L’Assemblée nationale a rejeté hier 4 avril 2017, la prise en considération du projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Ceci, conformément aux dispositions de l’article 154 de la Constitution qui stipule : « Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale ». C’était par un vote de 60 voix pour, 22 contre et 01 abstention. Le vote a été précédé d’un long débat sur le rapport de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme présidée par le député Alexis Agbélessessi, qui a suggéré à la plénière de voter pour la prise en considération. Ceci, en se basant sur l’article 156 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui stipule : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. La forme républicaine et la laïcité de L’Etat ne peuvent faire l’objet d’une révision »
(Lire ci-dessous les déclarations de quelques députés lors du débat général)
Député Valentin Djènontin
« …Nous sommes appelés aujourd’hui à poser un acte de grande responsabilité et de grande portée. Le peuple béninois, la communauté nationale internationale ont le regard tourné vers nous. C’est vrai que nous avons eu à examiner en commission la question de la prise en considération du projet de révision de la Constitution. Mais je continue toujours de me poser des questions sur la pertinence du travail que nous avons fait parce que nous n’avons eu à entrer dans le document. Nous nous sommes contentés simplement de faire l’explication des concepts à savoir l’intégrité du territoire, la laïcité et la forme républicaine. J’avais souhaité qu’il y ait une recommandation pour que la suite ne nous échappe pas. Malheureusement, je n’ai pas été suivi parce qu’il paraîtrait que ce n’est pas le moment. Sans rentrer dans le document, je me demande si nous allons pouvoir nous assumer de la qualité de ce qui est fait en Commission. J’ai eu à écouter beaucoup de personnes et des spécialistes. J’ai eu à écouter beaucoup de documents. Il fallait prendre en considération, les différents documents de la Cour constitutionnelle. Dans ce cas, la lecture ne sera pas la même. Nous avons eu le privilège d’aller sur le terrain. Je suis allé dans ma circonscription électorale. J’ai remarqué que le principe même de la révision de la Constitution n’est pas mis en cause. Mais le projet qui nous est envoyé comporte beaucoup d’écueils. J’ai eu à lire et relire correctement le document et j’étais surpris de constater que ce qui nous est transmis comporte des choses qui ne nous font pas unir (…) C’est là que j’ai compris ce que le Chef de l’Etat parle de désert de compétences. Compte tenu du contenu de ce que j’ai lu, j’ai constaté que si nous acceptons ce document en l’état, nous allons régresser dans notre marche démocratique. A l’examiner de près, c’est comme si 2 personnes se sont regardés pour rédiger le document. Le document est rédigé en tenant compte de 2 personnalités. Le document est rédigé pour faire régresser la manifestation des libertés publiques. Le document est rédigé pour amputer à l’Assemblée nationale, certaines prérogatives. Le rédigé pour mettre à mal ce qui fait la fierté de la Cour constitutionnelle. Le document est rédigé pour contrôler certaines institutions… »
Député Mohamed Gibigaye
« …Je voudrais féliciter la Commission des lois pour la dextérité dont elle a fait preuve pour nous sortir les 3 critères qui doivent être pris en compte soient effectivement harmonisées. Par rapport aux deux premiers critères ; c’est-à-dire ceux relatifs à la forme républicaine de l’Etat et l’intégrité du territoire, il n’y a pas de problème. La Commission des lois a tiré des conclusions sans équivoque. Quant au troisième critère ; c’est-à-dire celui relatif à la laïcité de l’Etat, qui nous fait dire que la chefferie traditionnelle n’est pas une religion, ça pose problème (…) La Commission même reconnaît qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Elle pense qu’à l’étape où nous sommes, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question. Mais si on ne l’examine pas maintenant, comment saurait-on que le critère de la laïcité de l’Etat est respecté ? Nos us et coutumes, ne les savons tous. Du Nord au Sud, ce sont nos religions endogènes ! On reconnaît la chefferie traditionnelle comme gardienne de nos traditions. C’est ce que le président Nicéphore Soglo, a compris en consacrant le 10 janvier à la fête des religions endogènes. Ce critère de laïcité de l’Etat dans le projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990 n’est pas respecté. Vous avez pris la bonne décision, ensemble avec la Conférence des présidents, en nous donnant l’opportunité de discuter avec les populations (…) Elles ne sont pas contre la révision de la Constitution. Mais la démarche n’est pas bonne. Il y a des fondamentaux qui ont été touchés. Le mandat unique ne peut par exemple pas être l’affaire de 83 députés… »
Député Lucien Houngnibo
« …Nous avons la chance que le projet de révision de la Constitution qui a été querellé pendant des années a pu franchir le bureau de l’Assemblée nationale pour atterrir à l’hémicycle. Je pense que les députés de la 7ème législature doivent remercier le seigneur parce que c’est en leur temps que le sujet est débattu. Nous avons fait des tournées auprès de nos mandants pour recueillir leurs avis. Ce que nous pouvons dire est que leurs avis sont divergents. D’aucuns ne veulent pas de la révision. D’autres veulent de la révision. D’autres encore disent qu’il vaut amender le projet. Ce qui est sûr, nous ne pouvons pas toucher cette loi si nous ne votons pas sa prise en considération. Je voudrais à ce titre dire que chacun à son opinion sur la question. Avant de tenir compte des avis, nous devons aller au fond (…) Ceux qui parlent de consensus, est-ce qu’il y a consensus dans un pays ? La prise en considération de ce texte est indispensable... »
Député Barthélémy Kassa
« …Je pense que le rapport qui est soumis à l’appréciation de la plénière, c’est l’examen de la prise en considération du projet qui a été transmis au Chef de l’Etat. Conformément à notre Constitution, nous savons que seul le Chef de l’Etat et le gouvernement prennent l’initiative de la révision de la loi fondamentale. Nous sommes dans ce cas là. Si l’une ou l’autre institution n’introduit pas un projet ou une proposition de révision de la Constitution, je ne sais pas qui est habilité à le faire. Nous savons aussi que le débat sur la révision de la Constitution n’est pas un débat nouveau. La 4ème législature en a parlé. La 5ème législature en a parlé. La 6ème législature en a parlé. La 7ème législature est en train de vivre la même réalité. C’est pour dire que ce sujet est un sujet nécessaire. S’il n’était pas nécessaire de réviser la Constitution, ce sujet n’aurait pas survécu autant avec 3 régimes successifs. Comme je le dis toujours, réviser la Constitution, c’est oui. Mais qu’est ce qu’il faut réviser, c’est là que se trouve le débat. A cette question de savoir si nous devons examiner le document qui nous est soumis, quand on résume le rapport de la Commission, c’est oui. Si on n’examine pas le dossier, on sera considéré comme des intellectuels tarés (...) Ce n’est pas la peine qu’on alarme le peuple en disant que les députés sont en train de retenir ce qu’il ne veut pas. D’autres ont dit qu’il ne faut même pas regarder. Il faut que ceux-là sachent qu’en disant cela, c’est une insulte à notre personne. Est-ce que ce sont eux seuls qui sont capables de regarder ? Chacun reste dans son rôle. Si après examen, on remarque que ce qui aura été retenu est contre la volonté du peuple, là on peut parler… »
Député Jean-Michel Abimbola
« …D’entrée de jeu, je voudrais dire aux uns et aux autres que je suis ici aujourd’hui pouvoir voter dire Oui pour la prise en considération du projet de révision de la Constitution, sans détour et en toute responsabilité. Mes collègues l’ont dit. Vous nous avez permis d’aller sur le terrain. Sur le terrain, j’ai travaillé en deux volets. D’abord avec les militants et après avec les cadres du département du Plateau et en particulier avec ceux de Kétou et de Pobè. Nous avons parlé de 10 heures à 18 heures. Nous avons des amendements que nous allons verser au débat. Je voudrais les rassurer que je vote donc Oui pour la prise en considération ; afin que les amendements puissent être pris en compte. Une fois cela énoncé, je voudrais dire que nous devons, les uns et les autres, faire attention à ce que le populisme n’ait droit de cité dans notre pays. L’article 4 de la Constitution en vigueur précise bien : ‘’le peuple exerce sa souveraineté par ses représentants élus et par voie référendaire’’. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Donc, nous sommes dans notre droit aujourd’hui. Nous sommes dans notre mandat aujourd’hui. Nous devons agir en toute responsabilité, sans crainte, sans peur, sans menace et aux intimidations parce que nous travaillons pour la République. Aucun de nous ne peut se cacher au peuple. Aucun de nous ne peut tromper ses mandants. Nous avons aujourd’hui une occasion unique. Ça fait plus de 15 ans que la question de toilettage de notre Constitution qui a été éprouvée en 25 ans. La question qui se pose aussi est de savoir si c’est le bon moment. Les 5 autres fois qu’il a été question de réviser ladite Constitution, ce n’était pas non plus le bon moment. Quel est donc le bon moment ? Il n’y a pas de bon moment. Le projet est là aujourd’hui et nous l’étudie aujourd’hui… »
Député Nassirou Arifari Bako
« …Je voudrais commencer mon intervention en rendant hommage à l’ensemble du peuple béninois et particulièrement à ceux qui m’on mandaté pour les représenter au Parlement. Ces derniers m’ont permis aujourd’hui d’être acteur d’un évènement historique qui marquera l’avenir de ce pays. En plénière, la sage décision a été prise d’envoyer chaque député dans sa circonscription électorale pour aller échanger avec les populations à la base, les informer du contenu et recueillir de manière impartiale, les observations des uns et des autres. J’ai effectué l’exercice. J’en suis revenu avec un certain nombre d’opinions et de points de vue exprimés par la base. Il n’y a jamais eu de points de vue homogènes. Si comme si on alignait tout le monde comme des moutons, qu’on leur faisait dire la même chose et que tout le monde a dit Non. Arrêtons d’infantiliser ce peuple. Je suis rentré avec 4 points de vue différents. Il y avait les antirévisionnistes radicaux qui demandé de jeter le bébé avec l’eau du bain sans discernement. Eux, ils disent de ne même pas ouvrir le dossier. Il y a la deuxième catégorie que j’appelle les révisionnistes jugent le temps non opportun. Ils ne sont pas contre la révision, mais ils estiment que le contexte ne s’y prête pas. C’est leurs points de vue est ‘’Oui, nous avons faim. Oui, déguerpissement. Oui les taxes partout’’. Je suis tout à fait partie prenante de leurs revendications. J’ai dit que je ferai entendre à qui de droit ce mécontentement. Mais ce mécontentement est différent du texte présenté. Le texte à examiner doit tenir compte de l’environnement dans lequel nous sommes. La troisième catégorie, c’est ceux que j’appelle les légalistes. Eux, disent puisque la Constitution dit qu’elle peut être révisée, il faut respecter scrupuleusement la procédure de manière implacable pour éviter qu’à l’arrivée, la Cour constitutionnelle ne rejette. Mais tenez compte des cris de ce peuple. Tenez compte de ses avis pour procéder aux amendements nécessaires. Il y a également une 4ème catégorie. C’est ceux qui disent qu’ils ne sont pas contre la révision de la Constitution et qui demandent de faire tout pour que la révision nous ramène sous forme de référendum. Voici les 4 points de vue avec lesquels je suis revenu… »
Député Garba Yaya
« Je vous félicite pour la manière dont vous conduisez nos travaux ici. Vous êtes vraiment à l’écoute de ce que disent les uns et les autres. J’en veux pour preuve votre manière de gérer notre rejet de la procédure d’urgence qui a fait un ouf de soulagement au niveau des populations. Monsieur le président, je voudrais vous féliciter également de ce que la conférence des présidents a décidé que tous les députés retournent à la base pour écouter le cri de cœur et de détresse des populations. Mais monsieur le président, lorsque vous avez pris une telle décision salutaire, à notre tour, on devrait faire un feed-back pour rendre compte de ce que la base est entrain de dire, de ce que le peuple veut. Je mets de côté les discours peut être alarmants des sachant mais il est normal qu’on puisse justifier ce que nous sommes allés entendre. Je ne sais monsieur le président si ça a été une erreur d’aller sur le terrain. Dans tous les cas, tous ceux qui sont allés su le terrain, ont ramené le même refrain. Même ceux qui les ont tronqués, doivent reconnaitre le point de vue de la base. Et de ce point de vue, monsieur le président, si nous sommes les dignes représentants de ce peuple, si chacun de nous représente une portion de la population, même si nous sommes à valeur nationale, nous devons avoir le courage de dire ce que le fétiche nous a demandés. Le fétiche, c’est le peuple. Et nous ne saurons plaire aux yeux d’une poule pour se faire manger par le fétiche. Monsieur le président, je voudrais dire si vous écoutez ce que les gens de Bembèrèkè, de Sinende, de Kalalé, de Nikki ont dit. Sincèrement, il a fallu la bénédiction de nos parents pour que nous revenions sains et sauf. En effet, les gens pensent à la base que l’heure n’est pas à la révision de la constitution. Au moment où des milliers de tonnes de coton sont encore dans les brousses au motif que le prix du transport a été diminué, au motif de l’AIC a mis en œuvre des meures nouvelles pour ne pas entreposer. Les gens ont vendu le coton depuis décembre et jusqu’à ce jour, ils n’ont pas été payés. Monsieur le président, la manière dont nous avons géré la carte universitaire, notre silence coupable par rapport au déguerpissement qui a fait des victimes, le faux problème des faux médicaments pendant que dans certains localités, les gens meurent et il n’y a pas de pharmacie. Pour se soigner, il faut faire peut être 50 km avant de trouver une pharmacie. C’est pour ces raisons que le peuple a dit que la viande que tu ne peux pas manger, il ne faut pas partager avec les dents. A partir de ce moment, il nous revient si nous voulons être fidèle à notre base, de ne pas adopter ce rapport, quitte au gouvernement de revoir sa copie, d’écouter les populations, d’intégrer les observations des sachants et de revenir plus tard. »
Députée Rosine Dagniho
« Je vous remercie monsieur le président et les membres de la commission des lois. Monsieur le président, je pense que l’heure a sonné pour qu’on libère enfin de notre peuple. Il souffre de la panique, du stress, de l’impatience née à l’invocation de la révision de la constitution et ceci, depuis le régime Kérékou jusqu’à ce jour. Le peuple béninois est jaloux de sa constitution et veut être toujours rassuré que nul ne touchera à cette constitution n’importe comment. C’est juste et normal. C’est à bon droit. Mais de Kérékou à ce jour, avons-nous avancé dans le débat ? Sommes-nous entendus sur l’importance de la révision ? Monsieur le président, moi je répondrai oui à toutes ces questions car l’élection du président Talon en mars 2017 est également synonyme de la volonté manifeste du peuple à poser un nouveau pas dans le processus de développement. Et l’un des points forts de son projet de société, est la révision de la constitution surtout en début de mandat et sans remettre en cause les piliers de notre démocratie. Monsieur le président, nous y sommes. Le projet soumis à notre auguste assemblée remet-il en cause nos fondamentaux ? Pour ma part, je dirai non car je n’ose pas croire que l’exécutif veuille démolir l’édifice national et d’ailleurs les pères fondateurs ne lui pardonneraient pas. Alors puisque la loi fondamentale nous donne le pouvoir d’amender le projet et de retenir et de valider au nom et pour le peuple les propositions qui consolident l’Etat de droit, l’équilibre des pouvoirs. Monsieur le président, exerçons alors souverainement nos prérogatives. Nul ne doit nous dénier nos prérogatives. La 7è législature a une chance historique de se graver dans les livres dorés de ce pays à travers la lourde responsabilité de décider pour ce pays. Je pense sincèrement que nous élus nationaux, avons qualité, avons la lucidité de parfaire du premier travail fourni par la commission surtout que nous allons porter nos amendements. Faisons-nous confiance et libérons le peuple de la crainte. Merci monsieur le président. »
Député Léon Dègny
« ….Je voudrais sincèrement remercier la commission pour le rapport qui nous est soumis. Je voudrais préciser que lors des travaux en commission, je fais partie de ceux qui sont revenus sur la question de la laïcité de l’Etat. Je peux même dire que j’étais le premier à poser le problème. Mais malheureusement, j’ai eu des professeurs qui ont expliqué et qui estiment que ça n’a qu’un volet culturel. J’ai donc pris mon mal en patience et j’ai laissé faire. Cela ne veut pas dire que je suis pour ce qui a été dit. Parce que comme certains l’ont dit et comme c’est écrit d’ailleurs dans le document, la chefferie traditionnelle est garante de tout ce qui est religion endogène. Moi je l’avais dit en commission et il y a certains qui ont parlé du président Soglo qui a institué la fête du 10 janvier. Et c’est vrai, ce n’est pas une comparaison à faire parce que le président Soglo n’a pas constitutionnalisé la fête du vodoun. Donc ce volet reste intact pour que l’irrecevabilité soit prononcée. Le deuxième aspect de mon intervention, ça a été une décision de la conférence des présidents et nous sommes allés sur le terrain. Si nous devons être sincères envers nous-mêmes, je ne sais pas comment les gens ont travaillé chez eux, ça n’a pas été une manipulation, manipuler qui ? Une population politiquement éveillée ? Je n’en crois pas. Vous savez, le texte est sur les réseaux sociaux. Dans les villages, partout, les gens ont le texte. Les gens ont même plus lu que certains parmi nous parce que quand vous finissez de parler, ils reviennent sur certains aspects. Donc ceux qui parlent de manipulation, seuls savent ce qu’ils y mettent. C’est pour vous dire que nous devons respecter la volonté de nos populations. C’est très important. Ce n’est pas seulement les questions sociales, le déguerpissement…non. Mais quand vous prenez le texte qui est soumis à notre appréciation et que vous liez comme cela se doit, vous devez comprendre que le gouvernement doit retirer son projet. Si j’étais l’un des conseillers du gouvernement, je lui demanderai de retirer le projet habilement et d’aller revoir la forme. C’est de cela qu’il est question. Même les gens qui ont travaillé dans la commission Djogbénou contestent le texte qui est sorti. Nous avons besoin de consensus et on ne peut pas me dire de ne pas le prendre en compte. La conférence nationale en a fait une priorité. Sans perdre le temps au gouvernement, je souhaite que le document soit retiré et qu’il fasse tout ce qu’il doit faire pour la forme…… »
Député Idrissou Bako
« …Merci beaucoup monsieur le président de l’Assemblée nationale. Je voudrais remercier aussi les membres de la commission des lois pour la promptitude avec laquelle le dossier a été étudié. Promptitude qui les amenés à étudier cette recevabilité au moment où la plupart des députés étaient encore sur le terrain à l’écoute du peuple. Monsieur le président, je voudrais juste faire une petite histoire pour rappeler les conditions d’élaboration, d’organisation du référendum et l’adoption de la constitution du 11 décembre 1990. La démarche qui nous a amené à cette constitution a tellement été participative que le peuple s’est retrouvé entièrement dans cette constitution. Et c’est ça qui nous a valu 27 ans de stabilité. Déjà au cours de la mandature de son excellence, le président Nicéphore Dieudonné Soglo, il y a eu tout au moins une tentative de remise en cause du processus démocratique. Mais tout de suite, si vous connaissez l’affaire Tawès, le peuple béninois s’est retrouvé comme un seul homme pour dire que ça c’est un divertissement, il n’a qu’à aller se faire foutre. Et ça a échoué tout simplement parce que le peuple s’est retrouvé dans cette constitution. Monsieur le président, lorsque j’analyse les conditions dans lesquelles ce projet a été élaboré, je me pose des questions. Et là-dessus, j’ai trois observations. Première observation monsieur le président, la question de la constitution doit être caractérisée tout au moins par ce que nous allons le consensus. Et en matière de consensus, il faut le consensus entre les acteurs techniques, les acteurs sociaux et les acteurs politiques. Acteurs techniques : aujourd’hui, tous les constitutionnalistes chevronnés de ce pays ont des griefs contre le contenu de ce projet. Même les praticiens, des exécutants ; je veux parler des magistrats et même les juristes ont beaucoup de griefs contre cette constitution, la régression qu’on pourrait connaître en matière de démocratie dans notre pays. Pour ce qui concerne les acteurs sociaux, imaginez tout ce qui se passe. Les syndicats, les acteurs de la société civile, le peuple se posent des questions à tous les niveaux. Maintenant quand on revient au niveau des acteurs politiques que nous sommes, même ici à l’Assemblée nationale, dans nos groupes parlementaires, c’est des divergences. Une constitution, un projet déposé dans des conditions du genre ne peut pas avoir la cohésion nationale. Et cette cohésion est très nécessaire et très indispensable. Deuxième observation, monsieur le président, j’ai été inspiré ce matin en venant à l’Assemblée nationale au moment où je prenais juste du carburant. Le pompiste, après avoir vu le macaron du député, me dit : « ah honorable bonjour, vous allez voter la constitution Djogbénou », monsieur le président, j’ai baissé la tête. J’ai juste baissé la tête tout simplement parce qu’en matière de démarche, on doit faire de sorte que le peuple se reconnaisse entièrement à travers cette constitution. Lorsqu’un nom est attribué, le peuple ne pourra pas se reconnaître. Et cela pourra engendrer les questions d’instabilité, des questions de crise économique voire une régression nette par rapport aux 27 ans passés. Monsieur le président, la troisième observation, c’est par rapport au terrain. A cet effet, je vous remercie infiniment monsieur le président, je remercie la conférence des présidents pour avoir eu cette idée de consultation de la base. Mais je ne veux pas répéter les collègues qui m’ont devancé. Ce que je sais pour la population de la 1ère circonscription électorale, il y a plus urgent que ça. Il y a plus urgent que ça. La question du coton a été évoquée, la question du chômage des jeunes qui s’est accentué, la question de la pauvreté sous tous ses aspects, la population pense qu’il y a plus urgent que la révision de la constitution. En conséquence, compte tenu des trois observations que nous avons faites, je souhaiterais que tout simplement la copie soit renvoyée au gouvernement avec son cortège d’instabilité politique, de crise sociale….et consorts et que la démarche soit plus participative afin que le peuple puisse se reconnaître dans le projet qui nous sera soumis plus tard….. ».
Député Boniface Yèhouétomè
« ….Merci monsieur le président. Je vous remercie pour la sérénité avec laquelle vous conduisez ces débats. C’est historique comme certains l’ont dit. C’est parce que la répétition est pédagogique que je vais revenir sur un certain nombre de points parce qu’après les interventions de certaines collègues notamment les présidents Arifari Bako, Mathurin Coffi Nago, Akotègnon. Je remercie également les membres de la commission. Les collègues qui ont voté en commission le rapport ne devraient pas venir dire autre chose en principe. Comme beaucoup l’ont dit, nous sommes à la première étape. L’étape où on va dire oui on peut prendre en compte. Et la constitution, notre règlement intérieur et les textes prévoient la manière dont ces questions préalables vont être réglées. Je crois que c’est aussi simple que cela. Le président Arifari Bako a donné l’exemple de l’élève qu’on envoie à l’école, c’est comme un dossier d’appel d’offres, lorsque vous ouvrez, vous contrôlez l’existence des pièces avant d’aller à une deuxième étape où vous rentrez dans le fonds. Vous regardez si les pièces sont valides. Je crois qu’on n’en est pas encore là. On donne l’impression qu’on veut voter la constitution en l’état. C’est un projet. Mon intervention va s’articuler autour de quatre points. L’opportunité de la révision. Est-ce qu’il faut pour réviser la constitution ? Je crois que c’est non. Notre constitution a des forces et des faiblesses comme beaucoup d’autres constitutions »
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN