En 2010, le professeur Joël Aïvo qualifiait la Constitution béninoise de celle de tous les records en Afrique. Depuis 2006 que l’idée de sa révision trotte les esprits, elle n’est jamais parvenue à l’ultime étape. De ce fait elle est entrée dans la culture béninoise comme un fétiche national.
« Touche pas à ma Constitution ». Cette boutade lancée en 2006 est chaque fois reprise à l’occasion d’un processus de révision constitutionnelle. La loi 90-032 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin est devenue un véritable fétiche national que tout le monde vénère. En effet, depuis, 1958 où le pays s’est proclamé République, plusieurs constitutions ou textes à valeur constitutionnelle ont été expérimentés. A titre illustratif, il y a eu la Constitution du 15 février 1959, celles du 26 novembre 1960, du 11 janvier 1964, du 11 avril 1968, la Charte du 1er septembre 1966, les ordonnances du 26 décembre 1969, du 07 mai 1970, du 18 novembre 1974, les lois fondamentales du 26 août 1977 et du 13 août 1990. Comme on peut le constater, sur les dix constitutions ou textes à valeur constitutionnelle, la moyenne de longévité en dehors de la période de 1977 à 1990 est de moins de 2 ans. A l’opposé, la Constitution du 11 décembre 1990, depuis son entrée en vigueur résiste à toutes les tentatives de sa révision pourtant prévue dans ses dispositions.
De Kérékou à Talon, 5 tentatives
Vers la fin de son mandat en 2005, les hommes du président Mathieu Kérékou, au motif, pour certains de tomber pieds joints dans l’inconnu, ont entamé une campagne de révision opportuniste de la Constitution du 11 décembre 1990. L’objectif était bien de prolonger le séjour du président Kérékou à la tête de l’Etat. Mais, l’ancien homme fort du 26 octobre 1972, épris de paix, puisera dans son être de caméléon, les moyens en juillet 2005, de renoncer officiellement à la révision. La levée de bouclier de la société civile, lui a servi de baromètre pour ne pas s’aventurer à introduire un texte modifiant la Constitution du 11 décembre 1990. Mais à l’avènement du président Yayi Boni, les députés, à moins d’un an de la fin de leur mandat, procède nuitamment le 23 juin 2006, à la modification des dispositions constitutionnelles relatives à la durée de leur mandat. Saisie par plusieurs Béninois, la Cour constitutionnelle rend une décision le 8 juillet 2006 qui dénonce le coup d’Etat constitutionnel. Elle décide que la loi constitutionnelle adoptée par l’Assemblée nationale est contraire à la Constitution. Le 03 novembre 2009, après les travaux de la Commission Maurice Ahanhanzo-Glèlè, le président Yayi, par décret introduit un projet de révision de la Constitution. La tentative échoue de même que celle de 2013 consécutive aux travaux de la commission Joseph Gnonlonfoun. Pour une cinquième fois, la révision de la Constitution est engagée par l’Exécutif auprès du Parlement. A la différence de ses prédécesseurs, le président Patrice Talon, a fondé en grande partie son projet de société sur les réformes politiques et institutionnelles. Elles ne peuvent aboutir qu’avec la révision de la Constitution. Mais mardi dernier, le projet de révision n’a pas franchi l’étape de sa prise en considération. Une fois encore la Constitution du 11 décembre 1990 a résisté.
Jean-Claude Kouagou