La décision de la Cour constitutionnelle sur la violation des droits de la défense de Georges Constant Amoussou a fondé le renvoi de l’examen du dossier de "Complicité d’escroquerie par appel public à l’épargne et placements irréguliers d’argent" dans lequel l’ancien procureur général est accusé. La cour a joint toutes les exceptions soulevées au fond et ordonné le renvoi de la cause.
Dans cette affaire, le ministère public a engagé des poursuites contre Georges Constant Amoussou, Comlan Emile Tégbénou, Nonhèmi Agossou et Nicolas Houngbèmè pour « complicité d’escroquerie par appel public à l’épargne et placements irréguliers d’argent, complicité d’infraction à la réglementation des institutions mutualistes ou coopératives d’épargne et de crédit et corruption-subornation de témoin ».
Me Dine Moustapha de la défense annonce sa constitution aux intérêts de Nicolas Houngbèmè et soulève l’exception de nullité de l’arrêt de renvoi le concernant. Pour lui, Nicolas Houngbèmè est renvoyé par l’arrêt n° 017/CJ/PS du 11 janvier 2012 comme accusé alors qu’il était jusque-là considéré comme témoin dans l’affaire ci-dessus mentionnée. Il relève que son client et d’autres accusés sont renvoyés les uns pour complicité d’escroquerie et les autres pour subornation de témoin. Me Dine Moustapha explique qu’à aucun moment, son client qui avait toujours été auditionné en tant que témoin n’a été informé du changement de sa qualité de témoin en celle d’inculpé. Ce qui lui aurait permis de préparer sa défense. Il y a là, insiste-t-il, un vice. « Nicolas Houngbèmè s’est toujours considéré comme témoin. C’est ce vice que je voudrais relever », clame la défense pour qui l’arrêt de renvoi ne saurait purger ladite nullité.
Devant la réaction de Célestine Bakpé tendant à exiger que la défense précise ses intentions, Me Dine Moustapha se résume en une interrogation : Peut-on renvoyer devant les assises quelqu’un qui n’a pas été inculpé ?
Appelé à faire ses observations sur la nullité invoquée, Mardochée V. M. Kilanyossi, représentant le ministère public, cite l’application des dispositions de l’article 586 du Code de procédure pénale et estime que l’arrêt de renvoi purge les vices.
La réplique de la défense vise à préciser que le vice est contenu dans l’arrêt même querellé. Car pour elle, l’arrêt pourrait purger les vices antérieurs mais pas ceux qui lui sont intimes.
A sa suite, Me Dieudonné Assogba, officiant pour le compte de l’ancien procureur général près la cour d’appel de Cotonou, invoque le déclinatoire de compétence de la cour d’assises. Il a expliqué avoir saisi la Cour constitutionnelle et la Cour suprême. Il poursuit que l’ancien Code de procédure pénale avait prévu le principe de privilège de juridiction. « Nous avons constaté qu’aucun acte n’a été pris jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau code. Les lois de procédure sont d’application immédiate », assène Me Dieudonné Assogba. Par ailleurs, explique-t-il, les formalités régulières de saisine de la cour d’assises font défaut et on ne peut considérer l’instruction close.
Un cas très spécifique
Le bâtonnier Alfred Pognon appuie son confrère et explique que la cour est confrontée à un cas très spécifique qui veut que certaines personnes bénéficient du privilège de juridiction, au tout premier chef, les magistrats, informe-t-il. « L’instruction a commencé en 2010 sans que son client n’ait bénéficié d’une enquête préliminaire », déplore le bâtonnier Pognon. La procédure a été enclenchée sous l’ancienne loi et s’est poursuivie sous la nouvelle (nouveau Code de procédure pénale) qui date du 29 mai 2013. « Les formalités de saisine de votre cour n’ont pas été accomplies. », explique la défense. Quelqu’un qui bénéficie du privilège de juridiction et qui n’a pas eu droit au double degré de juridiction est lésé dans ses droits, fait observer la défense. On ne lui a pas permis de relever appel. Par ailleurs, le bâtonnier a déclaré appuyer les observations de Me Dine Moustapha relatives à la nullité de l’arrêt de renvoi.
La cour suspend pour plus de deux heures. A son retour, elle donne la parole au ministère public. Mardochée Kilanyossi déclare au principal rejeter les exceptions, au subsidiaire renvoyer pour la décision de la Cour constitutionnelle.
Le bâtonnier Pognon reprend la parole et réitère l’exception de nullité de l’arrêt de renvoi. Il ajoute que Nicolas Houngbèmè a été entendu jusque-là comme témoin pour le dossier : ministère public contre Georges Constant Amoussou mais qu’il a été arrêté pour l’affaire de placement d’argent ICC-Services.
Me Dieudonné Assogba déclare soulever d’autres exceptions relatives à la violation des droits de la défense et du droit à une justice équitable. Pour lui, l’antériorité du réquisitoire au rapport du conseiller rapporteur de la Cour suprême dont il a rappelé les dates pose problème ; cela laisse entendre qu’il y a manipulation.
Par ailleurs, il a, sur la base de l’article 234 du Code de procédure pénale, dit que la chambre d’accusation a l’obligation de motiver les faits, de les qualifier sous peine de nullité de l’arrêt de renvoi.
Il a été appuyé par le bâtonnier Alfred Pognon qui relève que tout magistrat instructeur doit se soucier d’articuler les faits, de faire ressortir la qualification et de relever l’imputation des faits à la personne poursuivie.
L’ancien procureur général, justifie le bâtonnier, a été nommé en 2008. C’est à ce titre qu’il a été consulté par le président de la République sur les questions de trouble causées par l’affaire ICC-Services. Le bâtonnier s’étonne que son client soit considéré comme complice des gens qui opéraient depuis 2006.
Me Yves Kossou, toujours pour les intérêts de Georges Constant Amoussou, a invoqué les dispositions de l’article 587 du Code de procédure pénale pour plaider la nullité des actes de procédure. Ce sont des nullités d’ordre public, insiste-t-il.
Le ministère public requiert de déclarer les nullités irrecevables et pense que ce sont des débats prématurés qui se rapportent au fond de l’affaire.
Après délibération, la cour a donc joint les nullités soulevées au fond et renvoyé l’examen de la cause en attendant la décision de la Cour constitutionnelle.
Didier Pascal DOGUE