Comme toute réforme politique importante, celle de la révision de la Constitution du 11 décembre 1990 suscite beaucoup de polémiques. Entre suspicions et interprétations de tout genre, le projet qui a pourtant obtenu l’adhésion de tous, du moins sur le principe, fait aujourd’hui l’objet de paradoxales remises en cause.
Annoncée depuis la campagne électorale au nombre des chantiers prioritaires dans le cadre des réformes politiques et institutionnelles, la révision de la loi fondamentale est loin d’être une surprise pour les Béninois. D’ailleurs, on se doute bien que la commission Djogbénou devait naturellement déboucher sur cette révision qui vise le renforcement de la démocratie et de l’Etat de droit par le toilettage de la Constitution dont certaines imperfections sont maintes fois décriées par la classe politique et autres acteurs de la société civile.
Le président Patrice Talon, conscient des enjeux politiques, sait que cette révision ne peut aboutir qu’en début de mandat et avec toutes les garanties qui rassurent de ce qu’il ne s’agit guère d’une révision opportuniste pour se maintenir au pouvoir comme on en voit dans certains pays. Ainsi, il a tôt fait de prôner, entre autres, le mandat unique, l’équilibre des pouvoirs au regard des prérogatives excessives du chef de l’Exécutif et la nécessité de réformer le système partisan pour plus de légitimité politique et une meilleure représentativité.
C’est donc au pas de charge que le président avance sur ce dossier avec l’envoi à l’Assemblée nationale du projet de modification de la Constitution et la demande de l’étudier en procédure d’urgence. Et ceci, certainement, parce que le chef de l’Etat comme d’ailleurs les acteurs politiques savent que le temps peut jouer contre la révision, en raison des appréhensions légitimes liées aux velléités d’opportunisme politique si la révision intervenait au milieu ou en fin de mandat. De Mathieu Kérékou à Boni Yayi, la période choisie pour entreprendre la révision de la Constitution nous renseigne éloquemment sur les achoppements d’une telle entreprise, d’avance vouée à l’échec.
A y voir de près et sur la base de la principale garantie offerte par le président Patrice Talon de ne vouloir faire qu’un mandat unique et qui plus est, avec la précision que la modification n’emporte pas une nouvelle République, il apparaît ostensiblement que le chef de l’Etat a fait preuve de courage politique pour trancher le nœud gordien comme ce fut le cas lors du choix des chefs-lieux des nouveaux départements.
Craintes et polémique
En réalité, la polémique autour de la révision de la Constitution se nourrit plus des craintes liées aux changements à venir du fait des réformes que de l’impertinence de celles-ci. Ceci est d’autant plus vrai que certains auraient souhaité le statu quo ou la voie référendaire pour manipuler l’opinion et espérer faire échec au projet par l’exploitation politique des difficultés sociales liées aux réformes. Sans tenir compte des avancées démocratiques du projet.
Le chef de l’Etat, en homme averti, fin connaisseur des hommes politiques et des réalités du pays, ne s’offusque guère d’un tel débat. « Ainsi, de même que mon rôle fut d’opérer des choix, de même le sien (Parlement, ndlr) sera d’apprécier ces choix, de répondre aux questions que chacun d’entre nous est fondé à se poser : les cinq modifications proposées renforcent-elles la démocratie ? Préservent-elles nos libertés ? Permettent-elles une meilleure reddition de compte ? Organisent-elles mieux la vie politique ? Favorisent-elles le développement économique et social ainsi que l’épanouissement individuel et collectif ? Chaque fois que la réponse à l’une de ces questions sera négative, pour l’une quelconque des propositions de modification, celle-ci pourra être rejetée. »
Ces propos devraient suffire à convaincre de l’attachement du chef de l’Etat à la démocratie qui reconnaît le droit à la différence. Surtout qu’il offre la possibilité à ceux qui ne partagent pas ses choix de s’exprimer.
Par Joseph Vodounon Djodo (Collaboration extérieure)