La communauté francophone célèbre le lundi prochain, 20 mars, la journée internationale de la francophonie. En prélude à cet événement, le Secrétaire Général de la Commission Nationale Permanente de la Francophonie, Professeur Adolphe Kpatchavi nous a accordé un entretien dans lequel il est revenu sur cette célébration au Bénin.
L’Evénement Précis : La communauté internationale célèbre le lundi 20 mars, la journée internationale de la Francophonie. Que signifie cette journée, et comment est-elle célébrée au Bénin ?
Professeur Adolphe Kpatchavi : « Les souvenirs sont nos forces, disait Victor Hugo, et quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux ». C’est le sens que je puis donner à cette célébration annuelle que je considère comme devoir de mémoire et comme un renouvellement de nos engagements vis-à-vis de cette grande institution qui fait partie de notre identité.
Le 20 mars 1970 est la date souvenir qui a consacré la signature à Niamey au Niger du traité portant création de l’Agence de Coopération Culturelle et Technique (ACCT), aujourd’hui Organisation Internationale de la Francophonie. C’est à cette occasion que depuis 1988, cette fête a été instituée. Nous sommes des millions à travers le monde à fêter aujourd’hui cet évènement historique sur les cinq continents. Au-delà de son caractère festif, la Journée Internationale de la Francophonie constitue également un moment de bilan.
A l’instar de tous les pays de l’espace francophone, la JIF est célébrée au Bénin depuis quelques années sous forme d’une « Quinzaine de la Francophonie ». Le programme de cette année est composé d’une série de 16 manifestations : activités culturelles, sportives, scientifiques, jeux-concours de promotion de la langue française, séances de vulgarisation des du plan stratégique de la Francophonie 2016 – 2022. Ces manifestations qui ont lieu à Cotonou, à Natitingou, à Klouékanmè, à Porto Novo, à Abomey Calavi, à Parakou, etc. seront clôturées par un forum de réflexion sur Les actions de la Francophonie au Bénin à l’Horizon 2021 : bilan et perspectives.
Quel est le thème retenu pour cette année et comment le Bénin l’intègre-t-il à la commémoration ?
Chaque célébration porte sur un thème. Celui retenu cette année par l’OIF, c’est « « J’aime, je Partage » # mon 20 mars ». Pour rester collé à cet esprit de partage, nous avons placé la célébration 2017 sous le signe de la visibilité ; visibilité des actions phares de la francophonie au Bénin dans les domaines de la formation et de l’éducation, de l’économie numérique, du renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit, de la coopération au service du développement. Ceci nous permettra de nous projeter à l’horizon 2021, d’arrimer les actions de l’OIF avec le Programme d’Action du Gouvernement (PAG).
Je voudrai remercier ici tous les coordonnateurs, porteurs de projets et à toutes les personnes qui ont accepté de nous accompagner dans cet exercice de bilan et de projection. Je voudrais nommer ici le président de l’Association Nationale des Communes du Bénin (ANCB) Monsieur Luc Atrokpo, le directeur du Centre International en Afrique de Formation des Avocats Francophones CIFAF, le Bâtonnier Jacques Migan, le Directeur du Campus Numérique Francophone (CNF) Monsieur Stéfano Amèkoudi, le point focal du projet Ecole et Langues Nationales (ELAN), Monsieur Félix Oloni, le Directeur Général du Festival International du Théâtre du Bénin (FITHEB), Monsieur Hector Hounkpè et le Directeur Général du Centre Culturel Artistic Africa, Monsieur Ousmane Alédji, etc.
Quels sont les nouveaux défis auxquels la Francophonie doit faire face aujourd’hui ?
La Francophonie est une organisation internationale fondée sur le partage d’une langue et des valeurs communes aux locuteurs de cette langue. Ces valeurs sont : la diversité culturelle, la paix, les droits de l’Homme, l’égalité, l’éducation, la solidarité. Ce sont des valeurs qui méritent aujourd’hui d’être appropriées et intégrées à la problématique de la lutte contre la pauvreté. Un des grands défis, c’est la survie-même de l’espace francophone.
L’espace linguistique francophone regroupe 14% de la population mondiale. Nous devons être fiers d’appartenir à cet espace. Mais notre sentiment d’appartenance à cet espace se renforcerait si nous conjuguons nos efforts pour faire face aux grands défis des Objectifs de Développement Durable (ODD).
Au-delà de tout, nous devons travailler aujourd’hui pour traduire en urgence la vision économique de la Francophonie dans le concret, dans le quotidien de nos populations. Autrement dit, l’espace francophone doit être un espace d’échanges, d’attractivité et de convergence de toutes les initiatives qui concourent à la lutte contre la pauvreté.
La dimension économique est déterminante pour la visibilité et la viabilité de l’espace francophone à l’ère de la mondialisation. Les questions économiques sont des sujets sur lesquels les pays francophones doivent se concerter pour se positionner par rapport au reste du monde.
Quelles opportunités la Francophonie offre-t-elle aux pays africains ?
La viabilité de l’espace francophone dépend de l’Afrique. Sur les 274 Millions d’habitants de l’espace francophone, l’Afrique représente 43%. 60% de cette populations francophone africaine est très jeune (moins de 30 ans) et des projections démographiques sont plus prometteuses pour l’Afrique que sur tous les autres continents les trois prochaines décennies.
Ces indicateurs nous montrent que l’avenir de la Francophonie, la survie ou la viabilité de l’espace francophone dépendent de l’Afrique de par cette croissance démographique assez jeune, de par le nombre de locuteurs en augmentation et de par les projections en matière d’opportunités d’affaires, d’échanges et d’investissements.
Quels types de mécanismes mettre aujourd’hui en place pour porter ces atouts, pour exploiter ce potentiel inédit qui sont déterminants pour la viabilité de l’espace francophone ? Le Bénin de par sa stabilité politique et les différentes réformes entreprises actuellement à travers le Programme d’Actions du Gouvernement se positionne très bien par rapport à ces multiples opportunités et pourrait les années à venir jouer un rôle de leadership par rapport aux autres pays de l’espace francophone.
Il faudrait promouvoir dans l’espace francophone, une croissance durable et inclusive, en mettant l’accent sur la création d’emplois par le développement de l’entrepreneuriat, pour les jeunes et les femmes, dans les secteurs à fort potentiel. C’est le sens de la croissance partagée et du développement responsable.
On peut saluer ici les efforts faits par l’OIF dans son agenda programmatique pour l’horizon 2022 et de sa programmation quadriennale 2015-2018. Un axe de ce programme est consacré à la «Promotion de l’emploi par l’entrepreneuriat chez les femmes et les jeunes en Afrique subsaharienne francophone ». C’est le lieu d’exprimer toute la gratitude à l’endroit de l’OIF et de Madame la Secrétaire Générale pour avoir choisi le Bénin parmi les huit pays pilotes de ce programme.
Dans ce sens, un accord – Cadre a été signé pendant le sommet à Antanarivo par le Ministre des Affaires Etrangères de la Coopération avec l’administrateur de l’OIF représentant Madame la Secrétaire Générale. Cet accord permettra la mise en place au Bénin d’un programme qui vise à renforcer l’environnement institutionnel entrepreneurial et à accompagner les jeunes et les femmes porteurs de projets viables, à renforcer et créer des parcs d’incubateurs, à développer des plateformes d’échanges d’expérience et de bonnes pratiques sur l’emploi et l’entrepreneuriat, et la mise en réseau des acteurs.
Outre les enjeux économiques, l’espace francophone doit faire face à de nombreux défis sécuritaires.
Quels sont ces défis sécuritaires ?
Aujourd’hui, le maintien de la paix devient l’affaire de tous et nécessite désormais d’énormes efforts de synergie au sein de la communauté internationale. Nous devons être plus audacieux et rechercher des mécanismes plus performants pour le règlement des crises. Autrement dit, il est de notre devoir pour la stabilité du monde et de l’espace francophone, d’inventer une démarche originale et opérationnelle de prévention des conflits.
Dans ce cadre le Bénin a expérimenté et proposé depuis 2015 à la communauté internationale, une démarche authentiquement africaine dénommée la « Paix par un autre chemin » à travers le dialogue interreligieux et interculturel. C’est une initiative dont l’objectif est d’établir des rapports de confiance et de fraternité entre les religions, de faciliter la coexistence et le vivre ensemble entre différentes cultures, et ce, autour des actions communautaires concrètes de développement.
D’ailleurs, cette initiative a été déjà portée au niveau de la 71eme Session de l’Assemblée Générale des Nations Unies et a reçu un écho favorable de tous des Chefs d’Etats et de gouvernements. Une Résolution y afférente a été soumise à l’appréciation des Chefs d’Etats et de Gouvernements pendant le 16ème Sommet de la Francophonie tenue à Antanarivo en novembre 2016.
Que diriez-vous pour conclure cet entretien ?
Je pense que la Francophonie doit être aujourd’hui une Francophonie de l’espoir, une Francophonie des solutions aux problèmes cruciaux de sous-emploi qui frappent tous nos Etats. Il est temps d’ouvrir la porte de l’espoir à ces milliers de jeunes et de femmes qui sont les leviers de la croissance, des vecteurs de la paix et du développement responsable.
Je souhaite bonne fête à toutes et à tous.
Entretien réalisé par Alphonse KOUNOUHO