Après les décisions de la Cour constitutionnelle, l’ancien bâtonnier, Me Jacques Migan fait une autre lecture. Dans son appréciation, on comprend que c’est sur des détails juridiques à corriger que la cour s’est fondée. Rien n’est encore donc irrémédiable.
Le Matinal : Nous avons suivi avec surprise la série de décisions de non-conformité à la Constitution de plusieurs textes de lois rendues par la Cour constitutionnelle.
Quelle lecture faites-vous de ces décisions ?
Jacques Migan : Il faut avoir une lecture nuancée des décisions rendues par la Cour Constitutionnelle. D’abord, toutes les lois déférées au contrôle de constitutionnalité n’ont pas été déclarées non conformes. C’est le cas des lois sur le crédit-bail ou l’affacturage. Aussi, quand on analyse les différentes décisions de la Cour, on se rend compte que la Cour n’a pas suivi le même raisonnement pour aboutir à la déclaration d’inconstitutionnalité.
Veuillez nous éclairer sur le rejet de la loi portant Ppp
Prenons la loi sur le partenariat public-privé – qui il faut le dire - est une loi majeure sur laquelle le gouvernement entend s’appuyer pour mettre en œuvre son programme. Cette loi n’a pas été déclarée contraire à la Constitution en ses dispositions au fond. Mais la procédure devant aboutir à la déclaration de conformité de cette loi à la Constitution a été, selon la Cour, viciée. Dans la décision Dcc-17-088 du 20 avril 2017, la Cour a déclaré irrecevable la demande du Président de la République aux fins de contrôle de constitutionnalité de ladite loi. La Cour lui a dénié la qualité d’agir en raison des vices qui avaient préalablement entaché la procédure. Voilà pourquoi, le Président de l’Assemblée nationale accomplit actuellement les formalités nécessaires en vue de la demande de conformité de cette loi à la Constitution.
Quid de la loi sur les collaborateurs extérieurs ?
Relativement à la loi portant sur les collaborateurs extérieurs, il convient de noter également que la Cour ne conteste pas fondamentalement le contenu de la loi, mais elle considère qu’un tel texte ne devrait pas procéder du vote d’une loi, mais plutôt entrer dans l’ordonnancement juridique par la voie réglementaire, c’est-à-dire par le moyen d’un décret par exemple. En effet, la définition du collaborateur extérieur, telle qu’elle apparaît à la lecture de cette loi semble donner à celui-ci les caractéristiques d’un fonctionnaire, ce dernier occupant un emploi public. Or, le fonctionnaire est régi par une loi, la Loi portant statut général de la fonction publique, loi à laquelle les dérogations possibles sont prévues par la Constitution elle-même (cas des magistrats, des officiers de l’Armée par exemple). Donc la Cour laisse au Gouvernement la faculté de procéder par voie règlementaire. Et je crois que le gouvernement saisira vite cette option.
Ne pensez-vous pas que la Cour constitutionnelle est excessive ?
La Constitution a fait de la Cour constitutionnelle, un acteur incontournable du contrôle de la constitutionnalité des lois et la cour utilise cette prérogative. Chaque institution est dans son rôle. Il est vrai qu’on n’était pas assez habitué à cette frénésie de décisions défavorables pour un gouvernement au Bénin. Et dans ce contexte, les décisions peuvent paraître de nature à ralentir l’action du gouvernement, mais on ne peut que s’y conformer, lesdites décisions étant sans autre recours possible. Il est important de retenir que rien n’est irrémédiablement compromis ni pour le Gouvernement, ni pour l’Assemblée Nationale. Lesdites lois étant pour les unes, proposition de loi, les autres, projet de lois. Les deux Institutions doivent prendre rapidement les mesures nécessaires pour corriger les erreurs relevées par la cour, afin de hâter la mise en vigueur de ces lois importantes pour la mise en œuvre du programme d’action du Gouvernement.
Propos recueillis par AT