Candide Azannaï a enfin rompu les amarres avec le gouvernement de Patrice Talon. Les raisons du désamour révélé hier ne datent pas d’aujourd’hui.
Le président du parti «Restaurer l’espoir» a quitté la barque de la Rupture. Il a annoncé sa démission dans un post publié sur sa page Facebook ce lundi. Selon plusieurs sources, c’est la deuxième fois que Candide Azannaï vient de démissionner. La toute première fois, le Chef de l’Etat avait refusé d’accepter l’acte de ce collaborateur atypique. Cette fois-ci, l’ancien ministre délégué auprès du président de la République chargé de la Défense nationale a voulu forcer la main à Patrice Talon. Il en avait ras-le-bol. Et ce n’est pas faux. Candide Azannaï ne s’est jamais vraiment bien senti dans l’entourage de Patrice Talon. En réalité, Me Joseph Djogbénou, l’ancien avocat personnel de Patrice Talon et lui ne s’apprécient pas du tout. Au cours de la période préélectorale, alors que Me Djogbénou prétendait briguer la magistrature suprême, il a fait l’objet d’une raillerie lors d’une rencontre organisée par Azannaï. L’ancien député a souligné en des termes détournés que se lancer dans la course à la Marina alors qu’on a commencé à peine à se faire former en politique est trop prétentieux. Par ailleurs, durant la campagne électorale, Candide Azannaï qui a pris tous les grands risques pour son champion s’est fait voler la vedette par Joseph Djogbénou. L’avocat a porté ombrage à Azannaï durant toute la période. Il était pratiquement le seul à s’afficher aux côtés de son client lors de ses meetings au Bénin et à l’étranger. Les appréhensions de Candide Azannaï et de ses partisans se sont confirmées après la formation du gouvernement le 06 avril 2016. Le président de Restaurer l’espoir a hérité d’un petit poste. Il a été nommé ministre délégué auprès du président de la République chargé de la Défense nationale. Une fonction qui lui impose naturellement le silence certes. Mais, Candide Azannaï supposé être l’un des grands artisans de la victoire de Patrice Talon n’est pas associé, selon nos sources, aux décisions importantes du gouvernement de la Rupture. Les mêmes sources soulignent que Patrice Talon est « pris en otage » par un groupuscule de personnes dont Me Djogbénou. Beaucoup le soupçonnent d’ailleurs d’avoir écarté Candide Azannaï de la rédaction du projet de révision de la Constitution aujourd’hui très décrié. D’ailleurs, le député Guy Mitokpè, Secrétaire général du parti Restaurer l’espoir confirme ces soupçons. « Sur la question de la révision de la Constitution, il n’y a pas d’urgence. Il y a peut-être des urgences dans la République. Et c’est vrai. Nous avons des urgences sur l’emploi des jeunes, la qualité de l’eau, sur nos campus. Mais on n’a pas d’urgence en ce qui concerne la révision de la Constitution », a déclaré le jeune député dans une interview accordée à la presse. Et d’être incisif : « Probablement, le Président de la République a été piégé ou a été conduit à commettre la faute. C’est une faute devant la République. Et nous exigeons qu’il y ait des clarifications parce que ce qui s’est passé ressemble visiblement à une trahison. Qui sont ceux qui ont fait signer ce papier au Chef de l’Etat? Nous voulons comprendre, nous voulons savoir». Les propos de ce député, qui plus est, le suppléant de Candide Azannaï, prouvent à suffisance qu’il règne une atmosphère pesante autour du Chef de l’Etat. Les différents clans se font la guerre pour mériter l’attention du Chef. Mis en quarantaine au sein d’une équipe à laquelle il a presque tout donné, Azannaï s’est résolu à déposer sa démission pour retrouver toute sa liberté.
Un coup dur pour Talon
Qu’on le veuille ou non, la démission de Candide Azannaï ne sera pas sans conséquence sur les réformes en cours notamment le projet de révision de la Constitution. Patrice Talon déjà affaibli par les critiques et les descentes dans les rues d’organisations politiques et de la société civile, les menaces de paralysie, devra assumer la responsabilité de ce que même au sein de son propre gouvernement ses décisions ne font pas l’unanimité. La démission de Candide Azannaï apporte alors de l’eau au moulin des pourfendeurs de la Rupture, qui se sentiront désormais plus à l’aise car une voix discordante est venue de l’intérieur pour convaincre les sceptiques qu’en réalité tout n’était pas beau dans le meilleur des mondes. C’est une chose que la gouvernance Talon soit critiquée de l’extérieur. On pouvait encore mettre cela sur le dos des partisans de Boni Yayi. Mais que cela vienne de la part de quelqu’un qui était au cœur du système, l’un des premiers soutiens de Talon pour qui il a pris assez de risque, certainement c’est qu’il y a quelque de pourri sous la Rupture. Et le Chef de l’Etat doit s’attendre à ce que la contestation prenne de l’ampleur les jours et mois à venir.
Les législatives de 2019 en ligne de mire ?
Candide Azannaï n’est peut-être plus dans les petits papiers de Patrice Talon. Mais l’ancien député étant un fin stratège, il pourrait également avoir fait son geste d’hier en prélude aux prochaines législatives. A l’écoute du peuple, il est informé de la chute inquiétante de la cote de popularité de Patrice Talon à cause de sa politique économique antisociale. Les choix socio-économiques du gouvernement de la Rupture se résument en effet à la destruction sauvage des emplois. Craignant peut-être un retour du bâton en 2019, l’ancien député pourrait avoir décidé de s’éloigner d’un régime fortement critiqué, se réconcilier avec sa base électorale pour retourner au Parlement. Face à l’environnement politique actuel, les candidats étiquetés proches de la Rupture auront moins de chances de s’en sortir dans deux ans lors des législatives. Dénoncer la gestion de Patrice Talon devrait permettre de bénéficier du soutien peuple et d’entretenir son électorat. Mais 2019 est encore loin. Azannaï dont l’électorat se trouve à Cotonou doit d’abord justifier les onze (11) mois passés dans le mutisme pendant que de gros engins ont, sous la responsabilité de Modeste Toboula, détruit les boutiques et les demeures de fragiles Cotonois.
Mike MAHOUNA