Nul ne sera de trop dans ce débat sur le processus de révision de la loi fondamentale du Bénin. En tout cas, Coovi Ernest Adjovi, lui, joue sa partition en s’adressant aux députés à travers une lettre à eux adressée. Dans ladite lettre ouverte, il interpelle la conscience de chaque élu du peuple. Ce citoyen béninois, objecteur de conscience, demande à l’Assemblée nationale de jouer convenablement son rôle comme elle l’a si bien fait depuis l’historique Conférence nationale des forces vives de la Nation de février 1990. Le souci de M. Ernest Adjovi est que l’institution parlementaire fasse en sorte que le débat qui se mène sur le projet soit inclusif et participatif. «Aujourd’hui, vous êtes face à ce peuple et face à l’histoire», lance-t-il aux députés qui ont la lourde mission de se pencher sur ce projet envoyé au Parlement par l’Exécutif.
Lire sa lettre en intégralité.
Samedi 1er Avril 2017
Ernest Coovi Adjovi
Objecteur de Conscience
Citoyen Béninois de la Diaspora
À
Mesdames et Messieurs les membres de la Commission des lois de l’’Assemblée Nationale :
Alexis Agbelessessi: Président
(alexis.agbelessessi@assemblee-nationale.bj)
Gounou Abdoulaye: Vice-President
(abdoulaye.gounou@assemblee-nationale.bj)
Orden Alladatin: 1er Rapporteur
(orden.alladatin@assemblee-nationale.bj )
Janvier Donhouahoué: 2eme Rapporteur PRD
(janvier.donhouanhoue@assemblee-nationale.bj)
Bah GUERA CHABI: Secrétaire
(chabi.bahguera@assemblee-nationale.bj )
André Okounlola: Membre
(andre.okounlola@assemblee-nationale.bj )
Leon Degny : Membre
(leon.degny@assemblee-nationale.bj )
Valentin Djènontin: Membre
(valentin.djenontin@assemblee-nationale.bj)
Barthélémy Kassa: Membre
(barthelemy.kassa@assemblee-nationale.bj)
Joseph Gbamigbade: Membre
(joseph.gbamigbade@assemblee-nationale.bj)
Augustin Ahouanvoebla: membre
(augustin.ahouanvoebla@assemblee-nationale.bj)
Guy D. Mitokpe: Membre
(guy.Mitokpe@assemblee-national.bj )
Mme. Rosine Soglo: Membre
(honorine.vieyra@assemblee-nationale.bj )
Kolawole Idji: Membbre
(kolawole.idji@assemblee-nationale.bj )
Bruno Amoussou: Membre
(bruno.amoussou@assemblee-nationale.bj )
Mathurin Nago: Membre
(mathurin.nago@assemblee-nationale.bj)
Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée Nationale
Objet : De la révision de la constitution du 11 Décembre 1990
Honorables députés,
Citoyen béninois évoluant à l’étranger, je me suis senti interpeller par le développement de l’actualité politique de notre pays qui, ces derniers jours, cristallise l’opinion nationale et internationale autour de la question de la révision de la constitution du 11 décembre 1990.
La session parlementaire extraordinaire en cours m’offre l’occasion de m’adresser à vous pour interpeller votre conscience patriotique sur la nécessité d’écouter le peuple et de tenir compte de son avis dans l’examen de ce dossier sensible pour notre pays.
Je me sens obliger de vous écrire aujourd’hui par devoir patriotique et compte tenu de la gravité de la situation.
Honorables,
Heureusement ou malheureusement, votre législature (la 7ème) se trouve aujourd’hui au coeur d’une tempête violente qui, si l’on y prend garde, risque d’emporter l’institution parlementaire et par la même occasion la démocratie Béninoise chèrement conquise.
En effet, par lettre N°. 0373..PR/SGG/SP-C en date du 15 Mars 2015, le Président de la République a transmis à votre auguste institution, le Projet de loi portant modification de la constitution et a demandé son examen en session extraordinaire et en procédure d’urgence.
Le contenu de cette lettre ainsi que du projet de constitution qui lui est annexé, a suscité et continue de susciter de vives réactions aussi bien de la part de certains députés, des forces sociales, citoyennes et politiques que de l’opinion publique en général.
Depuis l’annonce de la transmission de ce projet de révision à l’Assemblée Nationale une forte tension s’est emparée du pays et des agitations s’observent çà et là dans le pays.
Malgré le rejet de l’examen en procédure d’urgence de la loi portant modification de la constitution du 11 décembre 1990, la tension et les vives réactions suscitées par ce projet de révision n’ont pas baissé. Bien au contraire, elles montent de jour en jour et donnent de notre pays l’image d’un pays en ébullition.
Honorables,
Ces réactions, loin d’être le reflet d’un certain conservatisme ou une posture d’antiréformateur de rejet de toute idée de révision de notre constitution, sont plutôt l’expression d’un sentiment de rejet de toutes manoeuvres visant à écarter le peuple du processus de révision de la constitution.
Ces réactions expriment le rejet catégorique de tout passage en force du projet de révision de la constitution.
Ces réactions traduisent le caractère non consensuel de ce projet de révision de la constitution.
Ces réactions traduisent aussi l’opposition fondamentale du peuple béninois contre la confiscation de son pouvoir souverain par un complot entre le Président de la République et les Députés pour l’écarter du processus de révision de la constitution.
Ces réactions s’inscrivent dans la droite ligne du rejet universel par les peuples des manipulations illégitimes de leur constitution. A cet égard, je voudrais rappeler à votre sagacité les évènements survenus au Burkina Faso le 30 Octobre 2014.
Qu’il vous souvienne que ce jour-là, malgré l’opposition populaire, les députés devraient examiner le projet de révision de la constitution du Burkina Faso. Mais avant le début de la séance, le peuple a fait irruption dans l’Assemblée Nationale et a incendié l’hémicycle. Nous connaissons tous aujourd’hui la suite de ces évènements…
C’est dire donc que le contexte actuel est très préoccupant et vous devez prendre la juste mesure de la gravité de la situation.
Honorables,
Le peuple béninois vit une longue histoire d’amour avec sa constitution. Il est d’avis que sa constitution comporte des faiblesses qu’il convient d’améliorer. Et comme dans toute histoire d’amour, il souhaite que toute modification que connaitra sa constitution soit faite avec son consentement. C’est ça le sens du consensus national. Notre peuple ne peut accepter un complot du Président de la République et des députés, en leur octroyant quelques avantages (rallongement de la période de leur mandat, impunité anormale et exagérée dont nos représentants vertueux n’ont point besoin, etc…) pour modifier sa constitution dans son dos.
En réalité, une constitution, avant d’être une règle écrite est d’abord et avant tout un rêve partagé, une vision projetée, des désirs exprimés, des valeurs affirmées et des principes édictés dans le but d’orienter l’organisation politique d’un peuple et la construction des institutions devant guider et encadrer sa marche vers le perfectionnement social, le progrès humain et l’accomplissement de son grand destin national au sein de la communauté des Hommes. Son adoption, son élaboration ou sa révision ne peuvent donc être le fruit d’un rapport de force politique ou le résultat d’un marchandage abject entre le Président de la République et quelques parlementaires même s’ils constituent une majorité qualifiée. Son adoption, son élaboration ou sa révision doivent être la résultante d’un consensus fort entre les diverses forces de la nation ou les composantes essentielles de la société; gage de la solidité et de la sacralité du pacte républicain qui en sera issu.
Mais aujourd’hui, notre peuple, accablé par des difficultés quotidiennes reconnues par le Président de la République qui deviennent de jour en jour plus aigües, est socialement angoissé, économiquement stressé et politiquement désabusé pour supporter des réformes politiques et institutionnelles de cette ampleur. Il n’a ni l’esprit tranquille ni l’âme sereine pour supporter, accompagner ou accepter une révision constitutionnelle qui bouleversera de fond en comble, l’ordre politique et institutionnel auquel il a été habitué depuis plusieurs décennies.
C’est pourquoi je voudrais vous exhorter, chers honorables députés, à éviter toute précipitation et tout empressement inutile dans l’examen de ce projet de révision de la constitution.
Je vous exhorte humblement, à prendre le temps nécessaire pour faire en sorte que le processus actuel de la révision de la constitution soit davantage inclusif et largement participatif.
Une session parlementaire extraordinaire qui ne dure que 15 jours ne peut suffire à examiner convenablement un tel projet.
Honorables,
A l’issue de la Conférence Nationale des Forces Vives de la Nation de février 1990, notre peuple a fait de votre auguste institution le pilier central de l’édifice démocratique dont il rêve et pour lequel il est à la tâche depuis 27 ans. Comme l’a si bien dit le juriste Allemand Hans Kelsen, le parlement en tant qu’assemblée élue qui assure la représentation du peuple dans les sociétés démocratiques est « le destin de la démocratie ». Et le parlement béninois depuis son installation a su rester une institution du peuple et au service du peuple. Au fil des législatures, et malgré les comportements déviants de certains députés, votre institution a su résister aux intempéries politiques et aux coteries financières qui ont voulu couper le cordon ombilical entre le parlement et son peuple.
Je voudrais ici rendre un hommage mérité à tous les députés anciens comme actuels qui ont contribué à faire de l’Assemblée Nationale du Bénin, une institution au service de la démocratie.
La législature actuelle a le devoir de perpétuer cette tradition.
Il est vrai que certains d’entre vous doivent leur élection à monsieur Patrice TALON et sont donc de ce fait ses obligés, mais il n’en demeure pas moins que vous êtes tous des représentants du peuple. Vous êtes des élus de la Nation et votre mandat n’est pas un mandat impératif. Vous n’avez de compte à rendre à personne d’autre qu’au peuple dont vous êtes le représentant.
Aujourd’hui vous êtes face à ce peuple et face à l’histoire. Par votre décision, vous pourrez faire avancer la démocratie dans notre pays comme vous pourrez la faire reculer ;
Par votre décision, vous pourrez faire baisser la tension dans notre pays comme vous pourrez la faire monter ;
Par votre décision, vous pourrez préserver la paix sociale et la stabilité politique dans notre pays comme vous pourrez les détruire ;
A vous de voir ;
Je vous laisse face à votre conscience,
face au peuple et face à l’histoire.
Avec toutes mes considérations,