ne se serait-ce qu’en partie, ce secteur et trouver les moyens de l’encadrer juridiquement qui m’anime et qui explique cette initiative de proposition de loi.
C’est donc avec responsabilité que j’accueille les inquiétudes de mes compatriotes même si par moment certains font preuve d’un alarmisme sans analyse approfondie. C’est justement le fait de maintenir le statut quo actuel qui est liberticide. Aujourd’hui on écoute qui on veut sans voie de recours. Ma proposition vise à créer un minimum d’encadrement juridique et de possibilités de contrôle parlementaire sur les services de renseignements. C’est une vraie avancée démocratique dans la sauvegarde des libertés individuelles. Je peux comprendre qu’on dise qu’on doit aller plus loin dans le contrôle surtout le contrôle à priori avec La Commission de Contrôle des Techniques de Renseignements tel qu’il existe dans la loi française sur le sujet en date du 24 juillet 2015. Je n’ai pas voulu aller dans ce sens à cause des implications financières du fonctionnement d’une telle instance. Et pour cause, lorsqu’un député fait une proposition de loi ayant une incidence financière, il lui faut trouver les sources de financement. Cela ne peut se faire qu’avec l’accord du gouvernement. Cela n’est pas évident parce que le gouvernement n’a pas intérêt Tout de suite à se faire contrôler sur des questions aussi sensibles. En dehors de la verve alarmiste, j’apprécie la suggestion d’inclure dans la proposition de loi la dimension d’une instance de contrôle et de régulation du secteur des renseignements et je travaillerai à intégrer cette dimension du contrôle à priori.
Sur l’article 11, je pense qu’il faut savoir raison gardée. Les libertés fondamentales sont garanties par la constitution. Aucune loi ordinaire comme celle-ci ne peut remettre en cause ces acquis constitutionnels. Ceux qui s’alarment font souvent preuve de méconnaissance des procédures par lesquelles les lois passent avant leur promulgation. Toute loi qui touche aux libertés doit passer l’épreuve de contrôle de constitutionnalité devant la Cour constitutionnelle. S’il y a une seule disposition qui peut constituer une entrave aux libertés, La loi est retournée à l’assemblée nationale pour mise en conformité avec la constitution. L’article 11 n’est donc pas un blanc-seing donné à un agent qui qu’il soit même le président de la République pour porter atteinte aux libertés. L’article 11 vise tout simplement certains comportements ordinaires qui peuvent relever du délit et non de crime, que peuvent utiliser des agents de renseignement dans le cadre de leurs missions. Exemple : la dissimulation d’identité. Dans son métier, L’agent de renseignement pour réussir peut faire usage de fausse identité et on peut lui établir des pièces d’identité (passeport ou carte d’identité) qui peuvent porter sa photo mais avec un nom différent. S’il venait à être arrêter par la police ou La gendarmerie dont les agents ne sont pas supposés les connaître, ceux-ci peuvent les déférer devant la justice pour être inculpés de faux et usage de faux puni par le code pénal. Mais si c’est avéré qu’il s’agit d’agents de renseignements, ils ne peuvent faire l’objet de condamnation pour ces délits. Pour qu’il en soit ainsi, nous avons proposé que les agents de renseignement soient assermentés. Cela donne une possibilité de vérification. La prestation de serment est aussi un engagement qui peut être invoqué contre un agent en cas d’abus.
Mais pourquoi le Président de la République est l’autorité qui actionne les services de renseignement ? Conformément à notre constitution, c’est le président de la République qui est garant de l’indépendance nationale, de La défense de l’intégrité du territoire national, du respect des traités et accords internationaux. Dans ce cadre, par son vote au suffrage universel à la majorité absolue, le peuple met en conséquence entre les mains du président de la République, l’armée, la police, les prisons, les services de renseignement et les moyens de politique étrangère aux fins relevant de ses missions. L’utilisation de ces instruments de puissance doit être encadrée pour ne pas faire du président de la République une menace pour le peuple qui l’a élu. Il existe des lois qui créent l’armée et la police, des lois sur les statuts particuliers des militaires, paramilitaires et autres. Mais, il n’existe absolument rien dans la législation béninoise qui encadre les services de renseignement qui comportent des agents à la fois en uniforme et des civils. Tous les régimes qui se sont succédés ont préféré garder le statut quo qui leur permet d’agir avec tous les dérapages sans contrôle autre que leur volonté personnelle. Tous les régimes passés ont écouté les citoyens sans distinction en fonction de leurs besoins du moment. Moralité, des citoyens ont pu être écoutés peut-être à cause de leur opinion plus ou moins hostile à un régime en place et donc de manière arbitraire. C’est cela la situation actuelle que la proposition de loi vise à corriger.
Je voudrais donc rassurer mes compatriotes qu’en aucun cas il ne saurait être question de donner les moyens à une autorité publique, fut-il president de la République, de violer allègrement nos droits et libertés garantis par la constitution à laquelle nous sommes tous attachés.
Par ailleurs, une proposition de loi est une offre de débat parlementaire et public pour parvenir à une législation dans un secteur donné. La proposition est à l’étape d’étude dans une Commission technique parlementaire, La Commission des Relations extérieures, de La Défense et de la Sécurité, que j’ai l’honneur de présider, et donc vous comprenez mon intérêt pour le sujet.
Nous sommes à l’étape où toutes les suggestions sont les bienvenues pour finaliser la version à présenter à l’examen de la plénière de l’assemblée nationale le moment venu. Ceux qui n’auront pas réussi à nous faire parvenir leurs suggestions à cette étape pourront le faire en les envoyant à n’importe quel Deputé en qui ils ont confiance pour défendre leurs points de vue en plénière. L’assemblée nationale ne peut légiférer contre le peuple. Et si elle se trompait, La Cour constitutionnelle est là en dernière instance pour trancher sans recours conformément à la Constitution, qui est l’émanation de la volonté du peuple béninois.
Alors halte à l’intoxication des paisibles citoyens aux prises avec les rigueurs de la conjoncture économique et financière du moment !
Halte à la sur-interprétation politiquement orientée pour entretenir la psychose autour d’une proposition de loi, dont l’intention première est de réduire sinon de mettre fin à l’arbitraire dans un secteur d’activité encore opaque pour les citoyens et que les députés, représentants des populations, ne peuvent même pas contrôler jusque-là. Or, lorsque cette loi sera votée, l’assemblée nationale va recevoir au moins deux fois par semestre des rapports du gouvernement sur les activités de renseignement et les députés auront les bases juridiques pour interpeller le gouvernement. C’est une avancée législative majeure et nous devons contribuer tous à en faire un instrument de meilleure Défense de nos droits et libertés.
Enfin, je suis conscient de ma position précaire de Deputé au mandat très limité dans le temps, mais aussi de mon statut de citoyen jusqu’à la de mes jours. On ne sacrifie pas la longue durée devant la conjoncture.
Alors, à vos plumes pour les suggestions d’amélioration !
Honorable Nassirou Bako Arifari, Député à l’Assemblée nationale du Benin.
La redaction