La cour d’assises de la cour d’appel de Cotonou a connu, dans une autre composition, ce 13 avril du 17e dossier inscrit à son rôle. L’accusé Aliou Akilakpa reconnu coupable du meurtre de Tadjou Akilakpa, a été condamné à 10 ans de travaux forcés.
Poursuivi pour le meurtre de son grand frère Tadjou Akilakpa, Aliou Akilakpa a été condamné à 10 ans de travaux forcés après examen du dossier. Les faits se sont produits le 13 mars 2013 aux environs de minuit.
Au cours de l’instruction à la barre, l’accusé a reconnu les faits. Dans son réquisitoire, le représentant du ministère public s’est basé sur les débats. Pour lui, c’est la 2e bagarre qui a été fatale à Tadjou Akilakpa. Le meurtrier, déclare-t-il, a sorti son joker, le couteau soigneusement caché dans sa poche. Un couteau qu’il a porté à la poitrine gauche, puis droite, ce qui a entraîné la mort de la victime. Cette dernière, relève-t-il, a esquivé les coups sans pouvoir en donner. La situation suscite deux interrogations. Devant l’ampleur d’un geste aussi tragique, il n’y a jamais eu de légitime défense. Il n’y a pas eu d’agression de la part de la victime. « Si l’intention de donner la mort a précédé l’acte, nous sommes en présence d’un meurtre avec préméditation », relève le ministère public. L’accusé savait où il voulait en venir, c’est pourquoi il a plusieurs fois provoqué la victime, fait observer Célestin Kponon. Le rapport d’expertise révèle qu’il est accessible à la sanction pénale. Une colère passagère ne peut pas susciter un tel acharnement, un déchaînement inqualifiable, indique le ministère public. « L’accusé mérite d’être définitivement éloigné de la société pour décourager ce comportement. Je requiers de le condamner aux travaux forcés à perpétuité », a requis le ministère public.
Pour sa part, Me Hugo Koukpolou, la défense, s’est indigné pour la perpétuité requise à l’encontre de l’accusé. « Nous assistons à une escalade ; nous sommes partis des coups mortels pour aboutir au meurtre puis à l’assassinat. Les faits méritent-ils cette qualification ? » s’interroge la défense. Il répond par la négative et consent que l’accusé a donné la mort dans des circonstances de colère. « Nous voulons la justice à la juste mesure. D’accord avec le ministère public », affirme-t-il. Pour la défense, on était en présence de deux frères coléreux. Le nœud de ce procès réside dans l’animus necandi, l’intention de tuer. Dans les échauffourées, l’accusé a porté un coup qui s’est révélé fatal à la victime, souligne-t-il. « L’intention de tuer fait défaut et ne permet de retenir l’assassinat ni le meurtre ; nous sommes en présence de coups mortels et il faut tenir compte de l’environnement », démontre Me Hugo Koukpolou. Selon lui, l’accusé est réadaptable, mais le ministère public demande de l’éloigner. Il invite les jurés à jouer leur rôle d’accompagnateur de l’œuvre de justice, pas de figurant. « Vous êtes ceux que le destin a désignés pour rendre la justice », ajoute-t-il.
La disqualification puis la requalification
Appuyant son jeune confrère, Me Ernest Kèkè a déclaré méconnaître le ministère public qui n’a pas daigné soutenir avec preuve ce qu’il a exposé. Il plaide la disqualification puis la requalification de l’infraction reprochée à l’accusé. Le ministère public, relève la défense, parle de préméditation en soutenant que l’accusé a bien préparé son coup, l’a mûri pour agir. S’appesantissant sur les déclarations de l’épouse de la victime devant les enquêteurs, Me Ernest Kèkè a demandé à la cour de ne perdre de vue les antécédents de terrorisme de la victime, car Aliou n’avait pas sorti un couteau. Il déplore ensuite que le ministère public ait parlé de préméditation pour aggraver le sort de l’accusé. Une position qui n’est pas juste dans la mesure où la conviction de la défense est que la préméditation fait défaut. « Cela vous conduit, poursuit-il, à disqualifier le meurtre en coups mortels. Il convient de requalifier le meurtre en coups mortels. », plaide-t-il. La défense déplore ensuite que l’expertise n’ait pas été faite dans un temps voisin de la commission de l’infraction. Le casier judiciaire vierge de l’accusé plaide en sa faveur, relève Me Ernest Kèkè qui suggère à la cour de faire bénéficier à son client une douce application de la loi, ce qui serait justice.
La cour se retire et après délibérations a condamné Aliou Akilakpa à 10 ans de travaux forcés. Il lui reste encore environs six ans de bagne.
Statuant sans le concours des jurés pour les intérêts civils, la cour a reçu la femme de la victime, Sidonie Donvidé, qui s’est constituée partie civile. Elle a réclamé 5 millions par enfant à titre de dommages intérêts. Elle en a 5, ce qui donne 25 millions. Le ministère public consulté prie la cour de recevoir la dame dans sa constitution de partie civile et d’apprécier ses prétentions. La défense, quant à elle, demande à la cour d’aviser conformément à la loi. La cour se retire pour délibérer.
Pour la présidente de la cour d’assises, le magistrat Célestine Bakpé, dame Sidonie Donvidé a subi un préjudice certain, direct et actuel du fait de la mort de son mari. La demande est exagérée en son quantum, relève la cour. Par conséquent, la cour dispose d’éléments suffisants pour arbitrer à la somme de vingt millions, indique la présidente. La cour condamne l’accusé pour toutes causes de préjudices confondus à vingt millions de F CFA.
Les faits
Le mercredi 13 mars 2013, aux environs de minuit, de retour à la maison, Aliou Akilakpa a découvert l’une des locataires de la maison paternelle, "Lazare Akilakpa", couchée dehors en train de prendre de l’air. A quelques mètres se trouvait son grand frère Tadjou Akilakpa également couché. Il enjoint à la locataire de rentrer pour qu’il ferme le portail. Indigné par ces propos d’Aliou, le grand-frère Tadjou Akilakpa a protesté. Une altercation s’en est suivie. Après avoir été séparés par les voisins, Aliou Akilakpa se serait saisi d’un coupe-coupe pour saccager les fenêtres vitrées de la baraque de son grand-frère, Tadjou Akilakpa. Celui-ci retourné à la maison a été également accueilli par des projectiles de bâton et de coupe-coupe. Une seconde bagarre éclata au cours de laquelle Aliou Akilakpa a sorti un couteau de cuisine de sa poche pour poignarder son grand-frère à la poitrine du côté gauche. Tadjou Akilakpa s’est écroulé et a rendu aussitôt l’âme.
Le bulletin n°1 de l’accusé Aliou Akilakpa ne porte mention d’aucune condamnation antérieure. Il ressort du rapport de l’examen médico-psychologique qu’Aliou Akilakpa dispose de toutes ses facultés mentales et intellectuelles au moment des faits. L’enquête de moralité lui est favorable.
Composition de la cour
Président Célestine Bakpé
Assesseurs : Gislaine Zodéhougan
Norbert Kimply Agassounon
Greffier Alain Kakpo
Ministère public : Célestin Kponon
Jurés : Yves Landry Akuesson
Léon Chinkoun
Koffi Koukponou
Dominique Lanmadoucelo
Didier Pascal DOGUE