Dans le cadre de l’examen du treizième dossier inscrit à son rôle pour la première session ordinaire de 2017, la cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou a écouté et jugé Sètondji Elie Assogba et Sylvestre Glèlè poursuivis pour faux et usage de faux en écriture publique et authentique, complicité de faux, vente d’immeuble d’autrui et escroquerie. Ils ont écopé de douze ans de travaux forcés.
Douze ans de travaux forcés et 3 millions F Cfa d’amendes à payer par Sètondji Elie Assogba et Sylvestre Glèlè poursuivis pour faux et usage de faux en écriture publique et authentique, complicité de faux, vente d’immeuble d’autrui et escroquerie, avec le partage proportionnel de la caution de 14 millions aux victimes. Tel est le verdict retenu à l’issue de l’examen de la treizième affaire inscrite au rôle de la cour d’assises de Cotonou au titre de sa première session 2017.
A la barre, Sètondji Elie Assogba reconnait les faits qui lui sont reprochés. « Celui qui m’aide à établir les conventions de vente, les certificats de non litige et les fiches de recasement réside au Nigeria. Il s’appelle Rogatien Djigbéhoundé et dispose des modèles dans sa machine », explique-t-il. Il poursuit qu’il accompagne chacune des victimes sur sa parcelle avant de prendre l’argent. Il soutient que l’acheteur doit finir de payer avant d’avoir sa parcelle. « S’ils finissent de payer, ils auront leurs parcelles. Je n’ai jamais déclaré que si je vais en prison que les victimes n’auront plus jamais leurs parcelles », se défend-il.
Le co-accusé Sylvestre Glèlè déclare que Sètondji Elie Assogba lui a expliqué qu’il établit les conventions et documents au Nigeria. « Je fabrique du charbon. Je suis profane dans cette histoire de parcelle. Je reconnais avoir décroché au moins cinq fois pour dire que je suis son père. Il me donne de l’argent », confie-t-il.
Dans ses réquisitions, le ministère public met en exergue que les documents exhibés et produits sont faux. Il ajoute que l’accusé Sètondji Elie Assogba a usé de stratagèmes pour se faire remettre 11 200 000 F Cfa par Octave Didier Adda et par la suite d’autres victimes, soit au total 36 350 000 F Cfa. Son acolyte, Sylvestre Glèlè intervient pour rassurer les victimes. Quatre chefs d’accusation pèsent sur les deux accusés, retient-il.
Y a-t-il eu faux et usage de faux en écriture publique authentique? Ont-ils ensemble et de concert commis les faits ? Sylvestre Glèlè a-t-il aidé ou collaboré dans l’escroquerie des diverses sommes? Voilà les questions que Boni Séïdou Kpégounou s’est posées et a posé à la cour.
Il l’invite à s’appesantir sur les éléments constitutifs des qautre différentes infractions. Le faux en écriture publique et authentique est puni des travaux forcés à temps. Les conditions suivantes doivent remplies, selon lui. Il faut une altération frauduleuse de la vérité, l’élément matériel de l’infraction, le préjudice certain, l’écrit en question doit être un acte public. En l’espèce, il a expliqué comment Sètondji Elie Assogba a effectivement fait usage de faux. Le titre de maire attribué à un signataire sous-préfet, en l’espèce. Puis il poursuit en demandant si ce faux a créé des préjudices; il répond par l’affirmative. Il fait remarquer : «Toutes les signatures apposées sont fausses. Le faux matériel suffit pour admettre la consommation de l’infraction». «De plus, l’accusé sait qu’il causait des préjudices. C’est l’élément intentionnel » démontre-t-il.
Le crime d’usage de faux est également établi, explique-t-il.
Participation décisive de Sylvestre Glèlè
En ce qui concerne la complicité de faux en écriture publique et authentique, les articles 59 et 60 du Code pénal fondent son existence. L’accusé a-t-il coopéré ? Au cours des débats, la participation de Sylvestre Glèlè était décisive dans la conclusion des manœuvres frauduleuses tendant à décider les victimes.
« Les huit victimes ont été escroquées. Il faut appliquer l’article 405 du Code pénal : faux nom et fausse qualité. La fausse qualité de père et celle de colonel de l’armée ont été utilisées pour tromper les victimes », relève-t-il.
Ils doivent également être poursuivis pour vente d’immeubles d’autrui.
Il ressort des débats qu’ils ont collaboré pour endormir les victimes et leur extorquer les fonds, expose-t-il.
Pas de circonstances aggravantes, relève le ministère public, de même qu’il n’y a pas de circonstances atténuantes à leur endroit. Donc, il s’agira de leur appliquer la sanction retenue. Ils sont pénalement responsables. Il n’y a pas cumul de peine dans notre droit positif, retient-il, mais il faut leur appliquer les sanctions retenues par les articles 147, 148, 59 et 405 du Code pénal. Au terme de son réquisitoire, le ministère public a requis vingt ans de travaux forcés et 3 millions d’amendes.
Me Patrick Zannou pour la défense de Sylvestre Glèlè déclare que le réquisitoire est long. Pour lui, il n’y a pas faux en écriture publique et authentique au sens des articles 147 et 148 du Code pénal.
Y a-t-il eu complicité de la part de Sylvestre Glèlè?, interroge-t-il. «Le rôle de Sylvestre est de convaincre les victimes, explique-t-il. «il ne se préoccupe pas du reste. Son rôle s’est limité seulement à convaincre. Il ne participe pas. Il faut sanctionner Sylvestre juste pour ce qu’il a fait mais pas au-delà. Les deux accusés sont coupables d’escroquerie. A votre barre, personne ne s’est plaint qu’on a vendu son immeuble», relève Me Patrick Zannou.
Y a-t-il eu faux en écriture publique et authentique ? La réponse est non, assure-t-il.
A sa suite, Me Alfred Bocovo commis aux intérêts de Sètondji Elie Assogba déclare quant à lui que les faits sont simples. Il pense que les victimes devraient s’assurer de l’existence au service des domaines que l’objet de la vente existe. Y a-t-il eu faux ? C’est la question sérieuse qu’il faut se poser. «Si l’écriture est authentique, il doit émaner d’un officier ministériel. L’écriture publique émane des autorités gouvernementales», relève la défense.
De quel faux s’agit-il?, insiste-t-il. Pour une certaine justice on a voulu envoyer les accusés devant vous. C’est un faux grossier et je plaide la disqualification et la requalification, suggère Me Alfred Bocovo. «Je trouve qu’il y a deux infractions. Qui a porté plainte pour vente de son immeuble? Le délit de vente de parcelle d’autrui n’est pas constitué; il n’y a aucune victime qui se soit constituée», relève la défense.
L’escroquerie établie
L’escroquerie par contre est établie. Que la cour sanctionne avec la mesure, car ce sont des infractions courantes, explique le conseil.
Pour lui, « Les gens achètent les immeubles sans tenir compte des procédures requises ».
Il plaide ensuite la clémence, car les accusés reconnaissent leurs fautes. «Ils bénéficient de circonstances atténuantes dans la mesure où il n’y a pas de circonstances aggravantes», consent-il. Me Alfred Bocovo a invité la cour à bien apprécier le rôle de la sanction pénale.
Au total, il faut disqualifier l’infraction, la requalifier et dire qu’il n’y a pas de faux en écriture publique et authentique. Selon lui, il s’agit de faux dans les documents, et comme la cour d’assises a plénitude de juridiction, vous leur ferez une douce application de la loi.
Sur la non constitution du crime de vente d’immeuble d’autrui, le président Aboudou Ramanou Ali a fait intervenir la victime Octave Didier Adda qui a expliqué que ses ouvriers ont été refoulés de la parcelle où ils sont allés travailler.
Cela a suscité une réaction du représentant du ministère public. Répliquant, le magistrat Boni S. Kpégounou assure que le chef quartier, le chef d’arrondissement sont des autorités publiques qui délivrent des actes publics. Il s’agit bien de faux en écriture publique, réitère-t-il.
La défense réplique à nouveau et relève que l’article 147 a bien retenu l'écriture authentique et publique Me Alfred Bocovo s’appesantit sur la conjonction de coordination. Par ailleurs, il soutient que ce faux constitue l’élément matériel de l’infraction d’escroquerie.
La cour se retire et délibère. Elle retient les quatre chefs d’accusation contre eux et les condamne à douze ans de travaux forcés et 3 millions F Cfa d’amendes.
Les sommes extorquées aux victimes
La victime Octave Didier Adda, opérateur économique réclame 11 200 000F Cfa. L’autre victime, Pierre Togbé, adjudant-chef de l’Armée de terre à la retraite réclame 4 820 000 F Cfa. Bernard Dansou déclare avoir déboursé 900 000 F Cfa. Quant à l’adjudant Béatrice Akpo, elle réclame 1 815 000 F Cfa. En ce qui le concerne, une autre victime prénommée Léonard veut qu’on lui rembourse 1 800 000 F Cfa. Pour Victoire Elisha les accusés lui ont soutiré 3 000 000 F Cfa. Irène Laloukpo, une autre victime, restauratrice réclame 11 655 000 FCfa.
Les faits
Courant année 2010, Sètondji Elie Assogba a pris l’habitude de se faire délivrer au Bénin des originaux des conventions de vente et autres pièces afférentes au titre de propriété (fiche de recasement, convention de vente, etc). Une fois au Nigeria, il fait scanner lesdits actes administratifs aux fins de leur conférer une apparence authentique en y insérant des modifications relatives aux parcelles qui lui auraient été confiées à vendre, dans la commune d’Abomey-Calavi. De retour au Bénin, il identifie de potentiels acquéreurs à qui il fait visiter lesdites parcelles en leur exhibant "les pièces confectionnées" au Nigeria. Au cours de la visite des parcelles, il appelle au téléphone, un certain Sylvestre Glèlè qu’il passe aux acquéreurs comme étant son témoin. Celui-ci se présente au téléphone comme étant un colonel de l’Armée béninoise, Janvier Assogba, père de Sètondji Elie Assogba et les rassure de la fiabilité de la vente et du droit de propriété de Sètondji Elie Assogba sur lesdites parcelles.
Ce faisant, Sètondji Elie Assogba a réussi à se faire remettre d’importantes sommes s’élevant à trente-six millions trois cent cinquante (36 350 000) F Cfa. Interpellés et inculpés des faits de vente d’immeubles d’autrui, d’escroquerie, de faux et usage de faux en écriture publique et authentique, Sètondji Elie Assogba a reconnu les faits mis à sa charge tandis que Sylvestre Glèlè a tenté de nier les faits de faux et usage de faux à l’instruction.
Les bulletins n°1 du casier judiciaire des inculpés ne portent mention d’aucune condamnation antérieure. Les rapports de l’examen psychologique concluent que les accusés n’étaient pas en état de démence au moment des faits. L’enquête de moralité leur est favorable.
Composition de la cour
Président: Aboudou Ramanou Ali
Assesseurs: Eliane Noutaïs Guézo, Zacharie Dah-Sèkpo Greffier: Thèogène Zouchécon Ministère public: Boni Séïdou Kpégounou
Jurés: Felleol Koffi Koukponou, Firman Gankpa, Léonce A. Anicet Bachioumba, Ayaba Clarisse Houngbédji.
Didier Pascal DOGUE