Cinq accusés déclarés coupables des crimes de coups mortels, violences et voies de fait, complicité de coups mortels et de violences et de voie de faitet condamnés à 07 ans de réclusion criminelle et 07 accusés acquittés dont 04 acquittés au bénéfice du doute et 02 acquittés purement et simplement. Tel est le verdict à l’issue des deux jours qu’a duré l’examen du dossier par la cour de céans présidée par Hubert Arsène Dadjo assisté de Alexis Métahou et Richard Limoan et des jurés Baparapé Oumar, Nata Antoine N’Tcha, Imorou Abdoulaye, Mamoudou Dafia et de Charlotte O. Ombari. La cour en est arrivée à cette sanction après les débats, les réquisitions du ministère public représenté par Emmanuel Opita et les plaidoiries du collège des avocats de la défense.
Les 12 accusés qui étaient devant la cour étaient inculpés et poursuivis pour les crimes de coups mortels, violences et voies de fait, complicité de coups mortels et de violences et de voie de fait. Des infractions qui sont prévues et punies par les dispositions des articles 59, 60 et 309 alinéa 1er et 4 du Code Pénal.
Il faut préciser que Inoussa Babio Issaou, maire de la commune de Pèrèrè au moment des faits, qui était inculpé, a été acquitté au bénéfice du doute parce qu’à l’examen des faits, il n’a pas pu rapporter la preuve de ce qu’il a pu être auteur d’un acte positif de complicité dans la commission de l’infraction.
Résumé des faits
Les faits qui ont été examinés remontent en 2005. Depuis le 20 décembre 2004, date de sa désignation en qualité de chef traditionnel de Pèrèrè Feu Goundé Bio Yérima, faisait l’objet d’une contestation par une frange de la population de ladite localité qui préférait Yarou Koto pour occuper le même trône. Dès lors, Goundé Bio Yérima a fait régulièrement l’objet de menaces de tous genres. Un tract avait même été apposé sur la clôture de sa maison lui enjoignant de quitter Pèrèrè au plus tard le 31 décembre 2004.
Le 1er janvier 2005, vers quatorze heures, alors que le nommé Goundé Bio Yérima priait avec des parents et amis, une horde d’individus firent irruption dans sa maison, certains par escalade, le molestèrent et le traînèrent avec son frère Daki Bouko avant de les jeter dans une camionnette Peugeot 404 bâchée louée pour la circonstance et prirent la direction de Nikki.
En cours de route Goundé Bio Yérima rendit l’âme et ses ravisseurs rebroussèrent chemin, abandonnant son corps sous un manguier au bord de la voie,à quelques encablures après le village et Gbaouchi.
L’enquête ouverte permit d’interpeller et de poursuivre des chefs d’association de malfaiteurs, d’assassinat, de violences et voies de fait, les nommés Ibrahim Abdoulaye, Ibrahim Boni Soufianou, Allassane Yaya Salissou, Gourma Sabi Karim, Séïdou Adam, Dobo Séïdou, Alidou Ousmane Moussa Bakarou, Saka Moumouni et Mama Woré Alassane alias Alassane Siki. Ce dernier qui avait réussi à se réfugier au Nigeria n’a été appréhendé qu’en juin 2009.
Les mis en cause ont adopté des positions diverses quant aux faits mis à leur charge : Allassane Yaya Salissou, Alidou Ousmane Moussa Bakarou, Dobo Séïdou, Ibrahim Boni Soufianou, Séïdou Adam, Gourma Sabi Karim et Mama Woré Alassane alias Alassane Siki reconnaissent leur participation aux faits mais clament n’être en rien impliqués dans l’assassinat de feu Goundé Bio Yérima. Ils reconnaissent avoir notamment organisé, au vu et au su des autorités locales, des réunions les 30, 31 décembre 2004 et le 1er janvier 2005, à l’issue desquelles il a été décidé de l’enlèvement de Goundé Bio Yérima pour le conduire devant le roi de Nikki.
Saka Moumouni ne reconnait pas avoir participé aux faits mais dit avoir suivi la 404 bâchée pour être auprès du roi de Nikki, le porte-parole des jeunes.
S’agissant des nommés Simé Séko Gani, Saka Gounou Issaka et Babio Inoussa Issaou, ils soutiennent n’être pas impliqués dans les faits d’assassinat. Toutefois, Issa Zakari Amidou le chauffeur de la camionnette a déclaré que les ravisseurs lui avaient enjoint de les conduire au domicile de Babio Inoussa Issaou, maire de la commune à qui ils doivent rendre compte des opérations notamment du décès de Goundé Bio Yérima.
Au total, il ne ressort pas des éléments du dossier que les accusés aient pu former à l’avance le dessein de donner la mort à la victime. Leur préoccupation principale était, semble-t-il, de faire quitter du village Goundé Bio Yérima au besoin par la violence et d’aller soumettre à l’arbitrage du roi de Nikki le contentieux de sa désignation par le collège électoral mis en place par le préfet.
Que suite aux violences exercées sur Goundé Bio Yérima âgé de soixante cinq (65) ans environ par un groupe d’individus surexcités, il rendit l’âme avant d’atteindre Nikki.
Les débats
A l’instruction à la barre, les accusés n’ont pas reconnus les faits mis à leur charge concernant l’assassinat de Goundé Bio Yérima. Ils se sont tous enfermés dans une dénégation totale. Ils ont tous remis en cause leurs déclarations tant à l’enquête préliminaire que devant le magistrat instructeur. Certains témoins déposant à la barre, ont confondu certains accusés quant à la participation à la commission des infractions en cause, notamment le chauffeur de la bâchée qui conduisait la victime à Nikki.
Emmanuel Opita, représentant le ministère public a, dans ses réquisitions, après un bref rappel des faits de la cause, rappelé que la constitution des infractions de coups mortels, violences et voies de fait, complicité de coups mortels, violences et voie de fait requiert la réunion de trois éléments constitutifs. Il s’agit de l’élément légal, matériel et moral. L’avocat général a essayé de relever les trois éléments constitutifs par rapport aux faits de la cause. Il a cité les dispositions des articles 59, 60 et 309 alinéa 1er et 4 du Code Pénal qui prévoient et punissent les crimes de coups mortels, violences et voies de fait, complicité de coups mortels et de violences, les coups et blessures sur la victime qui est une personne humaine vivante, c’est –à-dire le roi et les accusés ont reconnu leur participation aux faits même s’ils ont rejeté la mort du roi.
Pour lui, la piste d’empoisonnement doit être écartée. Les accusés avaient conscience d’exercer des violences sur la victime, l’envahissement du domicile du roi par les jeunes et l’introduction dans ledit domicile par effraction prouve l’élément intentionnel des accusés. S’il est vrai que le casier judiciaire et l’enquête de moralité sont favorables aux accusés, le rapport de l’examen psychologique et psychiatrique les rend par contre, accessibles à la sanction pénale. Emmanuel Opita a estimé que, la cour par sa décision, doit décourager les auteurs de l’apologie de la violence, c’est pourquoi, il a requis que la cour de céans déclare tous les accusés coupables des crimes de coups mortels, violences et voies de fait, complicité de coups mortels et de violences et de les condamner à 10 ans de travaux forcés.
Le collège des avocats de la défense composé de Hélène Kèkè Aholou, Cyrille Y. Djikui, Zakari Baba Body, Victorien O. Fadé, Roland Adjakou, Mamadou Moussa Samari, Cécil Igor Sacramento, Michel Ahouanmenou, Max d’Almeida, Générick Ahouangonou, Elie Vlavonou-Kponou et Aboubakar Baparapé a plaidé non coupable et l’acquittement pur et simple de tous les accusés. Car, pour la défense, aucun fait positif ne peut être imputé aux accusés à la barre. La défense a regretté que le ministère public ait choisi délibérément d’oublier les principes de la présomption d’innocence et d’imputabilité qui sont les principes directeurs du procès pénalen prenant ses réquisitions et a préféré se baser sur de faux témoignages pour rentrer en accusation, notamment ceux du chauffeur de la bâchée. Tout en relevant certaines incohérences du dossier, la défense a estimé qu’au regard des faits, les infractions ne sont pas constituées, faute des éléments matériel et intentionnel. Les plaidoiries de la défense se sont beaucoup concentrées sur la piste du suicide, car seul le suicide peut expliquer la mort de la victime, ce qui est d’ailleurs prouvé par le rapport d’autopsie. Et, les témoignages ont fait état de ce que la victime a ingurgité une poudre noire qui lui a été donné par celui qui était à bord de la bâchée avec lui au cours de son transfèrement sur Nikki. La défense a soulevé que l’honneur est une valeur très sacrée en milieu bariba et que rien que le fait que l’honneur du roi soit bafoué, celui-ci peut se donner la mort. Me Hélène Kèkè-Aholou a fait observer que la montagne du ministère public a accouché d’une souris, car il a manqué de donner les preuves tangibles ce qu’il reproche aux accusés.
Marx CODJO (Br/Borgou-Alibori)