Le prix du pétrole brut a augmenté de manière constante depuis le milieu de l’année 2010. Ceux qui pensent que l’Afrique subsaharienne est le nouvel eldorado pour l’exploration pétrolière ont probablement raison. Dans un environnement qui demeure marqué par la catastrophe de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique en 2010, les bassins d’or noir africain présentent un intérêt certain. Attirés par le potentiel d’extraction de millions de barils, de marchés sous exploités et un environnement réglementaire favorable - du moins lorsqu’on le compare aux environnements en Occident qui deviennent sur-réglementés - les firmes indépendantes sont parties à la conquête du pétrole de l’Afrique subsaharienne. Dans les 12 prochains mois, l’Afrique subsaharienne va connaître un regain d’activité avec de nouveaux producteurs qui vont émerger, des cadres réglementaires qui vont évoluer et une consommation d’énergie sur le continent qui va continuer à croître de manière significative.
Une opportunité unique
Déjà sur les 12 derniers mois, l’Afrique a vu son paysage pétrolier se transformer avec l’arrivée du Ghana dans le club des pays producteurs. La production quotidienne atteint aujourd’hui 85 000 barils par jour avec un bassin pétrolifère, le Jubilee Field, qui regorge encore de 2 milliards de barils. L’Afrique de l’Est n’est pas de reste. La découverte de gisements gaziers par les firmes pétrolières internationales en Tanzanie et au Mozambique a relancé l’appétit pour cette région sous-exploitée. La production du pétrole du Lac Albert en Ouganda, découvert en 2006, devrait démarrer en 2012. Mieux encore, des pays sahéliens enclavés tels le Niger commenceront aussi à produire du pétrole à partir de 2012 avec un débit de 20 000 barils par jour à partir du champ pétrolifère d’Agadem, exploité par la CNPC. Avec une production pétrolière qui devrait croître de 4% sur les cinq prochaines années et un prix qui devrait rester proche des 100 $, l’Afrique représente aujourd’hui une opportunité unique pour les firmes d’exploration ambitieuses.
D’ici 2012, l’Afrique représentera 12% de la production pétrolière mondiale, soit un volume de 12 millions de barils par jour. Les réserves pétrolières africaines ont aussi fortement augmenté passant de 53,4 milliards de barils en 1980 à 132,1 milliards de barils en 2010. La demande pour le pétrole africain reste soutenue, tirée par la Chine et les Etats-Unis, ainsi que la consommation croissante de produits pétroliers sur le continent. Sur le long terme, trois tendances de fond façonneront le paysage pétrolier et gazier africain.
Les firmes de taille limitée vont utiliser leur percée en Afrique pour croître
Les firmes d’exploration de taille limitée, communément appelées les « indépendantes », ont été à l’origine des découvertes les plus intéressantes sur les dernières années en Afrique. La reprise des prix des matières premières à partir de 2010, associée aux dépenses mondiales en exploration qui n’ont cessé de croître (11% en 2011), ont favorisé les investissements dans des régions, auparavant sous exploitées, permettant ainsi à un groupe de firmes indépendantes de consolider leurs actifs en Afrique. De ce groupe, se détachent les firmes britanniques Tullow Oil et Afren Energy Plc.
Afren, cotée sur la bourse de Londres, détient aujourd’hui un portefeuille d’actifs et une présence pétrolière en Afrique qui rivaliser bientôt avec celle des firmes internationales, les majors. Pendant qu’elles augmentaient leur présence en Afrique, les firmes indépendantes en ont aussi profité pour revoir leur stratégie.
L’objectif était de combler les retards en termes de capacité de financement vis à vis des majors intégrés. Elles sont passées d’un modèle d’affaires concentré sur l’exploration à un modèle complet qui intègre toutes les étapes de la chaine de valeur du secteur pétrolier. Ainsi, Afren est passé d’un modèle où il développait uniquement des champs pétrolifères marginaux à un modèle où il a réussi à se développer en achetant des actifs importants de majors plus importantes, acculées à réduire leurs investissements.
De même, l’incursion de firmes telles que Tullow Oil dans la production du pétrole africain a rompu avec le modèle classique des firmes indépendantes qui consistait à acheter des champs, à forer, à explorer et, suivant le taux de réussite, à revendre aux majors. Les firmes indépendantes sont aujourd’hui attirées, aussi bien par les régions sous exploitées de l’Afrique de l’Est et de l’Océan Indien, que par la côte de 1200 km entre le Ghana et la Guinée. Les 1000 explorations pétrolières attendues en Afrique subsaharienne sur les prochaines années seront surtout dominées par ces firmes indépendantes d’exploration et de production.
Sur la question du financement, les firmes indépendantes se sont aussi améliorées en essayant d’être plus innovantes, avec des solutions combinant les placements privés et les levées de fonds sur les marchés de capitaux. La vente d’une partie du portefeuille d’actifs comme moyen de financement est devenue aussi un des moyens préférés pour lever des fonds pour des opérations dans la même région. Enfin, plusieurs firmes indépendantes continuent à exploiter le retrait des majors de certaines régions pour accroître leurs réserves.
Cove Energy, une autre firme indépendante britannique, a considérablement accru ces réserves potentielles en rachetant des actifs après l’annonce de nouvelles découvertes de gaz en Tanzanie et au Mozambique.
L’âge d’or du gaz africain
La découverte de nouveaux gisements gaziers en Afrique est la deuxième tendance lourde qui va façonner le paysage du secteur pétrolier sur les prochaines années. L’annonce par la firme italienne au mois d’octobre dernier de l’identification d’un nouveau gisement de gaz au large du Mozambique, a relancé l’intérêt pour le potentiel de gaz dans la région. Le gaz devrait émerger dans les prochaines années comme une source majeure d’énergie pour la consommation locale et l’exportation, avec une production dont la croissance est estimée à 25% pour les 5 prochaines années. En effet, les multiples projets de gaz naturel liquéfié en Tanzanie et dans d’autres régions pourraient créer un nouveau relais de croissance pour les pays africains producteurs avec un débouché à l’export vers des pays du Moyen Orient et l’Asie.
L’Afrique de l’Ouest, qui détient 32% des réserves de gaz naturel en Afrique, va aussi considérablement accroître sa production d’ici 2015, tirée surtout par les exportations en gaz naturel liquéfié. En 2010, le Nigéria a exporté 39,30 millions de m3 de gaz naturel liquéfié, suivi par la Guinée équatoriale qui en a exporté 8,28 millions de m3. L’Angola, un autre producteur important, devrait démarrer sa production en décembre, en avance de plusieurs mois sur le calendrier. Le West Africa Gas Pipeline (WAGP), qui relie le Nigéria au Ghana, a aussi commencé à distribuer 120 mm cf/d de gaz au Ghana en 2010.
Une nouvelle ère pour l’énergie transfrontalière ?
Si le gaz se révèle être une perspective intéressante pour l’Afrique, le potentiel de croissance de la consommation et de la demande d’énergie transfrontalière pourrait être une histoire encore plus fascinante. Aujourd’hui, l’Afrique représente seulement 5% de l’énergie consommée dans le monde. Mais, d’ici à 2030, elle sera la région du monde qui va connaître le plus fort taux de croissance au niveau de la demande et de la consommation de pétrole brut et de produits pétroliers. La majorité de cette demande sera tirée par un taux de croissance du PIB qui devrait croître en moyenne de 5,75% en 2012 selon le FMI. Le prix du pétrole, la taille de la population et le taux de croissance sont déterminants dans la demande et la consommation de pétrole brut et produits pétroliers. Sur tous ces facteurs, l’Afrique est plutôt bien servie. Entre 2009 et 2010, les exportations de produits pétroliers raffinés ont bondi de 15 milliards de $ à 29 milliards de $, confirmant ainsi le potentiel et la tendance de fond qui sous tend la consommation mondiale actuelle.
Pendant que les importations de produits pétroliers en Afrique augmentaient de manière significative dans la dernière décennie, le commerce intra régional de produits pétroliers connaissait aussi son embellie. Plusieurs pays se sont ainsi positionnés comme de nouveaux pôles d’exportation, et de réexportation vers des destinations régionales. La Côte d’Ivoire continue à jouer son rôle de plateforme régionale d’exportation de produits pétroliers. Plus à l’Est, le Bénin a conquis dans les dernières années une part de marché significative vis à vis du Nigéria en devenant un des pôles d’exportation vers les pays enclavés du sahel. L’Ouganda joue le même rôle en Afrique de l’Est vis à vis du Sud Soudan, du Rwanda et du Burundi. Pourtant, nous sommes encore loin du potentiel qui pourrait être atteint. Seulement 6% des produits pétroliers exportés d’Afrique sont destinés à d’autres pays africains.
En face, 41% des exportations de produits pétroliers en provenance d’Afrique se dirigent vers l’Europe. La perspective de nouvelles capacités de raffinage pourrait entrainer l’émergence de pays capables d’exporter leurs excédents vers des pays voisins qui ont des besoins croissants. Avec de nouvelles installations de raffinage, le Ghana pourrait avoir un excédent de 148 000 barils par jour de produits pétroliers à l’horizon 2016, lui permettant ainsi d’exporter vers les autres pays de l’Afrique de l’Ouest. La demande dans les pays ne disposant pas d’installations de raffinage atteint déjà 4 millions de tonnes par an.
L’Afrique : un nouvel Eldorado à un moment ou la demande croît et les réserves mondiales diminuent
La ruée actuelle à l’acquisition de nouveaux actifs pétroliers et gaziers en Afrique démontre indéniablement le nouveau statut de l’Afrique comme nouvel Eldorado du pétrole. Ce statut est encore plus important à un moment où la demande de pétrole croît à un rythme plus important que les découvertes de nouveaux gisements.
Depuis 2005, l’offre de pétrole brut conventionnel stagne et pourrait même ne plus jamais croître dans le futur. Pendant les troubles politiques récents du Moyen Orient et de l’Afrique du nord, le pétrole ouest africain - bon marché à cause de sa faible teneur en soufre - s’est révélé d’une importance capitale comme source d’approvisionnement du monde. L’Afrique peut aujourd’hui jouer un rôle majeur dans le paysage pétrolier mondial en offrant une source alternative unique avec ses diverses variétés de pétrole. Au rythme de production actuelle, les réserves de pétrole en Afrique subsaharienne permettent encore d’espérer 40 ans de production.