Patrice Talon veut agir en douce pour protéger ses sociétés. Alors que le projet de révision de la Constitution continue d’agiter l’opinion, le Chef de l’Etat a décidé de faire rétablir le Programme de vérification des importations (Pvi). C’est une stratégie qui lui permet de faire diversion.
Le gouvernement a pris lors du Conseil des ministres d’hier entre autres deux grandes décisions. Des décisions majeures qui influenceront toute la vie de la Nation. Mais l’une pourrait cacher l’autre. Le débat sur la révision de la Constitution est animé depuis plusieurs semaines. Hier, le gouvernement a déclenché la procédure de révision en prenant le décret portant transmission à l’Assemblée nationale du projet de loi portant modification de la loi n°90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin. Il a choisi le même jour pour autoriser le rétablissement du Pvi, un programme qui consiste à contrôler par scanner les marchandises au port de Cotonou. C’est un programme à polémique qui avait été suspendu en 2012 par le gouvernement de Yayi Boni à cause de ses conséquences désastreuses sur l’économie nationale. En délibérant sur ces deux points importants, le gouvernement a pour objectif de faire diversion. En effet, sachant bien que le peuple est préoccupé par la suite que le Parlement donnera au projet de révision de la Constitution, le gouvernement et son Chef ont jugé le moment propice pour redonner vie au Pvi. Or le programme est conduit par Bénin Control Sa. Cette société anciennement dirigée par Patrice Talon, est aujourd’hui dans les mains d’Olivier Boco, l’associé du Chef de l’Etat. C’est un timing curieux étudié par les stratèges de la Rupture pour détourner l’attention du peuple qui craignait bien le retour du Pvi. En 2012, l’introduction de ce programme au Port autonome de Cotonou avait provoqué la hausse brutale des prix des produits de premières nécessités et la baisse des recettes portuaires. Si le programme de 2011 est reconduit, le propriétaire de Bénin Control Sa fera de gros bénéfices, mais les caisses publiques en souffriront. Pis, le Bénin aura de grandes chances de faire face à une inflation dans un contexte socio-économique déjà délétère. En fait, la gestion par la diversion est la marque de fabrique du régime de la Rupture. Au début de son mandat, quand Patrice Talon ordonnait le rétablissement de l’accord-cadre entre l’Association interprofessionnelle de coton (Aic) et l’Etat, ainsi que le décaissement de 19,5 milliards de F Cfa et de 12,4 milliards au profit de la Sodéco, il gérait également le dossier relatif aux concours jugés frauduleux de recrutement d’agents publics. Les concours frauduleux avaient défrayé la chronique et noyé les décaissements douteux. Mais jusqu’à quand Talon utilisera-t-il ce mode de gouvernance? La diversion lui permettra-t-elle de mettre en œuvre l’irréaliste programme d’action de gouvernement? Peut-il continuer à dompter le peuple jusqu’à la fin de son mandat ? Le temps éclairera sans doute ces grosses interrogations.
M.M.