L’ancien président de la République Nicéphore Soglo a reçu une délégation conduite par la présidente du Conseil d’administration de la fondation Sasakawa. L’homme d’Etat met son expertise à la disposition du président Patrice Talon, afin que Sasakawa contribue au financement du Programme d’actions du gouvernement dans le secteur agricole. C’est le message du président Soglo à travers l’interview qu’il a accordée aux organes hier lundi 20 mars 2017.
Nicéphore Soglo, vous êtes honoré par la visite de la présidente du conseil d’administration de Sasakawa. Que vous suggère l’arrivée de cette délégation à Cotonou ?
Ce qu’il faut rappeler à la population de notre pays, c’est que le plus grand savant du monde agricole que le monde ait jamais connu s’appelle Norman Borlaug. Et au moment où il y avait la guerre communisme contre capitalisme, États-Unis contre Union Soviétique, on a eu à faire appel à son génie. Parce qu’il n’y a pas d’autres moyens pour qu’on puisse éradiquer la famine qui sévissait. Et cela a permis de nourrir la population de son pays. Parce que Norman Borlaug a fait vraiment des prouesses dans le domaine de l’agriculture. La même chose est arrivée au Mexique qui était évidemment collé aux États-Unis. Et dans le monde entier, le génie de Norman Borlaug a été reconnu. Et c’est lui qui a créé le prix Nobel de l’agriculture.
Pourquoi la visite au Bénin de la présidente du conseil d’administration de Sasakawa est si importante ?
Simplement parce que dans les années 1984, il y a eu de terribles sécheresses qui ont tué de millions de personnes dans le Sahel et surtout en Éthiopie. Tous les pays se sont précipités pour donner de l’argent, des vivres… Il y a eu même cette célèbre chanson « We are the wold » avec tous les grands chanteurs on peut dire américains.
Et qu’est-ce qu’il a fait? Un japonais a dit que tout l’argent et toute la nourriture vont être détournés. Ce qu’il faut faire, c’est se rappeler le proverbe chinois « il vaut mieux apprendre aux africains comment pêcher, plutôt que de leur donner le poisson tous les jours ». C’est à la base du programme de Sasakawa en Afrique, de ce grand savant Norman Borlaug et ensuite le président Jimmy Carter. Donc, c’est le trio : Sasakawa pour l’argent, Norman Borlaug pour le cerveau, le génie, et le président Carter pour son organisation, sa fondation. Et c’est cela qui a fait que dans 14 pays d’Afrique, on a fait l’objet des prouesses. Et j’ai pu m’appuyer là-dessus pour sortir notre pays du désastre de 18 années de marxisme léninisme où il n’y avait plus de banques, où les 120 entreprises ont déposé leurs bilans, où on avait mis 10.000 personnes dans les rues, qu’on ne payait pas les gens depuis plusieurs années. C’est grâce au secours de Sasakawa que nous avons pu relever notre économie, mettre de l’ordre et devenir la troisième puissance cotonnière d’Afrique après l’Égypte et le Mali. Alors, tout le monde sait dans quel état est aujourd’hui notre économie ? Est-ce que nous n’avons pas besoin d’aide dans le domaine agricole ?
Donc la présidente est au Bénin pour susciter la révolution agricole ?
Oui. Parce qu’elle a pris la succession à notre conseil d’administration, du grand savant Norman Borlaug. Et c’est une femme de très grande qualité. Vous savez, les japonais ne choisissent pas au hasard. Il a fallu que je leur demande à plusieurs reprises de faire une initiation du Bénin parce qu’ils sont retirés dans presque tous les pays africains. Aujourd’hui ils ne sont plus que dans deux pays en Afrique occidentale, le Nigeria et le Mali. En Afrique orientale, ils sont en Éthiopie et en Ouganda. J’ai plaidé. Je les ai suppliés. En ma qualité de membre du conseil d’administration, je leur ai demandé de revenir aider mon pays.
Et cela se situe dans quelle optique ?
L’un des grands économistes que nous avons en France qui s’appelle Serge Michailof a écrit dans un livre qu’il a baptisé du nom d’un continent et d’un pays Africanistan. Afrique et Afghanistan, il en a fait un seul mot. La population de l’Afrique a commencé à s’accroître de un milliard et demi. C’est à dire déjà la moitié de la population africaine au sud du Sahara en moins de 20 ans. Or, qu’est-ce que c’est la poudrière ? Et bien la poudre, c’est le milliard et demi d’augmentation de la population. Mais, qu’est-ce qu’il faut faire pour pouvoir les nourrir si non ils vont aller dans Boko-Haram, parce que nous avons dans le sahel, comme ce qui s’est passé en Somalie et surtout ce qui s’est passé en Afghanistan.
C’est parce que vous avez vu venir une crise au Bénin que vous avez plaidé qu’ils viennent….
Je crois que gouverner, c’est prévoir. Et donc, on a dit, la démographie, on peut dire c’est la poudre. Et le détonateur, ce sont les emplois. Si les gens n’ont pas d’emploi, ils vont vivre de quoi? Donc la présence de cette dame, est une présence capitale pour notre pays. Et c’est la raison pour laquelle quand on était à Nairobi, on a tenu une séance de travail, le président Talon et moi. C’est le Président Talon qui l’a invitée officiellement.
C’est pourquoi dans le calendrier de son séjour, il est prévu qu’elle prenne connaissance largement du programme d’actions du gouvernement?
Absolument.
L’avènement de cette visite va permettre donc de prendre en compte plusieurs volets de financement des activités inscrites au programme d’actions comme la révolution agricole au Bénin ?
Oui. Mais l’argent n’est pas le plus important. Le plus important, c’est la politique que nous devons mettre en place. Si elle est bonne vous aurez de financement sans problème. Et si vous avez des sponsors et que l’on reconnaît la qualité et vraiment les résultats, vous n’aurez aucun problème. Je dis bien ceci. De tout programme que vous faites, c’est là où je vous dis toujours qu’on est intelligent à plusieurs, il faut avoir d’appui de tous les côtés. Tu peux avoir le meilleur programme, mais il faut avoir le soutien non seulement d’autres cerveaux. Une fois que tu as ça et que celui qui finance se dit si telle personne est ici, je peux aller les yeux fermés, c’est pour cela, avoir dans son jeu Sasakawa, c’est avoir les financements. C’est tout.
C’est un honneur pour le membre du conseil d’administration que vous êtes si le séjour de madame la présidente se déroule très bien ?
Oh ! Non. Moi j’ai déjà dépassé le temps. Moi j’ai déjà dépassé l’âge des responsabilités. L’âge des capacités c’est quand vous êtes en train d’apprendre votre métier dans les universités. Je suis à l’âge des vanités et je n’ai plus rien à prouver. Je crois que dans mon pays, l’Afrique et le monde, les gens savent ce qui a été fait dans mon pays après l’écroulement du mur de Berlin.
Propos recueillis par Abdourhamane Touré