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Transport d’essence de contrebande : A l’épreuve des risques, sur les eaux et en circulation
Publié le lundi 20 mars 2017  |  Fraternité




Samedi 11 mars 2017. Il est 17h15. Du côté de Mènontin, la berge lagunaire grouille de monde. Dans une ambiance bon enfant, une dizaine de jeunes déchargent trois grandes embarcations accostées sur le quai. Répartis en trois groupes, les uns transportent les bidons d’essence de la barque motorisée à la terre ferme, les autres prennent le relais pour le chargement des véhicules, tricycles et motos en attente. Malgré la chaleur, ces bras valides déploient toutes leurs énergies pour vider en quelques heures ces embarcations. Alban, la trentaine environ fait partie de ces jeunes. De sa chemise, il nettoie la sueur qui dégoulinait de son visage. Pêcheur, il n’a d’autre choix que de se reconvertir en contrebandier. « C’est un métier que j’exerce depuis plus d’une décennie. On ne peut pas vivre seulement de la pêche. Le cours d’eau s’appauvrit, et il y a trop de pêcheurs. Autant faire une activité à côté, malgré les risques ».
Comme lui, nombreux sont les pêcheurs qui se retrouvent désormais dans le transport de produits de contrebande. Sur les berges de Mènontin, de Zogbo, d’Akpakpa et surtout à quelques mètres du chenal de Cotonou, ces jeunes, qu’ils soient conducteurs de barques ou transporteurs de l’essence à moto, surmontent des risques pour survivre. « Mon frère, quel métier n’a pas de risque ? Le banquier, le couturier ou l’enseignant ? Autant s’y mettre avec foi et courage pour tirer son épingle du jeu que d’attendre l’Etat », ajoute Alban.

La nuit, les risques sont grands
Hyacinthe et Constantin, deux conducteurs de barques, retrouvés deux jours après autour d’un jeu de dame dévoilent les incertitudes de ce commerce clandestin. Méfiants mais sincères, ils racontent les mésaventures auxquelles ils sont confrontés au cours du trajet. « Le risque est grand. Nous prenons départ à 2 heures du matin pour être là avant 7 heures. Avec la fatigue, on peut facilement faire une chute et se renverser. Il y a les Acadja et les jacinthes d’eau qui nous dérangent sur la voie. Aussi, le risque d’incendie n’est pas négligeable. Avec un court-circuit du moteur, le pire peut arriver », affirme Hyacinthe, la quarantaine. Quant à Constantin, il ajoute que le transport est facile quand il y a clair de lune. « Les cours d’eau ne sont pas électrifiés. Il peut avoir des pêcheurs avec leurs pirogues sur la voie. Facilement, on les percute sans le savoir. Nous sommes obligés d’utiliser des lampes torches pour voir de loin », précise Constantin. Dans tous les cas, font savoir ces jeunes hommes, au fil du temps, ils y sont habitués au point de plus craindre la mort.
D’autres jeunes, jouant soit le rôle de racoleur ou de chargeur tirent également profit du transport de l’essence de contrebande communément appelé Kpayo. « Je fais le déchargement des bidons de 25l de la barque à la terre ferme. Je trouve entre 5000f et 10000f dans une journée. C’est important pour répondre aux besoins vitaux. Cependant, je souffre dans ma peau. Presque tous les mois, je suis à l’hôpital », dit Bernardin, un des racoleurs.

Des kamikazes ambulants
Au dire des acteurs de la filière, le risque devient plus grand quand le transport est assuré des berges vers les points de vente. Si certains font le choix des véhicules, d’autres continuent de transporter le produit avec des motos. Sur une même moto, Venance réussit à charger 10 bidons, deux devant et 8 derrière. Il se refuse de se prononcer sur le risque qu’il prend avant de démarrer, certainement trop concentré sur son chargement. Par contre, Jean-Eude, un autre transporteur en attente explique : « L’essence est très sensible à la chaleur. En cas de défaillance de la moto, l’engin explose avec le conducteur ». Ce dernier dit même avoir été témoin, il y a quelques mois d’une scène horrible. « Devant moi, l’essence a explosé puisque le conducteur, n’ayant pas porté de casque fuyait les policiers. Malheureusement, il s’est heurté à un véhicule et l’essence a pris feu. Il y a eu assez de dégâts matériels avec la mort du conducteur », témoigne-t-il. Tous sont conscients des risques du métier. Mais, étant au chômage, ces jeunes disent n’avoir pas le choix. Alban dit s’en remettre à Dieu. « C’est un métier dans lequel, il faut être honnête. Si tu ne commets pas d’impuretés, tu n’auras rien. La moto et l’essence peuvent se renverser, tu en sortiras indemne. Mais, si tu fais des magouilles, c’est fort possible que tu périsses », croit-il savoir. A l’heure des répressions contre les produits de contrebande, les acteurs sont sur le qui-vive. Mais les populations riveraines le sont encore plus, compte tenu des risques d’incendies.
Mickaël VOGBE (Stag)
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