(Un génie qui mérite une distinction honorifique de l’Etat)
Anice Pépé capte l’attention par son allure physique et par-delà, sa capacité à dompter le public à travers sa production musicale. Alors qu’il n’était qu’un enfant, ses parents avaient pris l’habitude de l’appeler Baba (Grand Père en langue locale de l’Ouémé). Selon les explications de l’artiste, la ressemblance avec son Grand-père défunt transcende le simple plan physique. « Anice est donc pépé », explique-t-il. Anice Pépé est l’un des artistes béninois de la musique traditionnelle dont le nom sonne comme l’emblème du rythme Zinli de l’Ouémé. L’artiste exécute avec dextérité ce rythme à l’origine sacré et réservé pour les cérémonies mortuaires. Il ne devrait donc pas se jouer en dehors de ces occasions. Seulement, Anice pépé précise aussi que son zinli a été désacralisé avant de sortir du carcan de la tradition. C’est-à-dire, débarrassé de toutes réalités cultuelles. Par exemple, la jarre qui sert d’instrument principal dans cette musique traditionnelle et qui a donné son nom au rythme, en temps normal, n’entre pas dans les concessions. Elle reste toujours dehors. Mais la sienne entre en magasin. Après ses recherches, puisque percussionniste, Anice pépé en est arrivé à modifier les notes de cette musique. Son rythme à lui s’appelle ZinliAlènouyoyo (Zinli nouvelle formule).
Pour ceux qui ne le savent peut-être pas, Anice pépé est l’un des rares artistes de la musique traditionnelle qui s’intéressent aux questions liées à la liberté et à l’indépendance du continent. C’est bien là un effort de distinction et de réflexion qu’il faut lui reconnaître car, peu d’artistes de sa catégorie s’intéressent à ces questions-là. C’est aussi une façon pour lui de participer à la défense des idées du panafricanisme. Au Bénin, Anice pépé et sa musique sont aimés et acceptés de beaucoup de personnes. Mais, il est regrettable de se rendre compte «qu’Anice pépé n’a pas beaucoup d’opportunités de franchir les frontières du Bénin dans le cadre de sa carrière». Avec les sept albums à son actif, enregistrés depuis le début de sa carrière, il voit son talent tourné sur le pivot. «Je ne sais pas si c’est parce que j’ai refusé de faire de la musique moderne», se demande-t-il. Anice Pépé a des idées assez intéressantes pour diffuser sa musique en dehors du territoire national. Mais, la question que nous nous posons est de savoir s’il est judicieux d’en attendre des autorités béninoises? Et pourtant, Anice Pépé a été disque d’or au Bénin en 2010 et a reçu bien d’autres récompenses les années qui ont suivi. Autant dire que c’est une valeur sûre que les autorités foulent au pied espérant lui rendre l’ultime hommage pompeux orné d’hypocrisie et de comédie.
Teddy GANDIGBE