En sa séance du Conseil des ministres du mercredi 04 octobre 2016, le gouvernement a décidé de la suspension des activités des fédérations, unions, associations et organisations faîtières d’étudiants dans les universités nationales du Bénin. Raison évoquée : la recrudescence des faits de violence ainsi que des troubles à l’ordre public. Les contestations et dénonciations de la société civile n’ont pu faire fléchir le gouvernement. Mais à travers sa décision Dcc 17-065 du 16 mars 2017, la Cour constitutionnelle a condamné cette décision gouvernementale. Cependant la décision n’est toujours pas levée jusqu’à ce jour…
« Nous nous inclinons, je suis un démocrate », ce sont les propos tenus par le Chef de l’Etat, Patrice Talon Au sujet de la décision de la Cour. C’était samedi dernier sur la télévision nationale au cours de l’émission-bilan “A bâtons rompus“. Pour le Président de la République, le gouvernement n’a pas été compris dans ce dossier d’interdiction des activités des organisations estudiantines. Justifiant la mesure tant décriée, le Chef de l’Etat affirme qu’il y avait un danger sur le campus, troubles à l’ordre public et qu’il était important de suspendre provisoirement les activités afin de mieux réorganiser les manifestations sur les campus. « Il y avait des gangs à l’intérieur des universités»,fit-il remarquer pour expliquer que la décision était intervenue à un moment où les activités ont commencé à déraper dans les universités. L’existence des associations agissant en tant que milices sur le campus a été également évoquée par le Président Patrice Talon. Si ces faits accablants ont été révélés par des enquêtes administratives sur le mode de recrutement par les organisations estudiantines d’anciens militaires et sur la délimitation de zones dites interdites sur le campus, il faut cependant reconnaitre que la suspension des activités n’était pas forcément la solution. « On n’interdit pas les mouvements estudiantins en démocratie, mais on cherche à les contrôler », rappellera le syndicaliste Thierry Dovonou. Et au Sg/Fesyntra-finances, Laurent Mètongnon de déplorer « il s’agit là encore d’un aveu d’impuissance du gouvernement de la Rupture de garantir la sécurité des citoyens, car comment sur un campus déjà assiégé par les militaires, policiers, gendarmes et agents de renseignement avec le matériel d’écoute que le nouveau gouvernement aurait acquis, on ne peut pas mettre la main sur les sois – disant étudiants qui recruteraient des anciens militaires et délimiteraient des zones interdites où serait pratiquée la torture, et à présenter comme preuves justifiant la décision ? ».
Talon s’incline mais ne revient pas sur sa décision…
« La décision du Conseil des ministres du 05 octobre 2016 et le décret n°2016-616 du 05 octobre 2016 portant interdictions d’activités des fédérations, unions, associations ou organisations faîtières d’étudiants dans toutes les Universités nationales du Bénin sont contraires à la Constitution et donc sont nuls et non avenus », lit-on dans l’article 1er de la décision de la Cour constitution du 16 mars 2017. Sur la télévision nationale samedi dernier, le Président Patrice Talon dit s’incliner face à la décision de la Cour tout en se réclamant bon démocrate mais malheureusement ne s’y conforme toujours pas. Bientôt un mois que la décision a été rendue et notifiée mais aucune volonté affichée du gouvernement de desserrer l’étau autour des organisations estudiantines. « Le ministre de l’enseignement supérieur, le ministre de la justice, les recteurs sont en train de travailler à cela pour que la vie reprenne bien dans nos universités », c’est là, l’assurance du Président de la République quant à l’application de la décision de la Cour. Jusqu’à quand dureront les travaux des ministres et recteurs ? A quand la levée de la mesure d’interdiction sur les campus ? L’inquiétude reste persistante car pendant ce temps, des décisions se prennent à l’encontre de la communauté estudiantine sans qu’il n’y ait un responsable ou une organisation pour protester ou plaider en faveur des étudiants. De toute façon, les étudiants se sentent toujours brimés arbitrairement dans leurs droits par le Chef de l’Etat et son gouvernement.
Aziz BADAROU